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16/11/2023 | FRANCE | N°23VE01251

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 6ème chambre, 16 novembre 2023, 23VE01251


Vu la procédure suivante : ...

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... B... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler l'arrêté du 7 avril 2022 par lequel le préfet du Val-d'Oise a refusé le renouvellement de son titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 2206478 du 22 mai 2023, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé l'arrêté du 7 avril 2022 du préfet du Val-d'Oise, lui a enjoint de délivrer à M. B... un titre de séj

our en qualité d'étranger malade sur le fondement des dispositions de l'article L. 425-...

Vu la procédure suivante : ...

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... B... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler l'arrêté du 7 avril 2022 par lequel le préfet du Val-d'Oise a refusé le renouvellement de son titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 2206478 du 22 mai 2023, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé l'arrêté du 7 avril 2022 du préfet du Val-d'Oise, lui a enjoint de délivrer à M. B... un titre de séjour en qualité d'étranger malade sur le fondement des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement et a mis à la charge de l'Etat le versement à M. B... d'une somme de 1 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédures devant la cour :

I. Par une requête enregistrée le 8 juin 2023, sous le n° 23VE01251, le préfet du Val-d'Oise demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la demande de M. B....

Il soutient que :

- les premiers juges ont omis de répondre à un moyen qu'il a soulevé, tiré de ce que le requérant pouvait être soigné dans son pays d'origine par orthèse mandibulaire et de la circonstance que son état de santé ne cessait de se dégrader, malgré les soins reçus en France ;

- ils ont ainsi entaché leur décision d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- le jugement contesté a méconnu l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par des mémoires, enregistrés les 14 août et 5 octobre 2023, M. B..., représenté par Me Sando, avocat, conclut au rejet de la requête et du mémoire de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, à l'annulation de l'arrêté du 7 avril 2022 du préfet du Val-d'Oise ainsi qu'à la mise à la charge de l'Etat de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et à la mise à la charge de l'Office français de l'immigration et de l'intégration de la somme de 1 500 euros au titre des mêmes dispositions.

Il fait valoir que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Par un mémoire d'observations enregistré le 27 septembre 2023, le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration soutient que le syndrome d'apnée-hypopnée obstructive du sommeil dont est atteint M. B... n'est pas une pathologie à risque d'une exceptionnelle gravité, que l'hypertension artérielle dont il est atteint, sans caractère de malignité, est traitée par des spécialités disponibles en Centrafrique et que sa pathologie cardiaque mineure ne fait pas l'objet d'un traitement spécifique.

II. Par une requête enregistrée le 8 juin 2023, sous le n° 23VE01250, le préfet du Val-d'Oise demande à la cour de prononcer le sursis à exécution du jugement n° 2206478 du 22 mai 2023.

Il soutient que :

- la juridiction de première instance a omis de répondre à un moyen qu'il a soulevé ;

- le jugement du 22 mai 2023 a méconnu l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par un mémoire en défense enregistré le 18 juillet 2023, M. B..., représenté par Me Sando, avocat, conclut au rejet des requêtes du préfet du Val-d'Oise tendant à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Cergy-Pontoise du 22 mai 2023 et à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement, à l'annulation de l'arrêté préfectoral du 7 avril 2022 et à la mise à la charge de l'Etat de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que les moyens soulevés par le préfet du Val-d'Oise ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'arrêté du 5 janvier 2017 fixant les orientations générales pour l'exercice par les médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, de leurs missions, prévues à l'article L. 313-11 (11°) du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Albertini,

- les conclusions de Mme Villette, rapporteure publique,

- et les observations de Me Sando, pour M. B..., en présence de l'intéressé.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant centrafricain né le 28 septembre 1956, est entré sur le territoire français le 18 septembre 2019, sous couvert d'un passeport muni d'un visa Schengen. Il a sollicité le 12 octobre 2021 le renouvellement de son titre de séjour, sur le fondement des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par arrêté du 7 avril 2022, le préfet du Val-d'Oise a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi en cas d'exécution forcée de cette mesure d'éloignement. Par un jugement n° 2206478 du 22 mai 2023, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé l'arrêté du 7 avril 2022 du préfet du Val-d'Oise et lui a enjoint de délivrer à M. B... un titre de séjour en qualité d'étranger malade sur le fondement des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement. Le préfet du Val-d'Oise relève appel de ce jugement.

Sur la requête n° 23VE01251 :

2. Aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. ". En outre, aux termes de l'article 4 de l'arrêté du 5 janvier 2017 fixant les orientations générales pour l'exercice par les médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, de leurs missions " Les conséquences d'une exceptionnelle gravité résultant d'un défaut de prise en charge médicale [...] sont appréciées sur la base des trois critères suivants : degré de gravité (mise en cause du pronostic vital de l'intéressé ou détérioration d'une de ses fonctions importantes), probabilité et délai présumé de survenance de ces conséquences./Cette condition des conséquences d'une exceptionnelle gravité résultant d'un défaut de prise en charge doit être regardée comme remplie chaque fois que l'état de santé de l'étranger concerné présente, en l'absence de la prise en charge médicale que son état de santé requiert, une probabilité élevée à un horizon temporel qui ne saurait être trop éloigné de mise en jeu du pronostic vital, d'une atteinte à son intégrité physique ou d'une altération significative d'une fonction importante./Lorsque les conséquences d'une exceptionnelle gravité ne sont susceptibles de ne survenir qu'à moyen terme avec une probabilité élevée (pathologies chroniques évolutives), l'exceptionnelle gravité est appréciée en examinant les conséquences sur l'état de santé de l'intéressé de l'interruption du traitement dont il bénéficie actuellement en France (rupture de la continuité des soins). Cette appréciation est effectuée en tenant compte des soins dont la personne peut bénéficier dans son pays d'origine. ".

3. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié.

4. Dans son avis du 28 mars 2022, le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a estimé que l'état de santé de M. B... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, en précisant néanmoins qu'il existe un traitement approprié dans son pays d'origine, vers lequel il pouvait voyager sans risque. Pour rejeter la demande de renouvellement de son titre de séjour qui lui était soumise par M. B..., le préfet du Val-d'Oise s'est approprié les termes de cet avis.

5. Le préfet du Val d'Oise remet en cause l'appréciation portée par les premiers juges sur la violation de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile par le sens de cet avis. M. B..., en contestant cet avis devant le tribunal administratif, a levé le secret relatif aux informations médicales qui le concernent, afin de permettre au juge de se prononcer en prenant en considération l'ensemble des éléments pertinents, notamment l'entier dossier du rapport médical au vu duquel s'est prononcé le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, en sollicitant sa communication et en versant d'autres éléments au débat contradictoire. A la demande de la cour, l'Office, qui a été mis à m^me de présenter des observations, a transmis l'entier dossier sur la base duquel son collège de médecins s'était prononcé.

6. Il était soutenu, sans contradiction devant les premiers juges, que l'apnée du sommeil dont souffre M. B... nécessite une prise en charge dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Il ressort des pièces du dossier et notamment des certificats médicaux établis par le docteur A... les 12 mai 2022 et 25 février 2023, plus de dix mois après la décision contestée, que l'état de santé de M. B... nécessitait à cette époque un traitement par pression positive continue, et que le requérant est atteint d'une pathologie grave, pour laquelle le défaut de soins entraine des conséquences d'une extrême gravité, à laquelle sont associées plusieurs comorbidités cardio-vasculaires. M. B... avait également produit un certificat médical du 5 mai 2022, du docteur C..., néphrologue exerçant au sein du groupe médical Laennec à Bangui, certifiant qu'il n'existe pas à Bangui, capitale de la Centrafrique, de traitement du syndrome de l'apnée obstructive du sommeil par pression positive continue (PPC), le requérant produisant, par ailleurs, des articles de presse en ligne qui font état des difficultés à accéder à Bangui à l'électricité nécessaire au branchement de l'appareil de pression positive continue prescrit dans le traitement de son état de santé et les conséquences graves de l'interruption de la fourniture d'électricité aux établissements hospitaliers dans la capitale. En se bornant à avancer en appel, au demeurant sans aucun avis médical au soutien de cette appréciation, que M. B... est seulement atteint d'une apnée obstructive du sommeil modérée et qu'une trachéotomie constituerait pour lui un traitement médical approprié, tout en relevant que les soins dont il a bénéficié en France jusqu'à présent ne permettent pas une amélioration de son état de santé, le préfet du Val-d'Oise ne conteste pas utilement l'appréciation portée par le tribunal administratif de Cergy-Pontoise, qui s'est assuré, au regard de la pathologie de l'intéressé, de l'existence d'un traitement approprié en Centrafrique et de sa disponibilité dans des conditions permettant d'y avoir effectivement accès, et n'a pas recherché si les soins dans le pays d'origine sont équivalents à ceux offerts en France ou en Europe. Le débat en première instance s'est donc focalisé sur l'existence d'un traitement adapté à cette pathologie et effectivement disponible en République centrafricaine. Les premiers juges y ont apporté une réponse négative en raison des coupures de courant récurrentes en Centrafrique y compris à Bangui, la capitale, affectant la possibilité de mise en place d'un traitement par pression positive continue, seul traitement réellement adapté à l'apnée sévère dont souffre le requérant au vu des éléments médicaux personnalisés comme généraux figurant au dossier.

7. Il ressort en outre des pièces du dossier et particulièrement des avis médicaux soumis au collège de médecins que l'apnée dont est atteint M. B... est associée à une hypertension artérielle, qui, à l'époque de la décision attaquée, était à l'origine d'une faiblesse cardio-vasculaire, et que ce n'est qu'une fois que les atteintes cardio-vasculaires se sont manifestées que l'état de santé de l'intimé a pu être regardé comme l'exposant à des conséquences d'une exceptionnelle gravité à défaut de traitement. Ainsi, alors même qu'il ressort de la liste des médicaments essentiels produite par l'Office que le traitement contre l'hypertension du défendeur est disponible en République centrafricaine, le préfet du Val-d'Oise n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont retenu le moyen tiré de ce que le préfet du Val-d'Oise, en refusant d'admettre le renouvellement du titre de séjour du requérant en qualité d'étranger malade, a entaché sa décision d'erreur d'appréciation au regard dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

8. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet du Val-d'Oise n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé l'arrêté du 7 avril 2022 en litige, et lui a enjoint de délivrer à M. B... un titre de séjour en qualité d'étranger malade sur le fondement des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Sur la requête n° 23VE01250 :

9. Le présent arrêt statuant sur la requête n° 23VE01251 du préfet du Val-d'Oise tendant à l'annulation du jugement attaqué et au rejet de la requête de M. B..., les conclusions de la requête n° 23VE01250 tendant à la suspension de l'exécution de ce jugement sont privées d'objet. Par suite, il n'y a pas lieu d'y statuer.

Sur les frais liés aux litiges :

10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme globale de 1 500 euros à verser à M. B... au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. En revanche, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, qui a seulement été appelé à présenter des observations et n'a pas relevé appel du jugement du tribunal administratif de Cergy-Pontoise, une somme à verser à M. B... au titre des mêmes dispositions.

D É C I D E :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 23VE01250 du préfet du Val-d'Oise.

Article 2 : La requête n° 23VE01251 du préfet du Val-d'Oise est rejetée.

Article 3 : L'Etat versera à M. B... une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Les conclusions de M. B... à l'encontre de l'Office français de l'immigation et de l'intégration au titre des mêmes dispositions sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à M. D... B.... Copie en sera adressée au préfet du Val-d'Oise et au directeur génral de l'Office français de l'immigation et de l'intégration.

Délibéré après l'audience du 19 octobre 2023, à laquelle siégeaient :

M. Albertini, président de chambre,

M. Pilven, président assesseur,

Mme Florent, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 novembre 2023.

Le président-assesseur,

J.-E. PILVENLe président-rapporteur,

P.-L. ALBERTINILa greffière,

S. DIABOUGA

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

La greffière,

Nos 23VE01251-23VE01250002


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 23VE01251
Date de la décision : 16/11/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Autorisation de séjour - Refus de renouvellement.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. ALBERTINI
Rapporteur ?: M. Paul-Louis ALBERTINI
Rapporteur public ?: Mme VILLETTE
Avocat(s) : SANDO;SANDO;SANDO

Origine de la décision
Date de l'import : 22/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2023-11-16;23ve01251 ?
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