LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 18 juin 2010) que les consorts X... ont mis en demeure la société Nouvelles Résidences de France (la société NRF), locataire des locaux à usage de garage, de procéder à des travaux conformément aux termes du bail ; que cette société a entrepris des travaux sous la direction d'un architecte assuré auprès de la société Mutuelle des architectes français (la société MAF), et avec le concours de la société Bureau Veritas chargée du contrôle technique ; que par arrêt du 7 septembre 2005, la cour d'appel de Paris a prononcé la résiliation du bail au motif que l'exécution de ces travaux sans demander l'accord exprès des consorts X..., ni solliciter la surveillance de leur architecte, constituait une violation grave du bail et a ordonné l'expulsion de la société NRF ; que cette société, estimant que la responsabilité de son architecte et du bureau de contrôle était engagée, a assigné la société MAF, assureur de l'architecte décédé, et la société Bureau Veritas pour obtenir leur condamnation solidaire à l'indemniser de la perte de son fonds de commerce, du coût de la remise en état des lieux et du coût de travaux non obligatoires litigieux ;
Sur le moyen unique, pris en ses première et deuxième branches, ci-après annexé :
Attendu qu'en relevant que la résiliation du bail était intervenue au motif unique et décisif que le locataire avait entrepris des travaux en violation manifeste des dispositions contractuelles qui prévoyaient que le locataire ne pouvait faire dans les lieux loués aucune modification sans le consentement exprès des bailleurs, les travaux devant être effectués en cas d'autorisation sous la surveillance de leur architecte, et retenu qu'il n'appartenait pas à l'architecte de veiller au respect par son client locataire de ses obligations vis-à-vis de son bailleur, la cour d'appel a pu en déduire que les demandes de la société NRF relatives à la valeur du fonds de commerce et au coût de la remise en état des lieux n'étaient pas fondées ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le moyen unique, pris en sa troisième branche :
Vu l'article 455 du code de procédure civile ;
Attendu que pour rejeter la demande de la société NRF tendant au remboursement du coût des travaux non obligatoires payés en 1990, l'arrêt retient que l'éventuel manquement constitué par le fait d'avoir préconisé des travaux non obligatoires n'était en rien en relation de causalité directe avec la résiliation du bail pour violation des obligations contractuelles par le bailleur ;
Qu'en statuant ainsi, sans répondre aux conclusions de la société NRF qui soutenait que la société Bureau Veritas et l'architecte, assuré par la société MAF, qu'elle avait chargés de la mise en conformité du garage, avaient manqué à leur obligation de conseil en préconisant des travaux de sécurité qui n'étaient pas nécessaires, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a rejeté la demande de la société NRF relative au coût des travaux non obligatoires, l'arrêt rendu le 18 juin 2010, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne la société Bureau Veritas et la Mutuelle des architectes français aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six septembre deux mille onze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
.Moyen produit par Me de Nervo, avocat aux Conseils, pour la société Les Nouvelles Résidences de France.
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué
D'AVOIR débouté la société Nouvelles Résidences de France de son action en responsabilité contre la société Bureau Veritas et contre la Mutuelle des Architectes de France
AUX MOTIFS QUE la résiliation du bail était intervenue au motif unique et décisif que le locataire avait entrepris des travaux, dont certains intempestifs, en violation manifeste des dispositions contractuelles prévoyant que le locataire ne pourrait faire aucune modification de distribution quelconque sans le consentement exprès des bailleurs et, en toute hypothèse, sous la surveillance de leur architecte ; que la Cour d'appel de Paris, dans son arrêt du 7 septembre 2005, précisait encore qu'il n'était pas établi que les travaux effectués correspondaient à un impératif de sécurité et que le fait de les avoir accomplis sans l'autorisation des bailleurs et sans la surveillance de leur architecte, constituait une violation grave des stipulations contractuelles justifiant la résiliation du bail aux torts du preneur ; qu'en ce qui concernait le bureau Veritas, auquel il est reproché d'avoir préconisé des travaux non obligatoires, il apparaissait clairement que cet éventuel manquement n'était en rien en relation de causalité directe avec la résiliation du bail prononcée pour violation de ses obligations contractuelles par le locataire, en ne sollicitant pas l'avis et l'autorisation éventuelle de son bailleur ; qu'en ce qui concernait l'architecte, s'il entrait dans ses obligations de veiller à l'obtention des autorisations administratives, il ne lui appartenait pas de veiller à ce que son client locataire respecte ses obligations propres vis-à-vis de son bailleur ; que la société Nouvelles Résidences de France était personnellement tenue de solliciter les autorisations nécessaires ou tout simplement de communiquer le projet de travaux ; qu'il n'était nul besoin des conseils d'un architecte pour ce faire, d'autant que la société Nouvelles Résidences de France était un professionnel de l'immobilier ; que le contrat de maîtrise d'oeuvre d'avril 1990 précisait que la société Nouvelles Résidences de France avertirait les propriétaires, après que l'architecte aurait estimé et décrit les travaux nécessaires ;
1)ALORS QU'il était constant que les travaux litigieux faisaient suite à une mise en demeure des bailleurs d'avoir à faire les travaux nécessaires à la sécurité ; qu'il était également constant que l'architecte et le bureau de contrôle avaient précisément reçu mission de faire effectuer ces travaux nécessaires à la sécurité ; que le maître de l'ouvrage, fût-il professionnel du bâtiment, devait pouvoir compter sur ces professionnels de la construction pour ne pas faire effectuer des travaux « non nécessaires à la sécurité » ; qu'en exonérant l'architecte et le bureau de contrôle de toute responsabilité dans le dommage subi par le locataire, expulsé pour avoir fait effectuer des travaux « non nécessaires à la sécurité », sous le prétexte inopérant qu'il appartenait à ce locataire seul de demander l'autorisation du bailleur pour ces travaux, la Cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil ;
2) ALORS QUE la mission de l'architecte ne se borne pas aux formalités et autorisations administratives ; qu'il lui appartient de solliciter, en tant que de besoin, toutes autorisations nécessaires, y compris celle du propriétaire des lieux et de vérifier que les travaux envisagés par le locataire ne contreviennent pas aux stipulations du bail ; qu'en décidant le contraire, la Cour d'appel a violé, de plus fort, l'article 1147 du code civil ;
3) ALORS QUE, à tout le moins, le maître de l'ouvrage devait obtenir le remboursement des travaux jugés « non nécessaires », qui avaient pourtant été préconisés par l'architecte et le bureau de contrôle ; qu'en jugeant autrement, la Cour d'appel a, de plus fort, violé l'article 1147 du code civil.