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28/06/2024 | FRANCE | N°24NT00437

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 3ème chambre, 28 juin 2024, 24NT00437


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. C... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la décision du 2 février 2023 par laquelle le préfet du Finistère a déclaré irrecevable sa demande de titre de séjour.



Par un jugement n° 2301925 du 18 décembre 2023, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



Par une requête et un mémoire, enregistrés les 15 février 2024 et 2 juin 2024 (ce dernier no

n communiqué), M. C..., représenté par Me Peres, demande à la cour :



1°) d'annuler ce jugement du tribunal administr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la décision du 2 février 2023 par laquelle le préfet du Finistère a déclaré irrecevable sa demande de titre de séjour.

Par un jugement n° 2301925 du 18 décembre 2023, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 15 février 2024 et 2 juin 2024 (ce dernier non communiqué), M. C..., représenté par Me Peres, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 18 décembre 2023 ;

2°) d'annuler la décision du préfet du Finistère du 2 février 2023 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Finistère de lui délivrer un titre de séjour ou à défaut de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de travail ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à son conseil au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- la décision litigieuse méconnaît les dispositions des articles R. 431-10 et

R. 431-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et elle est entachée d'une erreur d'appréciation ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 811-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 27 mai 2024, le préfet du Finistère conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 29 janvier 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Lellouch,

- et les observations de Me Peres, représentant M. A....

Considérant ce qui suit :

1. M. B... A..., ressortissant guinéen se disant né le 12 mars 2001, déclare être entré irrégulièrement en France en juillet 2016. Il a été pris en charge par les services de l'aide sociale à l'enfance en qualité de mineur non accompagné et a sollicité la délivrance d'un titre de séjour. Par une décision du 2 février 2023, le préfet du Finistère a déclaré sa demande de titre de séjour irrecevable. M. A... relève appel du jugement du 15 juin 2023 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

2. Le préfet du Finistère a rejeté pour irrecevabilité la demande de titre de séjour présentée par M. A..., au motif que les documents présentés à l'appui de sa demande ne permettent pas de justifier de son identité et de son état civil, contrairement à ce que prévoit l'article R. 431-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

3. Aux termes des dispositions de l'article R. 431-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui demande la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour présente à l'appui de sa demande : / 1° Les documents justifiants de son état civil (...) ". Aux termes de l'article L. 811-2 du même code : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies à l'article 47 du code civil ". Aux termes de l'article 47 du code civil : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. / Celle-ci est appréciée au regard de la loi française ".

4. Il résulte de ces dispositions que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties. Pour juger qu'un acte d'état civil produit devant lui est dépourvu de force probante, qu'il soit irrégulier, falsifié ou inexact, le juge doit en conséquence se fonder sur tous les éléments versés au dossier dans le cadre de l'instruction du litige qui lui est soumis. Par ailleurs, il n'appartient pas aux autorités administratives françaises de mettre en doute le bien-fondé d'une décision rendue par une autorité juridictionnelle étrangère, hormis dans le cas où le jugement produit aurait un caractère frauduleux.

5. Afin de justifier de son identité et de son état civil, M. A... a d'abord produit à l'appui de sa demande de titre de séjour un jugement supplétif du 19 février 2018, un extrait de sa transcription au registre d'état civil guinéen du 23 janvier 2018, une carte consulaire délivrée le 13 février 2020 et un récépissé de demande de passeport biométrique. Le préfet du Finistère conteste le caractère probant de ces actes en s'appuyant sur l'avis de la direction zonale de la police aux frontières à Rennes relevant que la date d'établissement de l'extrait d'acte de transcription du jugement supplétif n'est pas mentionnée en toutes lettres, contrairement à ce que prévoit l'article 182 du code civil guinéen, que ces documents d'état civil n'étaient pas légalisés et que le jugement supplétif avait été transcrit avant l'expiration du délai d'appel. Les éléments ainsi mis en avant par les services spécialisés de la police aux frontières ne sont pas de nature à établir le caractère frauduleux du jugement supplétif ni à remettre en cause l'authenticité de l'extrait de l'acte de naissance portant transcription de ce jugement. En outre, à l'appui de son recours contentieux, M. A... a produit un nouveau jugement supplétif tenant lieu d'acte de naissance du tribunal de première instance de Kindia du 5 avril 2023 et l'extrait de l'acte de naissance dressé le 17 avril 2023 en transcription de ce jugement, tous deux légalisés. Les mentions relatives à l'identité et l'état civil de l'appelant concordent en tous points sur l'ensemble des documents qu'il a successivement produits. D'ailleurs, depuis sa prise en charge par les services de l'aide sociale à l'enfance sur décision de l'autorité judiciaire en août 2016, la minorité de M. A... n'a pas été remise en cause. Il s'ensuit que le préfet du Finistère a entaché sa décision d'erreur d'appréciation et a fait une inexacte application des dispositions de l'article R. 431-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en estimant que M. A... ne justifiait pas de son identité et de son état civil.

6. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, que M. A... est fondé à demander l'annulation du jugement du tribunal administratif de Rennes du 18 décembre 2023 rejetant sa demande tendant à l'annulation de la décision du préfet du Finistère du 2 février 2023 déclarant irrecevable sa demande de titre de séjour.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

7. Eu égard à ses motifs, l'exécution du présent arrêt annulant la décision du 2 février 2023 implique seulement le réexamen de la demande de titre de séjour présentée par M. A.... Il y a lieu d'enjoindre au préfet du Finistère de procéder à ce réexamen dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt, sans qu'il soit besoin d'assortir cette injonction d'une astreinte, et de munir M. A..., dans un délai de huit jours à compter de la notification de cet arrêt et dans l'attente du réexamen de sa situation, d'une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler.

Sur les frais du litige :

8. L'Etat versera à Me Peres une somme de 1 200 euros hors taxe en application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que le conseil du requérant renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2301925 du 18 décembre 2023 du tribunal administratif de Rennes et la décision du préfet du Finistère du 2 février 2023 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet du Finistère de réexaminer la demande de titre de séjour présentée par M. A... dans un délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt et de le munir, dans l'attente de ce réexamen, d'une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler dans un délai de huit jours à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à Me Peres une somme de 1 200 euros hors taxe en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de la renonciation par le conseil du requérant à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Une copie en sera transmise, pour information, au préfet du Finistère.

Délibéré après l'audience du 6 juin 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Brisson, présidente,

- M. Vergne, président-assesseur,

- Mme Lellouch, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 juin 2024.

La rapporteure,

J. LELLOUCH

La présidente,

C. BRISSON

Le greffier,

R. MAGEAU

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 24NT00437


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 24NT00437
Date de la décision : 28/06/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BRISSON
Rapporteur ?: Mme Judith LELLOUCH
Rapporteur public ?: M. BERTHON
Avocat(s) : PERES GWENDOLINE

Origine de la décision
Date de l'import : 07/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-06-28;24nt00437 ?
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