LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Donne acte à la société Acte IARD du désistement de son pourvoi en tant que dirigé contre la société Stow international et la société Stow France ;
Statuant tant sur le pourvoi principal formé par la société Acte IARD que sur le pourvoi incident relevé par la société Francheville matériaux ;
Sur le moyen unique des pourvois principal et incident, rédigés en termes identiques, pris en leurs deux premières branches, réunis :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 11 juin 2008), que la société Francheville matériaux (la société FM) a passé commande à la société Ettax de matériels de stockage dont une partie a été fabriquée par la société Stow International et commercialisée en France par la société Stow France ; qu'après leur installation, la chute des matériels de stockage lors d'opérations de manutention a provoqué la mort d'un salarié de la société FM ; qu'un jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale a retenu la faute inexcusable de la société FM et l'a condamnée à verser diverses sommes aux ayants droit de la victime ; que la société Acte IARD, subrogée dans les droits de son assurée, la société FM, au titre des indemnités versées, et cette dernière ont assigné en paiement de dommages-intérêts la société Ettax ; que la société La Suisse, aux droits de laquelle vient la société Swisslife assurances de biens, est intervenue volontairement à l'instance en sa qualité d'assureur de la société Ettax ;
Attendu que la société FM et la société Acte IARD font grief à l'arrêt d'avoir déclaré cette dernière irrecevable en son action récursoire à l'encontre du fournisseur desdits matériels au titre du défaut de sécurité du produit et d'avoir mis cet acheteur hors de cause, alors, selon le moyen :
1°/ que le fournisseur ou le vendeur non producteur commet, en fournissant un produit qui n'offre pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre dans des circonstances normalement prévisibles, une faute délictuelle à l'égard du tiers blessé ou tué à raison de l'utilisation dudit produit ; qu'en retenant néanmoins que le régime de la responsabilité délictuelle de droit commun ne pourrait être invoqué dans un tel cas contre le fournisseur, la cour d'appel a violé, par refus d'application, l'article 1382 du code civil ;
2°/ que l'assureur avait fait valoir qu'il résultait des conclusions de l'expert judiciaire que la société Ettax avait commis une faute engageant sa responsabilité civile délictuelle sur le fondement des articles 1382 et 1383 du code civil ; que la faute de la société Ettax était caractérisée par le fait qu'elle avait livré un matériel défectueux ; qu'en l'état de cette contestation, prise d'une faute du fournisseur tenant à la livraison d'un matériel défectueux, la cour d'appel, qui a retenu que l'assureur n'aurait pas allégué ni établi une faute du fournisseur distincte du défaut de sécurité, a méconnu les termes du litige et violé l'article 4 du code de procédure civile ;
Mais attendu que le régime de la responsabilité du fait des produits défectueux exclut l'application d'autres régimes de responsabilité contractuelle ou extracontractuelle de droit commun fondés sur le défaut d'un produit qui n'offre pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre, à l'exception de la responsabilité pour faute et de la garantie des vices cachés ; qu'ayant relevé, d'abord, que la société Ettax n'était que le fournisseur du matériel litigieux et non son fabricant, puis, que la société Acte IARD et la société FM connaissaient l'identité du producteur, et enfin, que celles-ci n'établissaient aucune faute distincte du défaut de sécurité du produit, la cour d'appel en a exactement déduit, sans dénaturer les conclusions qui lui étaient soumises, que l'action en responsabilité délictuelle fondée sur l'article 1382 du code civil était irrecevable à l'encontre de la société Ettax par application des articles 1386-1 et suivants du code civil ; que le moyen n'est pas fondé ;
Et attendu que les autres griefs ne seraient pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE les pourvois principal et incident ;
Condamne la société Acte IARD et la société Francheville matériaux aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes de la société Acte IARD et de la société Swisslife assurances biens et condamne la société Acte IARD et la société Francheville matériaux à payer à la société Ettax la somme globale de 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six mai deux mille dix.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Vier, Barthélemy et Matuchansky, avocat aux Conseils pour la société Acte IARD, demanderesse au pourvoi principal, et pour la société Francheville matériaux, demanderesse au pourvoi incident
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué, infirmatif de ce chef, D'AVOIR déclaré un assureur (la société Acte Iard), qui avait réparé les préjudices causés par l'accident mortel d'un salarié du fait de la chute de matériels de stockage acquis par l'employeur assuré (la société Francheville Matériaux), irrecevable en son action récursoire à l'encontre du fournisseur desdits matériels (la société Ettax) au titre du défaut de sécurité du produit et d'avoir en conséquence mis cet acheteur hors de cause ;
AUX MOTIFS QUE le rôle causal des goupilles de sécurité et d'une façon générale de l'emboîtement des lisses sur les montants des racks dans l'accident était formellement établi y compris à l'égard des sociétés Stow International et Stow France et qu'il ne saurait être contesté que l'on était en présence d'un produit qui n'offrait pas la sécurité à laquelle on pouvait légitimement s'attendre dans des circonstances normalement prévisibles (arrêt, p. 24) ; que sauf à vider de leur sens les dispositions des articles 1386-1 et suivants du code civil, le fait qu'elles ne pussent être invoquées à l'encontre de la société Ettax qui n'était pas le producteur du produit en cause n'autorisait nullement la société Acte Iard à agir à l'encontre de cette société en application de l'article 1382 ou 1384 du code civil ; qu'elle n'aurait pu invoquer les dispositions du droit commun que sur un fondement autre que celui des produits défectueux, ce qu'elle n'avait pas fait ; qu'en effet, tout en agissant en application de l'article 1382 du code civil, elle n'alléguait et a fortiori n'établissait aucune faute distincte du défaut de sécurité du produit étant rappelé que l'inefficacité de la goupille tient à sa géométrie et existait indépendamment des conditions d'installation des racks sur un sol en pente ; qu'en soutenant que la société Acte Iard ne pouvait agir en son encontre au titre du défaut de sécurité du produit, dès lors qu'elle n'est que le revendeur, et qu'elle devait être mise hors de cause, la société Ettax qui concluait certes au débouté de la société Acte Iard invoquait implicitement mais nécessairement à ce titre une fin de non-recevoir tirée du défaut de droit de la société Acte Iard d'agir en son encontre ; qu'il y avait lieu de déclarer la société Acte Iard irrecevable en son action à l'encontre de la société Ettax au titre du défaut de sécurité du produit, que ce soit sur la fondement de l'article 1382 ou 1386-1 du code civil, de constater qu'elle n'établissait aucune faute distincte de la société Ettax sur le fondement de l'article 1382 du code civil et de mettre la société Ettax hors de cause (arrêt, p. 32-33) ;
ALORS, D'UNE PART, QUE le fournisseur ou le vendeur non producteur commet, en fournissant un produit qui n'offre pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre dans des circonstances normalement prévisibles, une faute délictuelle à l'égard du tiers blessé ou tué à raison de l'utilisation dudit produit ; qu'en retenant néanmoins que le régime de la responsabilité délictuelle de droit commun ne pourrait être invoqué dans un tel cas contre le fournisseur, la cour d'appel a violé, par refus d'application, l'article 1382 du code civil ;
ALORS, D'AUTRE PART, QUE l'assureur avait fait valoir (conclusions, notamment p. 12) qu' « il résult ait des conclusions de … l'expert judiciaire que la société Ettax a vait commis une faute engageant sa responsabilité civile délictuelle sur le fondement des articles 1382 et 1383 du code civil. / La faute de la société Ettax était caractérisée par le fait qu'elle a vait livré un matériel défectueux » ; qu'en l'état de cette contestation, prise d'une faute du fournisseur tenant à la livraison d'un matériel défectueux, la cour d'appel, qui a retenu que l'assureur n'aurait pas allégué ni établi une faute du fournisseur distincte du défaut de sécurité, a méconnu les termes du litige et violé l'article 4 du code de procédure civile ;
ALORS, DE SURCROÎT, QUE dans ses écritures d'appel (p. 9 à 16 et p. 21), le fournisseur concluait à sa mise hors de cause « comme n'étant pas le producteur du matériel légitime » et au débouté de la société Acte Iard de ses prétentions ; qu'en l'état de telles conclusions, qui avaient trait sans ambiguïté au fond des prétentions de l'assureur et non à leur recevabilité, la cour d'appel, qui a néanmoins retenu que le fournisseur avait invoqué implicitement mais nécessairement une fin de non-recevoir, a dénaturé lesdites conclusions et violé l'article 4 du code de procédure civile ;
ALORS, ENFIN, QU'en relevant d'office la fin de non-recevoir tirée du défaut d'intérêt à agir de la société Acte Iard, sans avoir préalablement invité les parties à présenter leurs observations, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article 16 du code de procédure civile.