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13/06/2019 | FRANCE | N°18LY04021

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre - formation à 3, 13 juin 2019, 18LY04021


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société Challancin a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 3 avril 2017 du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social refusant d'autoriser le licenciement de Mme A... D....

Par un jugement n° 1704175 du 18 septembre 2018, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 13 novembre 2018, la société Challancin, représentée par Me Rambaud, avocat

, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 18 sept...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société Challancin a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 3 avril 2017 du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social refusant d'autoriser le licenciement de Mme A... D....

Par un jugement n° 1704175 du 18 septembre 2018, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 13 novembre 2018, la société Challancin, représentée par Me Rambaud, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 18 septembre 2018 ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision susmentionnée du 3 avril 2017 du ministre chargé du travail ;

3°) d'enjoindre à la ministre du travail d'autoriser le licenciement de Mme D... ;

4°) de mettre à la charge de Mme D... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la matérialité des six griefs relevés est établie ;

- ces faits constituent des fautes suffisamment graves pour justifier son licenciement.

Par un mémoire enregistré le 4 avril 2019, la ministre du travail conclut au rejet de la requête.

Elle informe la cour qu'elle s'en remet à ses écritures de première instance.

Par un mémoire enregistré le 5 avril 2019, Mme A... D..., représentée par Me Ruiz, avocat conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de la société Challancin en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que le seul grief établi et non prescrit, tiré de ce qu'elle a pointé Mme C... D..., le 26 avril 2016, alors qu'elle passait des examens, ne saurait justifier son licenciement alors qu'elle justifiait d'une ancienneté de vingt ans et a toujours donné satisfaction à son employeur.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Dèche, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Bourion, rapporteur public,

- les observations de Me Christophe, avocat de la société Challancin et de Me Ruiz, avocat de Mme D... ;

Considérant ce qui suit :

1. La société Challancin, qui est spécialisée dans la maintenance et le nettoyage industriel, a saisi l'inspecteur du travail, le 4 juillet 2016, d'une demande d'autorisation de licenciement, pour motif disciplinaire, de Mme D..., recrutée le 1er avril 1999, employée en dernier lieu en qualité de chef d'équipe et détenant les mandats de déléguée du personnel, membre du comité d'établissement, membre du comité central d'entreprise et déléguée syndicale. Le 5 septembre 2016, l'inspectrice du travail de la 42ème section du Rhône a refusé d'accorder l'autorisation de licencier l'intéressée. Le 28 octobre 2016, la société Challancin a saisi le ministre du travail d'un recours hiérarchique qui a été implicitement rejeté. Le 3 avril 2017, le ministre du travail a retiré la décision implicite du rejet du recours hiérarchique, annulé la décision de l'inspecteur du travail et refusé d'autoriser le licenciement de Mme D.... La société Challancin fait appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du ministre du travail du 3 avril 2017 refusant d'autoriser le licenciement de Mme D....

2. En vertu des dispositions du code du travail, les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des salariés qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle. Lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé. Dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail, et le cas échéant au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi.

3. En premier lieu, la société Challancin a reproché à Mme D... d'avoir inscrit sur le planning d'intervention de l'équipe dont elle avait la charge, le nom de deux salariés devant réaliser des prestations de nettoyage haute pression de containers sur le chantier de Grand Lyon Habitat, au titre de la période du 7 au 16 mars 2016, alors que cette prestation n'aurait jamais eu lieu, en l'absence d'utilisation du camion nettoyeur haute pression de la société.

4. Toutefois, il ressort des pièces du dossier et notamment du rapport d'audit de mars-avril 2016 produit par la requérante que les deux salariés concernés ont confirmé qu'ils avaient effectué la prestation, qui pouvait aussi être réalisée au moyen de brosses et que Mme D... ne disposait d'aucun moyen de vérifier la réalité de ces faits en l'absence notamment de réclamation du client. Enfin, la circonstance que les deux salariés n'ont pas contesté la sanction dont ils ont fait l'objet ne permet pas de lever le doute sur la matérialité des faits reprochés à l'intéressée.

5. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que l'inscription au planning de deux salariés, les 12 et 26 mars 2016, pour des prestations de remplacement d'une gardienne de Grand Lyon Habitat qui a eu lieu à d'autres dates résulte d'une simple confusion de Mme D... entre les semaines paires et impaires. Dès lors, l'existence de faits de pointage frauduleux n'est pas établie.

6. En troisième lieu, la société Challancin a reproché à Mme D... d'avoir inscrit au planning le nom de quatre salariés en février et mars 2016 pour une prestation de rotation des containers poubelles sur le secteur de la gardienne de la résidence du Vergoin Saint-Rambert, alors qu'une autre salariée, Mme B..., a déclaré avoir été recrutée pour remplacer cette gardienne. Toutefois, il ressort des pièces du dossier et notamment du rapport de contre-enquête établi dans le cadre de recours hiérarchique exercé par l'employeur que Mme D... a déclaré que la gardienne de la résidence du Vergoin Saint-Rambert, en mi-temps thérapeutique, n'effectuait pas la prestation de rotation des containers poubelles, que le client a demandé à la société Challancin de lui fournir ce service et que Mme B... ne travaillait pas sur la résidence concernée par la prestation litigieuse, mais sur d'autres résidences situées dans le même arrondissement. L'attestation de Mme B... ne permet ni de contredire les déclarations de Mme D... ni n'établir que les salariés inscrits au planning par Mme D... n'auraient pas effectué la prestation dont il s'agit.

7. En quatrième lieu, la société requérante n'apporte pas plus en appel qu'en première instance d'élément de nature à établir que deux salariés n'ont pu réaliser les prestations programmées les 13 et 14 mars 2015 et les 3 et 4 décembre 2015, sur le lot 2 du marché Grand Lyon, du fait qu'ils auraient été en garde à vue.

8. En dernier lieu, il ressort des pièces du dossier que Mme D... a inscrit sa fille au planning de la société à des dates où elle passait des examens à la faculté de droit. Ces faits, qui ont été en partie reconnus par l'intéressée, sont établis par les pièces produites par la société requérante. Toutefois, eu égard à l'ancienneté de Mme D... dans l'entreprise, au caractère isolé de ces faits, et à la circonstance qu'elle n'a, jusque-là, jamais fait l'objet d'une sanction disciplinaire, le ministre du travail n'a pas fait, dans les circonstances de l'espèce, une inexacte application des dispositions du code du travail en estimant que la faute commise n'était pas suffisamment grave pour justifier le licenciement de cette salariée.

9. Il résulte de ce qui précède que la société Challancin n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Challancin le paiement à Mme D... de la somme de 2 000 euros qu'elle demande au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société Challancin est rejetée.

Article 2 : La société Challancin versera à Mme D... la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Challancin, à Mme A... D... et à la ministre du travail.

Délibéré après l'audience du 23 mai 2019 à laquelle siégeaient :

M. Clot, président de chambre,

Mme Dèche, premier conseiller,

M. Savouré, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 13 juin 2019.

2

N° 18LY04021


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18LY04021
Date de la décision : 13/06/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07-01 Travail et emploi. Licenciements. Autorisation administrative - Salariés protégés.


Composition du Tribunal
Président : M. CLOT
Rapporteur ?: Mme Pascale DECHE
Rapporteur public ?: Mme BOURION
Avocat(s) : RAMBAUD et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 25/06/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2019-06-13;18ly04021 ?
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