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29/03/2023 | FRANCE | N°19-11933

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 29 mars 2023, 19-11933


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

DB

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 29 mars 2023

Cassation

M. VIGNEAU, président

Arrêt n° 239 F-D

Pourvoi n° P 19-11.933

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 29 MARS 2023

La société Distritec, société par actions simpli

fiée, dont le siège est [Adresse 3], a formé le pourvoi n° P 19-11.933 contre l'arrêt rendu le 20 novembre 2018 par la cour d'appel de Versailles ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

DB

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 29 mars 2023

Cassation

M. VIGNEAU, président

Arrêt n° 239 F-D

Pourvoi n° P 19-11.933

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 29 MARS 2023

La société Distritec, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 3], a formé le pourvoi n° P 19-11.933 contre l'arrêt rendu le 20 novembre 2018 par la cour d'appel de Versailles (12e chambre civile), dans le litige l'opposant :

1°/ à la société Mitsui Sumitomo Insurance Company (Europe) LTD, dont le siège est [Adresse 1] (Royaume-uni),

2°/ à la société Nipponkoa Insurance Company (Europe) LTD, dont le siège est [Adresse 4] (Royaume-uni),

toutes deux agissant poursuites et diligences de leurs représentants légaux domiciliés pour les besoins de la présente chez leur agent Sompo Japan Nipponkoa Martin Boulard, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 5],

3°/ à la société Helvetia assurances, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2],

défenderesses à la cassation.

La société Helvetia assurances a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.

La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, trois moyens de cassation.

La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, deux moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Fontaine, conseiller, les observations de la SARL Corlay, avocat de la société Distritec, de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Mitsui Sumitomo Insurance Company (Europe) LTD, ès qualités, de la société Nipponkoa Insurance Company (Europe) LTD, ès qualités, de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de la société Helvetia assurances, après débats en l'audience publique du 7 février 2023 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Fontaine, conseiller rapporteur, Mme Vaissette, conseiller doyen, et Mme Mamou, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 20 novembre 2018), par un contrat-cadre du 1er avril 2006, la société Distritec, assurée par la société Helvetia assurances (la société Helvetia), s'est engagée à réaliser des prestations de transport et de logistique au profit de la société Toshiba, assurée par les sociétés anglaises Mitsui Sumitomo Insurance Company (Europe) Limited (la société Mitsui) et Nipponkoa Insurance Company (Europe) Limited (la société Nipponkoa).

2. Le 19 juillet 2013, la société Toshiba a confié à la société Distritec le transport de 60 colis contenant des copieurs et trieuses, depuis [Localité 7] (Seine-Maritime) jusqu'à [Localité 6] (Seine-et-Marne), site d'entreposage de la société Distritec.

3. Le tracteur et la remorque contenant les colis ont été volés durant la nuit du 19 juillet sur ce site.

4. Les 21 et 26 novembre 2014, les sociétés Mitsui et Nipponkoa, subrogées dans les droits de la société Toshiba, ont assigné les sociétés Distritec et Helvetia en paiement de la somme de 134 378,86 euros correspondant à l'indemnité versée à leur assurée.

Examen des moyens

Sur le deuxième moyen, pris en sa seconde branche, du pourvoi principal, le premier moyen, pris en ses deuxième et cinquième branches, du pourvoi incident et le second moyen, pris en ses troisième, quatrième et cinquième branches de ce pourvoi,

5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le premier moyen, pris en sa première branche, du pourvoi incident

Enoncé du moyen

6. La société Helvetia fait grief à l'arrêt de déclarer recevable l'action exercée par les sociétés Mitsui et Nipponkoa, alors « que l'entreposage des marchandises, en cours de transport, dans les locaux du voiturier, et toutes autres prestations, ayant pour objet leur dégroupage avant leur livraison aux destinataires finaux, clients de l'expéditeur, qui concourent à leur acheminement, constituent l'exécution d'obligations accessoires du contrat de transport, soumises à la prescription annale ; que, pour décider que les transports réalisés par la société Distritec n'étaient que les accessoires du contrat principal de prestation de service, la cour d'appel, après avoir rappelé les termes de l'article intitulé "définition des prestations" stipulé à l'annexe 1 du contrat liant les parties, a retenu que la société Distritec prenait livraison des matériels à l'entrepôt de la société Toshiba afin de les acheminer sur sa plateforme de transit située à Lognes, avant de les réexpédier quelques jours plus tard vers le client final pour livraison, mise en service et formation des utilisateurs et se chargeait également des éventuels retours ; qu'elle a retenu encore que la lettre de voiture précise que l'expéditeur est la société Toshiba, le destinataire - mais également transporteur - étant la société Distritec, ce qui permet d'établir que le premier contrat de transport prend fin à la livraison chez le destinataire Distritec et qu'il n'est donc pas possible de soutenir que les opérations ultérieures de manutention de tri, de stockage sur le site de [Localité 6] constituent une modalité d'exécution du contrat de transport, ces opérations constituant des étapes postérieures au premier contrat de transport et antérieures au second contrat entre celle-ci et le client final ; qu'elle en a déduit que les prestations de la société Distritec incluaient ainsi, outre les deux opérations de transport de nombreuses autres prestations, les contrats de transport n'étant que des sous-ensembles d'une opération beaucoup plus conséquente comprenant ces prestations logistiques, de sorte qu'il convient de retenir que les deux contrats de transport ne sont que les accessoires du contrat principal de prestation de service ; qu'en statuant ainsi, cependant qu'il résultait de ses propres constatations que la société Distritec avait reçu pour mission l'acheminement des matériels vendus par la société Toshiba à ses clients, ses autres prestations, dont notamment leur entreposage et leur tri, sur les différents sites du transporteur, avant leur livraison aux clients de l'expéditeur, ne pouvant en être que l'accessoire, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, ensemble l'article L. 133-6 du code de commerce. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, et les articles L. 133-1 et L. 133-6 du code de commerce :

7. Aux termes du premier de ces textes, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.

8. Selon le deuxième, le voiturier est responsable des pertes et dommages subis par la marchandise jusqu'à sa livraison, laquelle s'entend de la remise physique de la marchandise au destinataire ou à son représentant qui l'accepte.

9. Selon le troisième, les actions pour avaries, pertes ou retards, auxquelles peut donner lieu contre le voiturier le contrat de transport, sont prescrites dans le délai d'un an, sans préjudice des cas de fraude ou d'infidélité. Ce délai est compté, dans le cas de perte totale, du jour où la remise de la marchandise aurait dû être effectuée, et, dans tous les autres cas, du jour où la marchandise aura été remise ou offerte au destinataire.

10. Pour écarter la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'article L. 133-6 précité, déclarer en conséquence recevable l'action des sociétés Mitsui et Nipponkoa et condamner les sociétés Distritec et Helvetia à leur payer une certaine somme, l'arrêt retient que les prestations de la société Distritec incluaient, outre les opérations de transport, de nombreuses autres prestations de manutention, stockage, tri, livraison, mise en service et formation, les contrats de transport n'étant finalement que des sous-ensembles d'une opération beaucoup plus conséquente comprenant ces prestations logistiques, de sorte qu'il convient de retenir que les contrats de transport ne sont que les accessoires du contrat principal de prestation de service. Il en déduit que, le contrat principal étant un contrat de prestations de services soumis à la prescription quinquennale, l'action est recevable dès lors qu'elle a été engagée en novembre 2014, soit moins de 5 années après la survenance du dommage en juillet 2013.

11. En statuant ainsi, tout en retenant que la société Distritec prenait livraison des matériels à l'entrepôt de la société Toshiba afin de les acheminer sur sa plate-forme de transit située à Lognes, avant de les réexpédier quelques jours plus tard vers le client final pour livraison, mise en service et formation des utilisateurs, la société Distritec se chargeant également des éventuels retours, ce dont il s'évinçait que l'objet principal du contrat était l'acheminement des marchandises, les prestations de manutention, stockage ou tri n'étant qu'accessoires et destinées à permettre l'exécution de l'obligation principale, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les textes susvisés.

Et sur le premier moyen, pris en sa troisième branche, du pourvoi principal et le premier moyen, pris en sa quatrième branche, du pourvoi incident, réunis

Enoncé du moyen

12. La société Distritec fait grief à l'arrêt de déclarer recevable l'action exercée par les sociétés Mitsui et Nipponkoa et en conséquence de la condamner, in solidum avec la société Helvetia à hauteur de la somme de 50 000 euros, à payer aux sociétés Mitsui et Nipponkoa la somme de 134 378,86 euros, outre intérêts au taux légal à compter de l'assignation du 21 novembre 2014, et capitalisation des intérêts, alors « que, sauf volonté contraire des parties, le contrat de transport s'achève par le déchargement du matériel au bénéfice du destinataire ; que le contrat type applicable aux transports publics routiers de marchandises tel qu'approuvé par le Décret n° 99-269 du 6 avril 1999 prévoit que le transport comprend, pour les transports routiers de moins de trois tonnes, "les opérations de chargement, d'arrimage et de déchargement de l'envoi à partir de sa prise en charge et jusqu'à sa livraison" ; qu'il est constant en l'espèce que la marchandise n'avait pas été déchargée, ayant été subtilisée avec la remorque qui la contenait ; qu'en considérant que le "premier" transport était achevé aux motifs inopérants que la société Distritec avait signé la lettre de voiture dans le cadre réservé au déchargement qui ne comportait ni date ni heure de déchargement, la cour d'appel a violé les articles L. 133-1 et L. 133-6 du code de commerce ensemble l'article 7-1 du contrat type applicable aux transports publics routiers de marchandises tel qu'approuvé par le Décret n° 99-269 du 6 avril 1999. »

13. La société Helvetia fait grief à l'arrêt de déclarer recevable l'action exercée par les sociétés Mitsui et Nipponkoa, alors « que sauf volonté contraire des parties, le contrat de transport s'achève par la remise de la marchandise à son destinataire ; que le contrat type applicable aux transports publics routiers de marchandises tel qu'approuvé par le décret n° 99-269 du 6 avril 1999 prévoit que le transport comprend, pour les transports routiers de moins de trois tonnes, "les opérations de chargement, d'arrimage et de déchargement de l'envoi à partir de sa prise en charge et jusqu'à sa livraison" ; qu'il ressort des propres constatations de l'arrêt attaqué que la marchandise, ayant été dérobée, n'a pu donner lieu à livraison ; qu'en énonçant cependant qu'au moment de la survenance du dommage, le premier contrat de transport était achevé, dès lors que la marchandise était parvenue à destination, que le destinataire mentionné sur la lettre de voiture (Distritec) était en possession de la marchandise transportée, et que ce dernier a lui-même signé la lettre de voiture dans le cadre réservé au déchargement, manifestant ainsi clairement le fait que le contrat de transport avait pris fin, peu important sa décision ultérieure de différer ce déchargement, la cour d'appel a violé les articles L. 133-1 et L. 133-6 du code de commerce, ensemble l'article 7-1 du contrat type applicable aux transports publics routiers de marchandises tel qu'approuvé par le décret n° 99-269 du 6 avril 1999. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 133-1 et L. 133-6 du code de commerce :

14. Selon le premier de ces textes, le voiturier est responsable des pertes et dommages subis par la marchandise jusqu'à sa livraison, laquelle s'entend de la remise physique de la marchandise au destinataire ou à son représentant qui l'accepte.

15. Selon le second, les actions pour avaries, pertes ou retards, auxquelles peut donner lieu contre le voiturier le contrat de transport, sont prescrites dans le délai d'un an, sans préjudice des cas de fraude ou d'infidélité. Ce délai est compté, dans le cas de perte totale, du jour où la remise de la marchandise aurait dû être effectuée, et, dans tous les autres cas, du jour où la marchandise aura été remise ou offerte au destinataire.

16. Pour écarter la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'article L. 133-6 précité soulevée par la société Distritec et son assureur, déclarer en conséquence l'action recevable et condamner les sociétés Distritec et Helvetia au paiement de certaines sommes, l'arrêt retient encore qu'il y avait deux opérations de transport distinctes donnant lieu chacune à une lettre de voiture (LV) séparée, qu'au moment de la survenance du dommage le premier contrat de transport était terminé puisque la marchandise était parvenue à destination et que le destinataire mentionné sur la LV (la société Distritec) était en possession de la marchandise transportée.

17. En statuant ainsi, tout en constatant que la marchandise n'avait pas été déchargée et avait été laissée pour la nuit dans la remorque du transporteur, ce dont il résultait que la livraison, mettant fin au transport, n'était pas intervenue, peu important que le voiturier, désigné comme destinataire sur la LV, l'ait signée en cette qualité dans la case déchargement, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

18. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation de la disposition de l'arrêt déclarant recevable l'action exercée par les sociétés Mitsui et Nipponkoa entraîne la cassation, par voie de conséquence, des chefs de dispositif condamnant les sociétés Distritec et Helvetia au paiement de certaines sommes et condamnant la société Helvetia à garantir la société Distritec, qui s'y rattachent par un lien de dépendance nécessaire.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 20 novembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles autrement composée ;

Condamne les sociétés Mitsui Sumitomo Insurance Company (Europe) Limited et Nipponkoa Insurance Company (Europe) Limited aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf mars deux mille vingt-trois.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 19-11933
Date de la décision : 29/03/2023
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 20 novembre 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 29 mar. 2023, pourvoi n°19-11933


Composition du Tribunal
Président : M. Vigneau (président)
Avocat(s) : SARL Corlay, SCP Célice, Texidor, Périer, SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 14/04/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2023:19.11933
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