Vu 1°) sous le n° 118 644, la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 18 juillet 1990 et 16 novembre 1990 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour l'Association de défense des quartiers de Fréjus, Fréjus-Plage, Villepey et Saint-Aygulf représentée par son président en exercice ; l' Association de défense des quartiers de Fréjus, Fréjus-Plage, Villepey et Saint-Aygulf demande que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement du 10 mai 1990 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 15 novembre 1989 par lequel le maire de Fréjus a accordé un permis de construire à la société SOMEDIF ;
2°) annule pour excès de pouvoir cette décision ;
Vu 2°) sous le n° 126 499, la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 7 juin 1991 et 4 octobre 1991 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour :
1°) l'Association de défense des quartiers de Fréjus, Fréjus-Plage, Villepey et Saint-Aygulf, ayant son siège Résidence Edelweiss ... représentée par son président en exercice ;
2°) la société anonyme Baticos, ayant son siège Résidence Edelweiss, ..., représentée par son président directeur général en exercice ;
3°) la société civile immobilière Azul Résidence, ayant son siège ... ;
4°) l'Association de défense des victimes de troubles de voisinage, ayant son siège au Roc Fleuri, avenue du Général Calliès à Fréjus (83600), représentée par son président en exercice ;
5°) l'Association S.O.S. Environnement, ayant son siège ..., représentée par son président en exercice ;
6°) Mme Jeannine de I..., demeurant ... ;
7°) M. Philippe B..., demeurant ... ;
8°) M. René A..., demeurant immeuble Edelweiss, La Gabelle à Fréjus (83600) ;
9°) M. Séverin G..., demeurant ... ;
10°) Mme Ida Y..., demeurant ... ;
11°) M. C...
G..., demeurant Place Saint-François de Paule à Fréjus (83600) ;
12°) Mme H..., demeurant ... ;
13°) M. André D..., demeurant ... ;
14°) M. Jacques Z..., demeurant ... ;
15°) Mme Vilma X..., demeurant ... ;
16°) M. Youssef F..., demeurant ... ;
l'Association de défense des quartiers de Fréjus, Fréjus-Plage, Villepey et Saint-Aygulf et autres demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 11 avril 1991 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté leur demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 7 décembre 1989 par lequel le préfet du Var a déclaré d'utilité publique les travaux et acquisitions nécessaires à la réalisation de la zone d'aménagement concerté de Port-Fréjus à Fréjus (Var) ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir cet arrêté ;
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;
Vu le code de l'urbanisme ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Seban, Maître des Requêtes,
- les observations de Me Ricard, avocat de l'Association de défense des quartiers de Fréjus, Fréjus-Plage, Villepey et Saint-Aygulf et autres, de la SCP de Chaisemartin, Courjon, avocat de la ville de Fréjus et de la SCP Nicolay, de Lanouvelle, avcoat de la société SOMEDIF,
- les conclusions de M. du Marais, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que les requêtes susvisées de l'Association de défense des quartiers de Fréjus, Fréjus-Plage, Villepey et Saint-Aygulf et autres présentent à juger des questions semblables ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;
Sur l'arrêté du maire de Fréjus du 15 novembre 1989 accordant un permis de construire à la société méditerranéenne immobilière et foncière :
Considérant que l'Association de défense des quartiers de Fréjus, Fréjus-Plage, Villepey et Saint-Aygulf a, aux termes de ses statuts, pour but, non seulement "la défense des intérêts des quartiers précités contre toute mesure de dégradation, spoliation, expropriation susceptible de porter atteinte à l'économie et à l'équilibre de ces quartiers" mais également "la promotion de toute action tendant à y favoriser un développement harmonieux, assorti de la protection du site et de l'environnement dans le respect de la propriété privée à l'exclusion de toute solution d'autorité" ; qu'en raison de ce dernier objet, l'association justifie d'un intérêt lui donnant qualité pour déférer au juge de l'excès de pouvoir l'arrêté en date du 15 novembre 1989 par lequel le maire de Fréjus a accordé à la société méditerranéenne immobilière et foncière (SOMEDIF) un permis de construire pour l'édification d'un ensemble immobilier de 49 logements ainsi que des commerces sur un terrain sis à l'intérieur de la zone d'aménagement concerté de Port-Fréjus, créée par délibération du conseil municipal du 23 février 1987 à l'effet d'aménager un nouveau quartier de Fréjus autour d'un port de plaisance ;
Considérant qu'il suit de là que l'association requérante est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué en date du 10 mai 1990, le tribunal administratif de Nice a rejeté pour défaut d'intérêt sa demande dirigée contre le permis de construire contesté ; que ce jugement doit être annulé ;
Considérant que, dans les circonstances de l'affaire, il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par l'Association de défense des quartiers de Fréjus, Fréjus-Plage, Villepey et Saint-Aygulf devant le tribunal administratif de Nice et tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 15 novembre 1989 par lequel le maire de Fréjus a accordé un permis de construire à la société méditerranéenne immobilière et foncière (SOMEDIF) ;
Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article L. 146-4-II du code de l'urbanisme, issues de la loi n° 86-2 du 3 janvier 1986, que lorsqu'elle est autorisée aux conditions définies audit article, l'extension de l'urbanisation des espaces proches du rivage doit demeurer "limitée" ; que le respect de ces prescriptions s'impose aussi bien au stade de la création d'une zone d'aménagement concerté dans un espace proche du rivage de la mer que s'agissant des opérations et installations prévues par le plan d'aménagement de ladite zone ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la zone d'aménagement concerté de Port-Fréjus, située dans le quartier de Fréjus-plage sur une superficie d'environ 29 hectares, comporte la réalisation d'un programme de construction de près de 175 000 m2 de surface hors oeuvre nette correspondant à un coefficient d'occupation des sols moyen de 0,6 ; qu'à concurrence de 90 %, les constructions prévues sont des locaux à usage d'habitation ; qu'eu égard à l'ensemble de ces caractéristiques, une telle opération ne constitue pas une extension limitée de l'urbanisation, seule autorisée par les dispositions de l'article L. 146-4-II du code de l'urbanisme ; qu'il résulte de ce qui précède que le plan d'aménagement de la zone, approuvé par délibération du conseil municipal de Fréjus en date du 26 octobre 1987, est entaché d'illégalité ;
Considérant que le permis de construire litigieux n'a pu être délivré qu'à la faveur des dispositions du plan d'aménagement de zone ; que, dès lors, la constatation par la voie de l'exception de l'illégalité de ce document d'urbanisme entraîne par voie de conséquence l'illégalité de l'arrêté en date du 15 novembre 1989 par lequel le maire de Fréjus a accordé le permis de construire contesté à la société méditerranéenne immobilière et foncière (SOMEDIF) ; que l'Association de défense des quartiers de Fréjus, Fréjus-Plage, Villepey et Saint-Aygulf est fondée à demander, pour ce motif, l'annulation dudit permis ;
Sur l'arrêté du 7 décembre 1989 déclarant d'utilité publique les travaux et acquisitions nécessaires à la réalisation de la zone d'aménagement concerté de Port-Fréjus :
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le programme pour la réalisation duquel a été pris l'arrêté précité ne constitue pas une extension limitée de l'urbanisation ; que, dans ces conditions, l'acquisition des terrains nécessaires à la réalisation de ce programme ne pouvait légalement être déclarée d'utilité publique ; que l'Association de défense des quartiers de Fréjus, Fréjus-Plage, Villepey et Saint-Aygulf et autres est ainsi fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, en date du 11 avril 1991, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;
Sur les conclusions de la ville de Fréjus tendant à l'application de l'article 1er du décret du 2 septembre 1988 :
Considérant que le décret du 2 septembre 1988 ayant été abrogé par le décret du 19 décembre 1991 susvisé portant application de la loi du 10 juillet 1991 susvisée, les conclusions de la ville de Fréjus doivent être regardées comme demandant la condamnation de la partie adverse sur le fondement des dispositions de l'article 75-I de ladite loi ; que ces dispositions font obstacle à ce que l'Association de défense des quartiers de Fréjus, Fréjus-Plage, Villepey et Saint-Aygulf et autres, qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes, soient condamnés à payer à la ville de Fréjus la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Article 1er : Les jugements du tribunal administratif de Nice en date des 10 mai 1990 et 11 avril 1991 sont annulés.
Article 2 : L'arrêté en date du 15 novembre 1989 par lequel le maire de Fréjus a accordé un permis de construire à la société méditerranéenne immobilière et foncière SOMEDIF est annulé.
Article 3 : L'arrêté du préfet du Var en date du 7 décembre 1989 déclarant d'utilité publique les travaux et acquisitions nécessaires à la réalisation de la zone d'aménagement concerté de Port-Fréjus à Fréjus est annulé.
Article 4 : Les conclusions de la ville de Fréjus tendant à l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à l'Association de défense des quartiers de Fréjus, Fréjus-Plage, Villepey et Saint-Aygulf, à la société anonyme BATICOS, à la société civile immobilière Azul Résidence, à l'association de défense des victimes de troubles de voisinage, à l'association SOS Environnement, à Mme Jeannine de I..., M. Philippe B..., à M. René A..., à M. Séverin G..., à Mme Ida Y..., à M. C...
G..., à Mme H..., à M. André D..., à M. Jacques Z..., à Mme Vilma X..., à M. Youssef E..., à la ville de Fréjus et au ministre de l'équipement, des transports et du tourisme.