Vu, I, la requête enregistrée le 2 février 2011 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille, sous le n° 11MA00438, présentée pour le syndicat départemental des ordures ménagères de l'Aude, dont le siège social est sis Le Gravier - RD 6 à Fendeille (11400), représenté par son président en exercice, par Me J...de ma SELARL J...-Pintat-Raymundie ;
Le syndicat départemental des ordures ménagères de l'Aude demande à la Cour, à titre principal :
1°) d'annuler le jugement n° 0904214 du 3 décembre 2010 par lequel le tribunal administratif de Montpellier, statuant à la demande de M. G...et autres, a annulé la délibération du 30 juillet 2009 par laquelle son comité syndical a approuvé le contrat de délégation de service public pour la conception, la réalisation en maîtrise d'ouvrage privée, le financement et l'exploitation du centre de déchets ménagers et assimilés sur le site de Lassac, ainsi que le choix du candidat C...Eco Industries comme délégataire de ce service public et autorisé son président à signer ledit contrat ;
2°) de régler l'affaire au fond et rejeter l'ensemble des conclusions présentées aux fins d'annulation de la délibération du 30 juillet 2009 ;
3°) de condamner les intimés à lui verser la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Le syndicat demande à la Cour, à titre subsidiaire :
1°) d'annuler la délibération du 30 juillet 2009 uniquement en ce qu'elle approuve l'article 29.1 de la convention de délégation de service public ;
2°) de différer les effets de l'annulation à compter de la date de sa décision ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu, II, sous le n° 11MA00451, la requête enregistrée le 4 février 2011 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille, présentée pour la société par actions simplifiée C...Eco Industries, dont le siège social est sis Les Hêtres, BP 20 à Change (53810), représentée par son président en exercice, par MeF... ;
La société C...Eco Industries demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0904214 du 3 décembre 2010 du tribunal de Montpellier ;
2°) à titre principal, de rejeter en conséquence la requête de M. I...G...et autres ;
3°) à titre subsidiaire, d'annuler partiellement la délibération du syndicat du 30 juillet 2009 uniquement en ce qu'elle approuve l'article 29.1 de la convention de délégation de service public ;
4°) de juger qu'en tout état de cause, les effets de l'annulation doivent eu égard aux circonstances de l'espèce être différés à la date de l'arrêt de la Cour ;
5°) de condamner solidairement les intimés à lui verser la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
.....................................................................................................................
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des collectivités territoriales ;
Vu le code général de la propriété des personnes publiques ;
Vu le code de commerce ;
Vu le code de l'environnement ;
Vu le code de justice administrative ;
Vu la décision du 1er septembre 2012 du président de la cour administrative d'appel de Marseille portant désignation, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative, de M. Laurent Marcovici, président assesseur, pour présider les formations de jugement en cas d'absence ou d'empêchement de M. Guerrive, président de la 6e chambre ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 7 octobre 2013 :
- le rapport de M. Thiele, rapporteur,
- les conclusions de Mme Felmy, rapporteur public,
- et les observations de Me D...représentant le syndicat départemental des ordures ménagères de l'Aude ;
1. Considérant que les deux requêtes susvisées sont dirigées contre le même jugement et présentent à juger les mêmes questions ; qu'il y a donc lieu de les joindre ;
2. Considérant que, par délibération du 30 juillet 2009, le comité du syndicat départemental des ordures ménagères de l'Aude a approuvé le choix du candidat C...Eco Industries comme délégataire de service public pour la conception, la réalisation en maîtrise d'ouvrage privée, le financement et l'exploitation d'un centre de traitement des déchets ménagers et assimilés sur le site de Lassac, et a approuvé le contrat de délégation de service public ;
3. Considérant que, par le jugement attaqué du 3 décembre 2010, le tribunal administratif de Montpellier, statuant à la demande de M. G...et autres, a annulé cette délibération, au motif que la convention de délégation de service public ne précisait ni le montant, ni le mode de calcul de la redevance d'occupation domaniale, en méconnaissance de l'article L. 1411-2 du code général des collectivités territoriales ;
Sur le bien-fondé du jugement :
4. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 420-1 du code de commerce, applicable en vertu de l'article L. 410-1 du même code : " Sont prohibées même par l'intermédiaire direct ou indirect d'une société du groupe implantée hors de France, lorsqu'elles ont pour objet ou peuvent avoir pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence sur un marché, les actions concertées, conventions, ententes expresses ou tacites ou coalitions, notamment lorsqu'elles tendent à : / 1° Limiter l'accès au marché ou le libre exercice de la concurrence par d'autres entreprises ; / 2° Faire obstacle à la fixation des prix par le libre jeu du marché en favorisant artificiellement leur hausse ou leur baisse ; / 3° Limiter ou contrôler la production, les débouchés, les investissements ou le progrès technique ; / 4° Répartir les marchés ou les sources d'approvisionnement " ;
5. Considérant qu'il ressort du rapport d'examen des candidatures établi en juin 2008 par la commission de délégation de service public chargée d'examiner les candidatures que huit entreprises avaient présenté leur candidature à la délégation de service public ; que ce rapport mentionnait, p. 90, que " Il est à signaler que la société C...Environnement a augmenté sa participation dans la société COVED et apparaît majoritaire au capital de la société à ce jour " et indiquait, dans ses conclusions p. 106 : " Il convient de souligner que le groupe C...a pris le contrôle du groupe SAUR et de sa filiale COVED, entre la date de la remise des candidatures et l'analyse de ces dernières. Afin de garantir une concurrence effective, il a été décidé de ne pas retenir sa candidature " ; qu'ainsi, la société COVED n'a pas été admise à présenter une offre, alors qu'elle présentait par ailleurs des garanties comparables à celles des cinq candidats admis à présenter une offre ;
6. Considérant, toutefois, qu'il ressort des pièces du dossier que, si le groupe C...Environnement, dont dépend la société C...Eco Industries, avait obtenu de la Caisse des dépôts et consignations une option d'achat dont l'exercice, susceptible d'intervenir entre le 27 mai 2008 et le 26 mai 2012, aurait abouti à une prise de participation majoritaire dans le capital de la société SAUR, mère de la société COVED, cette option d'achat n'a jamais été exercée ; qu'en outre, si M. A... C...avait été nommé président du holding contrôlant la société SAUR et président exécutif de cette société, ni le syndicat départemental ni la société C...ne contestent que la société COVED était placée sous la responsabilité exclusive d'un autre dirigeant, M. H... E..., pour éviter tout risque d'atteinte aux règles de droit de la concurrence, ainsi que l'a précisé le communiqué de presse de C...Environnement du 27 mai 2008 cité par M. G... et autres ;
7. Considérant que, dans ces conditions, la violation des règles prohibant les ententes de nature à empêcher, restreindre ou fausser la concurrence invoquée par le syndicat départemental revêtait un caractère hypothétique, et ne pouvait donc, en tout état de cause, justifier que la société COVED ne soit pas admise à présenter une offre ; que, par suite, M. G...et autres sont fondés à soutenir que la procédure ayant conduit au choix de la société C...Eco Industries était irrégulière ;
8. Considérant, d'autre part, que l'annulation d'un acte administratif implique en principe que cet acte est réputé n'être jamais intervenu ; que, toutefois, s'il apparaît que cet effet rétroactif de l'annulation est de nature à emporter des conséquences manifestement excessives en raison tant des effets que cet acte a produits et des situations qui ont pu se constituer lorsqu'il était en vigueur que de l'intérêt général pouvant s'attacher à un maintien temporaire de ses effets, il appartient au juge administratif - après avoir recueilli sur ce point les observations des parties et examiné l'ensemble des moyens, d'ordre public ou invoqués devant lui, pouvant affecter la légalité de l'acte en cause - de prendre en considération, d'une part, les conséquences de la rétroactivité de l'annulation pour les divers intérêts publics ou privés en présence et, d'autre part, les inconvénients que présenterait, au regard du principe de légalité et du droit des justiciables à un recours effectif, une limitation dans le temps des effets de l'annulation ; qu'il lui revient d'apprécier, en rapprochant ces éléments, s'ils peuvent justifier qu'il soit dérogé à titre exceptionnel au principe de l'effet rétroactif des annulations contentieuses et, dans l'affirmative, de prévoir dans sa décision d'annulation que, sous réserve des actions contentieuses engagées à la date de celle-ci contre les actes pris sur le fondement de l'acte en cause, tout ou partie des effets de cet acte antérieurs à son annulation devront être regardés comme définitifs ou même, le cas échéant, que l'annulation ne prendra effet qu'à une date ultérieure qu'il aura déterminée ;
9. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, l'annulation de la délibération litigieuse n'est pas de nature à emporter des conséquences manifestement excessives en raison tant des effets que cet acte a produit et des situations qui ont pu se constituer lorsqu'il était en vigueur que de l'intérêt général pouvant s'attacher à un maintien temporaire de ses effets ;
10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin ni de statuer sur les autres moyens présentés par M. G...et autres ni d'ordonner les mesures d'instruction demandées par ces derniers, que le syndicat départemental et la société C...Eco Industries ne sont pas fondés à se plaindre de ce que le tribunal administratif de Montpellier, faisant droit à la demande de M. G...et autres, a annulé la délibération du 30 juillet 2009 dans sa totalité et avec effet immédiat ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
11. Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution " ;
12. Considérant qu'en cas d'annulation d'un acte détachable, il appartient au juge de l'exécution, après avoir pris en considération la nature de l'illégalité commise, soit de décider que la poursuite de l'exécution du contrat est possible, éventuellement sous réserve de mesures de régularisation prises par la personne publique ou convenues entre les parties, soit, après avoir vérifié que sa décision ne portera pas une atteinte excessive à l'intérêt général, d'enjoindre à la personne publique de résilier le contrat, le cas échéant avec un effet différé, soit, eu égard à une illégalité d'une particulière gravité, d'inviter les parties à résoudre leurs relations contractuelles ou, à défaut d'entente sur cette résolution, à saisir le juge du contrat afin qu'il en règle les modalités s'il estime que la résolution peut être une solution appropriée ; que, dans la détermination des mesures rendues nécessaires par l'annulation, le juge de l'exécution n'est pas tenu par celles demandées par le requérant ;
13. Considérant que le vice entachant la délibération annulée, tiré de la non-admission irrégulière de l'un des candidats à l'attribution de la délégation de service public, a affecté gravement la régularité de la mise en concurrence et la légalité du choix du délégataire ; que, toutefois, cette illégalité, n'affecte ni le consentement de la personne publique ni le bien fondé de la délégation de ce service public ; qu'en l'absence de toute circonstance particulière révélant notamment une volonté de la personne publique de favoriser un candidat, elle ne justifie pas que soit recherchée une résolution des conventions ;
14. Considérant que le vice entachant la délibération annulée implique, par sa gravité et en l'absence de régularisation possible, qu'il soit ordonné aux parties de résilier la convention qui les lie ; qu'à cet égard, il ne résulte pas de l'instruction, compte tenu notamment de ce que la poursuite de l'exploitation en régie ou dans le cadre d'une nouvelle délégation de service public serait susceptible de couvrir le coût des investissements non amortis, que la résiliation de la convention en litige serait en l'espèce de nature à porter une atteinte excessive à l'intérêt général ;
15. Considérant que, cependant, l'intérêt général tenant à la continuité du service public justifie que la résiliation ne prenne effet qu'au 1er juillet 2014, afin que le syndicat, s'il entend ne pas reprendre en régie l'exploitation, puisse mener à bien la procédure légalement requise de choix d'un cocontractant ; que, dès lors, il y a lieu d'enjoindre à ce syndicat de résilier les conventions litigieuses à compter du 1er juillet 2014 ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
16. Considérant, en premier lieu, qu'il y a lieu, par les motifs retenus par les premiers juges, et qui ne font l'objet d'aucune contestation, de faire droit à la fin de non-recevoir présentée par la société C...Eco Industries et de rejeter en conséquence les conclusions propres présentées par l'association Terres d'Orbiel et l'Association de défense des riverains et de protection de l'environnement des mines et usines de Salsigne et de la Combe du Saut et tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
17. Considérant, en deuxième lieu, que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que quelque somme que ce soit mise à la charge de M. G...et autres, qui ne sont pas la partie perdante dans la présente instance ;
18. Considérant, en troisième lieu, que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge du syndicat départemental des ordures ménagères de l'Aude et de la société C...Eco Industries trois sommes de 300 euros chacun à verser à M.G..., M. K... L...et M. B...L...en remboursement des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;
D É C I D E :
Article 1er : Les deux requêtes présentées par le syndicat départemental des ordures ménagères de l'Aude et la société C...Eco Industries sont rejetées.
Article 2 : Il est enjoint au syndicat départemental des ordures ménagères de l'Aude de résilier, à compter du 1er juillet 2014, la convention déléguant la conception, la réalisation en maîtrise d'ouvrage privée, le financement et l'exploitation d'un centre de traitement des déchets ménagers et assimilés sur le site de Lassac à la société C...Eco Industries.
Article 3 : Le syndicat départemental des ordures ménagères de l'Aude et la société C...Eco Industries verseront chacun une somme de 300 (trois cents) euros à M. I...G..., une autre somme de 300 (trois cents) euros à M. K... L...et une autre somme de 300 (trois cents) euros à M. B...L...en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de M. G...et autres est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au syndicat départemental des ordures ménagères de l'Aude, à la société C...Eco Industries, à M. I...G..., à M. K... L..., à M. B...L..., à l'association Terres d'Orbiel et à l'Association de défense des riverains et de protection de l'environnement des mines et usines de Salsigne et de la Combe du Saut.
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