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01/12/2010 | FRANCE | N°09-70406

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 01 décembre 2010, 09-70406


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon le jugement attaqué (Nouméa, 17 août 2009), que par ordonnance du 11 septembre 2007, le magistrat près le tribunal de première instance de Nouméa délégué au contentieux de l'expropriation en Nouvelle-Calédonie a prononcé le transfert de propriété d'un immeuble appartenant à la SARL Jean Cheval, au profit de la commune de Nouméa ; que celle-ci, en application des dispositions du titre IV du décret du 16 mai 1938, a saisi la commission arbitrale d'évaluation, qui a fixé l'indemnit

é d'expropriation due à l'expropriée à la somme de 51 370 000 CFP, après ...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon le jugement attaqué (Nouméa, 17 août 2009), que par ordonnance du 11 septembre 2007, le magistrat près le tribunal de première instance de Nouméa délégué au contentieux de l'expropriation en Nouvelle-Calédonie a prononcé le transfert de propriété d'un immeuble appartenant à la SARL Jean Cheval, au profit de la commune de Nouméa ; que celle-ci, en application des dispositions du titre IV du décret du 16 mai 1938, a saisi la commission arbitrale d'évaluation, qui a fixé l'indemnité d'expropriation due à l'expropriée à la somme de 51 370 000 CFP, après avoir rejeté l'exception d'illégalité fondée sur l'incompatibilité de sa composition avec les exigences de l'article 6 § 1er de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, tenant à la partialité d'un de ses membres, M. X..., chef du service du domaine de la Nouvelle Calédonie, pour avoir siégé dans une précédente commission chargée d'évaluer la même parcelle dans le cadre d'une procédure de préemption, et refusé de renvoyer cette question préjudicielle au juge administratif, en prononçant le sursis à statuer ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la société Jean Cheval fait grief au jugement confirmatif de rejeter cette exception d'illégalité et cette question préjudicielle, alors, selon le moyen, que les dispositions relatives à la faculté de récusation et à la suspicion légitime n'épuisent pas nécessairement l'exigence d'impartialité requise de toute juridiction par l'article 6 § 1er de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'en l'espèce, le tribunal de première instance de Nouméa a refusé d'examiner la contestation relative à l'impartialité de la composition de la Commission arbitrale d'évaluation requise par le texte susvisé, au motif inopérant que la société Jean Cheval n'avait pas exercé la faculté de récusation offerte par l'article 32, alinéa 4, du décret du 16 mai 1938, qu'ainsi, le tribunal a violé par refus d'application l'article 6 § 1er de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Mais attendu que, dès lors qu'il résulte de la procédure que les débats ont eu lieu devant une commission dont la composition était connue, le tribunal de première instance a exactement retenu que la SARL Cheval n'ayant pas fait usage du droit de récusation de M. X..., qui lui était ouvert par l'article 32, alinéa 4, du décret du 16 mai 1938, elle ne pouvait invoquer une violation de l'article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Sur le second moyen, ci-après annexé :
Attendu que le tribunal, qui n'était pas tenu de répondre à une simple allégation, a souverainement retenu, par motifs adoptés, qu'au regard de l'état du marché immobilier dans le secteur du centre ville de Nouméa la valeur vénale du lot exproprié devait être fixée à 12 millions de francs CFP, l'are ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Jean Cheval aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Jean Cheval à payer à la commune de Nouméa la somme de 2 500 euros ; rejette la demande de la société Jean Cheval ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du premier décembre deux mille dix.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par Me Odent, avocat aux Conseils pour la société Jean Cheval
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
:
Il est fait grief au jugement confirmatif attaqué D'AVOIR rejeté l'exception d'illégalité formée par la société JEAN CHEVAL, fondée sur l'incompatibilité de la composition de la Commission arbitrale d'évaluation selon les dispositions des chapitres 2 et 3 du titre IV du décret du 16 mai 1938 avec les exigences de l'article 6 § 1er de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et d'avoir refusé de renvoyer cette question préjudicielle au juge administratif, en prononçant le sursis à statuer ;
AUX MOTIFS QUE l'article 6 § 1er de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales impose à toute juridiction nationale l'obligation de vérifier si sa composition correspond à l'exigence du tribunal impartial au sens de ce texte, lorsque surgit sur ce point une contestation qui n'apparaît pas d'emblée manifestement dépourvue de sérieux ; qu'en l'espèce, la société JEAN CHEVAL a soulevé devant la Commission arbitrale d'évaluation l'illégalité des règles de sa composition, issues des chapitres II et III du titre IV du décret du 16 mai 1938 réglementant l'expropriation pour cause d'utilité publique en Nouvelle-Calédonie, au regard des dispositions précitées de l'article 6 § 1er de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, contrairement à ce qu'a décidé la Commission, celle-ci est bien une autorité rendant des décisions de nature juridictionnelle, dotées en outre de la force exécutoire par application de l'article 37 du décret, et est donc soumise aux dispositions de la Convention susvisée ; que toutefois l'exception soulevée par la société JEAN CHEVAL ne peut être considérée comme sérieuse, dès lors que cette dernière avait la faculté de récuser M. Edmond X..., chef du service du Domaine de la Nouvelle-Calédonie, auquel elle reproche d'avoir siégé lors de la séance du 10 juillet 2008, tout en ayant participé à une précédente session le 1er août 2005, ayant abouti à la fixation du prix d'acquisition du lot dont s'agit ; que la Cour européenne des droits de l'homme a jugé que le requérant ne peut prétendre avoir eu des motifs légitimes de douter de l'impartialité du tribunal qui l'a jugé alors qu'il pouvait en récuser la composition (CEDH, 22 février 1996, Bulut c/Autriche) ; que, dans ces conditions, l'appréciation de la légalité des dispositions issues du décret du 16 mai 1938 ne suscitant pas de difficulté sérieuse compte tenu de la procédure de récusation, le rejet de l'exception d'illégalité et celui subséquent du renvoi de la question préjudicielle seront confirmés ;
ALORS QUE les dispositions relatives à la faculté de récusation et à la suspicion légitime n'épuisent pas nécessairement l'exigence d'impartialité requise de toute juridiction par l'article 6 § 1er de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'en l'espèce, le tribunal de première instance de Nouméa a refusé d'examiner la contestation relative à l'impartialité de la composition de la Commission arbitrale d'évaluation requise par le texte susvisé, au motif inopérant que la société JEAN CHEVAL n'avait pas exercé la faculté de récusation offerte par l'article 32 alinéa 4 du décret du 16 mai 1938 ; qu'ainsi, le tribunal a violé par refus d'application l'article 6 § 1er de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
(Subsidiaire) :
Il est fait grief au jugement confirmatif attaqué d'avoir fixé l'indemnité d'expropriation à la somme de 51.370.000 F CFP ;
AUX MOTIFS QUE la société JEAN CHEVAL fait grief à la Commission arbitrale d'évaluation d'avoir estimé la valeur foncière du terrain à 11 millions de francs CFP l'are, de n'avoir pas pris en compte la valeur des constructions et d'avoir retenu à tort comme source de moins-value de l'immeuble le classement de la façade et demande au tribunal de fixer la valeur de l'are à 13 millions de francs CFP, d'évaluer de manière distincte la valeur des bâtiments, de limiter la décote pour occupation des lieux aux seuls frais occasionnés par le déménagement des squatters et de dire qu'il n'y pas lieu à décote pour classement de la façade ; que, toutefois, l'appelante ne précise pas à quel montant elle souhaite voir fixer l'indemnité de dépossession et ne produit aucune pièce tendant à établir le caractère erroné de l'évaluation faite par la Commission, et notamment de l'évaluation de l'are à douze millions de francs CFP ; que, par ailleurs, la Commission a retenu à bon droit un abattement pour l'encombrement de la totalité de la surface du lot exproprié par un immeuble insalubre occupé sans droit ni titre par 70 à 80 personnes ; qu'enfin, aucun élément du dossier ne démontre que la contrainte d'urbanisme relative au classement de la façade de l'immeuble pourrait être compensée par des déductions fiscales, limitées dans le temps à trois années consécutives ;
1°/ ALORS QUE les juges du fond ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner tous les éléments de preuve qui leur sont soumis par les parties au soutien de leurs prétentions ; qu'en l'espèce, la société JEAN CHEVAL avait produit aux débats des éléments de comparaison établissant, pour des lots d'une surface identique des prix de 153.700.000 francs CFP (11 mai 2006, lot n°242, 8 a 40 et 3 a 83), 105 millions de francs CFP (15 septembre 2003, lot n°200, 7 a 51 ca) et même, pour un terrain également situé dans le périmètre du centre-ville, de 125 millions de francs CFP (27 septembre 2006, lot n° 246, 7 a 51 ca) ; que dès lors, en affirmant que l'exposante n'aurait produit « aucune pièce tendant à établir le caractère erroné de l'évaluation faite par la Commission, et notamment de l'évaluation de l'are à douze millions de francs CFP », le tribunal a violé l'article 1353 du code civil ;
2°/ ALORS QUE la société JEAN CHEVAL avait fait valoir dans ses écritures qu'elle ne pouvait voir l'indemnité de dépossession réduite du fait de l'occupation sans droit ni titre de « 70 à 80 personnes », alors même que cette situation résultait tout à la fois de la carence de l'Etat qui n'avait jamais voulu prêter son concours à l'exécution d'une décision de justice ordonnant l'expulsion des squatters et de la carence de la commune de NOUMEA dans le service public de l'aide au relogement des familles ; que le tribunal, qui a appliqué la décote sollicitée par l'autorité expropriante sans répondre à ce chef péremptoire des écritures de l'exposante, a entaché son jugement d'un défaut de réponse à conclusions et, partant, violé l'article 455 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 09-70406
Date de la décision : 01/12/2010
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Analyses

EXPROPRIATION POUR CAUSE D'UTILITE PUBLIQUE - Indemnité - Fixation - Procédure - Commission arbitrale d'évaluation de Nouvelle-Calédonie - Récusation d'un membre - Défaut - Violation invoquée en appel de l'article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme - Possibilité (non)

CONVENTION EUROPEENNE DES DROITS DE L'HOMME - Article 6 § 1 - Tribunal - Impartialité - Commission arbitrale d'évaluation de Nouvelle-Calédonie - Récusation d'un membre - Défaut - Portée OUTRE-MER - Nouvelle-Calédonie - Expropriation pour cause d'utilité publique - Procédure - Commission arbitrale d'évaluation de Nouvelle-Calédonie - Récusation d'un membre - Défaut - Violation invoquée en appel du principe de l'impartialité du tribunal - Possibilité (non)

L'exproprié qui n'a pas fait usage devant la commission arbitrale d'évaluation, chargée aux termes des dispositions du titre IV du décret du 16 mai 1938 de fixer le montant des indemnités de dépossession, de la faculté de récusation de l'un de ses membres fondée sur la présence de la même personne dans une précédente commission chargée d'évaluer la même parcelle mais dans le cadre d'une procédure de préemption, ne peut valablement invoquer en appel, devant le tribunal de première instance de Nouméa, la violation des dispositions de l'article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales relatives au principe de l'impartialité du tribunal


Références :

article 32, alinéa 4, du décret du 16 mai 1938

article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales

Décision attaquée : Tribunal de première instance de Nouméa, 17 août 2009

Sur l'irrecevabilité du moyen par lequel une partie invoque, à l'appui d'un pourvoi, la violation de l'article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors qu'elle n'a pas fait usage de la possibilité d'en obtenir le respect en mettant en oeuvre une procédure de récusation, à rapprocher :Ass. plén.,11 juin 2004, pourvoi n° 98-82323, Bull. crim. 2004, Ass. plén., n° 1 (5) (rejet)

arrêt cité ;

1re Civ., 12 décembre 2006, pourvoi n° 05-11945, Bull. 2006, I, n° 543 (1) (cassation partielle), et les arrêts cités


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 01 déc. 2010, pourvoi n°09-70406, Bull. civ. 2010, III, n° 210
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2010, III, n° 210

Composition du Tribunal
Président : M. Lacabarats
Avocat général : M. Petit
Rapporteur ?: Mme Abgrall
Avocat(s) : Me Odent, SCP Barthélemy, Matuchansky et Vexliard

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2010:09.70406
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