LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, tel qu'énoncé dans le mémoire en demande et reproduit en annexe au présent arrêt :
Attendu que les consorts X..., vendeurs d'un domaine rural, reprochant à M. Y..., notaire de la SCP Y...- Z..., d'avoir notifié à la Safer, sans les en informer, le projet de mutation de leur propriété en faisant apparaître une ventilation détaillée du prix ne figurant pas au compromis de vente signé le 25 mai 2002 et de ne pas les avoir informés des dispositions de l'article 150 D. 2° du code général des impôts qui leur aurait permis, selon eux, de bénéficier d'une exonération majeure d'impôts, ont recherché sa responsabilité et sollicité l'indemnisation de leur préjudice ;
Attendu que la cour d'appel (Versailles, 14 juin 2007) qui n'a pas dispensé le notaire de son obligation d'attirer l'attention des vendeurs sur les incidences fiscales en retenant, par motifs propres et adoptés, que le notaire qui n'ignorait pas que la ventilation du prix avait nécessairement des conséquences fiscales au regard de la législation sur les plus-values, avait commis une faute en effectuant cette répartition de façon unilatérale, sans concertation avec les vendeurs, les terres et bâtiments d'exploitation pouvant éventuellement relever des dispositions de l'article 150 D-2° du code général des impôts, a légalement justifié sa décision en constatant que les vendeurs ne justifiaient d'aucun préjudice dès lors qu'ils ne démontraient pas que la ventilation opérée ne correspondait pas à la valeur réelle des biens vendus ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. Bertrand X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept mars deux mille onze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par Me Rouvière, avocat aux Conseils pour M. X...
Le moyen fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR limité la faute de Maître Y..., notaire, au fait d'avoir adressé à la SAFER, sans en informer les consorts X..., le projet de mutation de leur propriété agricole en faisant apparaître une ventilation détaillée du prix de vente ne figurant pas dans le compromis de vente signé le 25 mai 2002, D'AVOIR dit que les consorts X... ne rapportent pas la preuve du lien de causalité existant entre cette faute et le préjudice dont ils se prévalent et de les AVOIR ainsi déboutés de leurs demandes de dommages et intérêts ;
AUX MOTIFS QUE « Madame Marguerite X... épouse A..., Monsieur Bertrand X... et Monsieur Gérard X..., qui fondent leur demande sur les dispositions de l'article 1147 du code civil, reprochent à Maître Xavier Y..., à qui ils soutiennent avoir, dès le mois de septembre 2000, confié la vente d'un bien immobilier indivis constitué de bâtiments d'habitation, de bâtiments d'exploitation et de terres, dénommé... situés sur la commune d'UNPEAU devant être libre de toute occupation au cours de l'année 2003, de : leur avoir conseillé de vendre globalement ces biens, ce qu'ils ont fait en signant en son étude le 25 mai 2002 une promesse de vente aux époux B... au prix de 1. 143. 367, 73 € ; de ne pas les avoir informés des dispositions de l'article 150 D. 2° du code généra ! des impôts qui leur auraient permis d'obtenir une exonération majeure d'impôts ; d'avoir adressé à la SAFER sans les en informer le projet de mutation faisant apparaître une ventilation du prix de vente ne figurant pas dans le compromis ; de ne pas leur avoir conseillé de vendre au prix de 1. 105. 000 € avec ventilation détaillée des valeurs vénales qui aurait permis l'application de l'article 150 D. 2° susvisé, en ramenant la valeur des terres en toute légalité à la somme de 0, 61 € par m2 et en affectant le reliquat aux bâtiments ; qu'il sera cependant observé que les appelants ne justifient par aucune pièce, contrairement à ce qu'a retenu le Tribunal, avoir chargé le notaire de leur trouver des acquéreurs et surtout de fixer le prix de l'exploitation ; qu'il résulte bien au contraire du compromis de vente du 25 mai 2002 et de l'acte de vente du 28 février 2003 que « les parties reconnaissent avoir été mises en relation avec l'agence immobilière MERCURE de Bourges (18000), 18 Place de la Nation, laquelle a perçu des honoraires de 80. 035, 73 € ; que dès lors le montant du prix convenu et payé résulte de cette négociation à laquelle le notaire était étranger et ne saurait lui être imputé à faute ; que par ailleurs, Martre Y... ne leur a pas caché cette possibilité de ventilation comme le démontre le projet de compromis de vente qu'il leur a transmis le 22 mai 2002, accompagné d'un projet de déclaration de plus values ; qu'il est en effet porté sur ce projet en page 9 au paragraphe intitulé « Prix de vente éventuelle » une répartition du prix d'acquisition entre : corps de ferme à concurrence de... €, parcelles de terre... €, parcelles de bois dont taillis... €, sans mentions chiffrées ; que si le compromis signé le 25 mai 2002 ne comporte plus cette ventilation mais uniquement au même paragraphe le prix global de 1. 143. 367, 60 €, il ne résulte d'aucune pièces versée aux débats que comme l'invoquent les consorts X... cette suppression a été conseillée par le notaire ; qu'il peut exclusivement être reproché à Martre Y... d'avoir adressé à la SAPER le 3 juin 2002, sans en informer les consorts X... et, partant, sans leur accord, le « projet de mutation portant sur un fonds agricole » mentionnant une répartition de prix de vente entre : bâtiments d'habitation (106. 714, 31 6) et d'exploitation (121. 959, 21 €) plus la commission d'agences au prorata, terres labourables 916. 331, 44 € plus la commission d'agences au prorata, bois, taillis 12. 822, 49 € plus la commission d'agences au prorata ; que ce n'est en effet que sur leur demande expresse que ce document leur a été communiqué le 2 janvier 2003 » (arrêt du 14 juin 2007 p. 3 et 4) ;
ET AUX MOTIFS QUE « pour retenir la responsabilité de Monsieur Xavier Y..., le tribunal a estimé que celui-ci n'ignorait pas que cette répartition avait des conséquences fiscales pour les vendeurs au regard de la législation sur les plus values et notamment pour les terres et bâtiments d'exploitation pouvant éventuellement relever des dispositions de l'article 150 D. 2° du code générale des impôts et qu'en s'abstenant d'en informer les consorts X... dès le 3 juin 2002, le notaire a failli à son devoir de conseil et à son obligation d'information ; que si cette faute est certaine puisque Maître Y... ne pouvait à leur insu effectuer une telle ventilation non énoncée dans le compromis de vente, force est cependant de constater qu'elle est sans lien avec le préjudice dont se prévalent les appelants, fut-il limité comme l'ont retenu les premiers juges à la perte d'une chance de voir le montant de la plus value fiscale diminuée ; qu'en effet, les consorts X... ne démontrent pas que cette ventilation ne correspond pas à la valeur réelle des biens vendus et ils ne peuvent reprocher au notaire, comme ils le font implicitement, de ne pas avoir minoré, voire même de ne pas les avoir informés, sauf à se vendre complice d'une fraude fiscale de cette possibilité de minoration de telle sorte que les dispositions de l'article 150 D. 2° du code général des impôts puissent s'appliquer ; qu'il s'ensuit qu'ils ne démontrent pas l'existence d'un lien de causalité direct entre cette faute incontestable commise par Martre Xavier Y... et le préjudice dont ils se prévalent... » (arrêt attaqué p. 4 et 5) ;
ALORS D'UNE PART QUE le notaire qui authentifie un acte de vente d'un immeuble à vocation agricole a l'obligation, quand bien même il n'en serait pas le négociateur, d'attirer l'attention des vendeurs sur la nécessaire ventilation du prix convenu pour bénéficier des avantages fiscaux attachés à ce type de vente ; qu'en retenant en l'espèce, pour considérer que Maître Y... n'était pas fautif d'avoir omis d'informer les consorts X... des dispositions de l'article 150 D. 2° du code général des impôts qui leur auraient permis d'obtenir une exonération majeure d'impôts, qu'oc il résulte bien au contraire du compromis de vente du 25 mai 2002 et de l'acte de vente du 28 février 2003 que a les parties reconnaissent avoir été mises en relation avec l'agence immobilière MERCURE de Bourges (18000), 18 Place de la Nation, laquelle a perçu des honoraires de 80. 035, 73 C », de sorte que « le montant du prix convenu et payé résulte de cette négociation à laquelle le notaire e1ait étranger », quand la non participation du notaire à la négociation de l'acte ne le dispensait pas de son obligation d'attirer l'attention des consorts X... sur ses incidences fiscales, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil ;
ALORS D'AUTRE PART QUE le notaire est tenu d'informer et d'éclairer les parties sur la portée et les effets, notamment quant aux incidences fiscales, ainsi que sur les risques de l'acte auquel il prête son concours, en prenant en considération les mobiles des parties, extérieurs à l'acte, dont il a connaissance ; qu'en retenant en l'espèce, pour dénier que Maître Y... ait caché aux consorts X... la possibilité d'une ventilation du prix de vente en vue de bénéficier des dispositions fiscales favorables de l'article 150 D. 2° du code général des impôts, que le projet de compromis de vente qu'il leur a transmis le 22 mai 2002, accompagné d'un projet de déclaration de plus values mentionne en page 9, au paragraphe intitulé « Prix de vente éventuelle », « une répartition du prix d'acquisition entre : corps de ferme à concurrence de... €, parcelles de terre... €, parcelles de bois dont taillis... €, sans mentions chiffrées ; si le compromis signé le 25 mai 2002 ne comporte plus cette ventilation mais uniquement au même paragraphe le prix global de 1. 143. 367, 60 € » mais que « il ne résulte d'aucune pièce versée aux débats que comme l'invoquent les consorts X... cette suppression a été conseillée par le notaire », quand le notaire répondait seul de l'établissement de l'acte qu'il authentifiait, la Cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations, a violé l'article 1382 du code civil ;
ALORS ENFIN ET SUBSIDIAIREMENT QUE le notaire répond des déconvenues de ses clients privés par sa faute de la possibilité de bénéficier de dispositions fiscales favorables ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel a retenu que Maître Y... était fautif « d'avoir adressé à la SAFER le 3 juin 2002, sans en informer les consorts X... et, partant, sans leur accord, le « projet de mutation portant sur un fonds agricole » mentionnant une répartition de prix de vente entre :- bâtiments d'habitation (106. 714, 31 €) et d'exploitation (121. 959, 21 €) plus la commission d'agences au prorata ;- terres labourables 916. 331, 44 € plus la commission d'agences au prorata ;- bois, taillis 12. 822, 49 € plus la commission d'agences au prorata » ; qu'en affirmant, pour dénier tout lien de causalité entre cette faute et le préjudice subi que « les consorts X... ne démontrent pas que cette ventilation ne correspond pas à la valeur réelle des biens vendus et ils ne peuvent reprocher au notaire, comme ils le font implicitement, de ne pas avoir minoré, voire même de ne pas les avoir informés, sauf à se rendre complice d'une fraude fiscale de cette possibilité de minoration de telle sorte que les dispositions de l'article 150 D. 2° du code général des impôts puissent s'appliquer », quand la faute du notaire avait fait perdre aux consorts X... une chance de pouvoir bénéficier, en dehors de toute fraude, des avantages fiscaux résultant de ces dispositions, la Cour d'appel a, à nouveau, privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil.