LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
COMM.
JB
COUR DE CASSATION
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Arrêt du 28 mai 2025
Cassation partielle
M. VIGNEAU, président
Arrêt n° 289 F-D
Pourvoi n° P 24-15.311
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 28 MAI 2025
Mme [Y] [P], domiciliée [Adresse 2], a formé le pourvoi n° P 24-15.311 contre l'arrêt rendu le 4 avril 2024 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 8), dans le litige l'opposant à la société Patrick Choay, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
La société Patrick Choay a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.
La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
La demanderesse au pourvoi incident invoque à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Ducloz, conseiller, les observations de la SARL Cabinet Munier-Apaire, avocat de Mme [P], de la SCP Le Guerer, Bouniol-Brochier, Lassalle-Byhet, avocat de la société Patrick Choay, après débats en l'audience publique du 1er avril 2025 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Ducloz, conseiller rapporteur, M. Ponsot, conseiller, et M. Doyen, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 4 avril 2024), Mme [P] était la directrice générale de la société par actions simplifiée Patrick Choay (la société Choay).
2. Un accord du 18 septembre 2018 conclu entre la société Choay et Mme [P] prévoyait l'octroi à cette dernière d'actions gratuites de la société Laboratoire CCD sous certaines conditions.
3. Le 16 avril 2021, Mme [P] a demandé à la société Choay l'octroi d'actions gratuites au titre de l'exercice 2019 sur le fondement de l'accord du 18 septembre 2018, ce que la société a refusé.
4. Le 28 mai 2021, Mme [P] a assigné la société Choay aux fins de se voir attribuer des actions gratuites de la société Laboratoire CCD au titre de l'exercice 2019.
Sur le moyen du pourvoi incident
5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le moyen du pourvoi principal, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
6. Mme [P] fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande d'octroi d'actions gratuites, alors « que le juge est tenu de respecter les termes du litige tels que fixés par les parties ; qu'en l'espèce, Mme [P] faisait valoir au sujet de la mise en oeuvre de son droit à recevoir des actions gratuites du laboratoire CCD que "la progression de l'Ebitda consolidé des sociétés opérationnelles du groupe Patrick Choay devait être appréciée par référence au montant de cet indicateur, calculé en application des règles budgétaires en vigueur au sein du groupe (?) à l'époque des faits" et démontrait que, dans la mesure où l'Ebitda consolidé pour 2018 s'élevait à 2,188 millions d'euros et où l'Ebitda consolidé pour 2019 s'élevait à 2,828 millions d'euros, il avait augmenté, une fois les retraitements contractuellement prévus réalisés, de plus de 20 % et la société Choay confirmait qu'il convenait de prendre en compte la progression de l'Ebitda effectivement constatée à l'issue de l'année considérée par rapport à celui réalisé l'année précédente, de sorte que le débat entre les parties portait exclusivement sur la mesure de performance devant être utilisée pour apprécier la progression en pourcentage de l'Ebitda ; qu'ainsi, en retenant, pour dire que Mme [P] ne pouvait prétendre à l'octroi d'actions gratuites au titre de l'année 2019, que malgré une hausse de l'Ebitda réalisé de plus de 20 %, elle omettait de démontrer qu'elle avait rempli une seconde condition, consistant à atteindre, en 2019, l'Ebitda budgété fin 2018 pour l'année 2019, quand aucune partie n'avait soutenu que le droit à acquisition d'actions gratuites de Mme [P] était subordonné à une seconde condition consistant en l'atteinte effective de l'Ebitda budgété, la cour d'appel a méconnu les termes du débat tels qu'ils résultaient des écritures des parties, en violation des articles 4 et 5 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 4 du code de procédure civile :
7. Selon ce texte, l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties.
8. Pour rejeter la demande de Mme [P] d'attribution d'actions gratuites, l'arrêt retient qu'en application de l'accord du 18 septembre 2018, cette attribution est conditionnée à la réalisation du bénéfice avant intérêts, impôts et amortissements (Ebitda) budgété et à une seconde condition tenant à la comparaison entre les Ebitda réalisés au titre des années 2018 et 2019. L'arrêt ajoute que, malgré une hausse de l'Ebitda au titre de l'exercice 2019 de plus de 20 % par rapport à celui de l'exercice 2018, permettant de réaliser la seconde condition, la première des conditions n'a pas été remplie dès lors que l'Ebitda budgété fin 2018 pour l'année 2019 avait été fixé à 3,791 millions d'euros, alors que l'Ebitda réalisé en 2019 s'est élevé à 2,828 millions d'euros
9. En statuant ainsi, alors que, dans leurs conclusions d'appel, Mme [P] et la société Choay s'accordaient pour considérer que l'attribution d'actions gratuites était soumise à la seule condition d'une augmentation de l'Ebitda réalisé d'une année sur l'autre, ne s'opposant que sur le mode de calcul de cet indice, la cour d'appel, qui a modifié l'objet du litige en retenant que l'attribution d'actions gratuites était également soumise à la réalisation de l'Ebitda budgété, a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute Mme [P] de sa demande en paiement au titre des attributions gratuites d'actions, l'arrêt rendu le 4 avril 2024, entre les parties, par la cour d'appel de Pari ;
Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne la société Patrick Choay aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Patrick Choay et la condamne à payer à Mme [P] la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé publiquement le vingt-huit mai deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.