LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Donne acte au bâtonnier de l'ordre des avocats au barreau de Paris de son intervention ;
Attendu que M. X...a confié à Mme Y..., avocate, la défense de ses intérêts dans un litige l'opposant à son épouse ; qu'il a décidé ultérieurement de mettre fin à ce mandat ; que Mme Y...a saisi le bâtonnier de son ordre d'une contestation tendant à la fixation de ses honoraires ; que M. X...a formé un recours devant le premier président de la cour d'appel contre la décision du bâtonnier fixant le montant des honoraires dus à Mme Y..., en soulevant à cette occasion une question prioritaire de constitutionnalité portant sur la non-conformité de la décision du bâtonnier au principe d'égalité des citoyens garanti par la Constitution et au principe d'impartialité et d'indépendance également garantis par les traités ratifiés en application de l'article 55 de la Constitution, et sur le fait que l'institution de la procédure de règlement des contestations portant sur les honoraires des avocats a été renvoyée par la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 à un décret en Conseil d'Etat alors que la création d'un nouvel ordre de juridiction relevait de la loi par application de l'article 34 de la Constitution ; que M. X...a formé un pourvoi en cassation contre la décision rendue le 19 novembre 2010 par le premier président ;
Attendu que, par un mémoire distinct et motivé, M. X...pose de nouveau la question de savoir si l'article 53-6° de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques, méconnaît tant le droit à un procès équitable que l'article 34 de la Constitution en tant que le législateur renvoie au pouvoir réglementaire le soin de déterminer la procédure de règlement des contestations concernant le paiement des frais et honoraires d'avocat ;
Attendu que la disposition contestée est applicable au litige, qui concerne une contestation portant sur le montant des honoraires dus par M. X...à Mme Y..., avocate ;
Qu'elle n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution sauf changement des circonstances, dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel ;
Attendu que la question, ne portant pas sur l'interprétation d'une disposition constitutionnelle dont le Conseil constitutionnel n'aurait pas encore eu l'occasion de faire application, n'est pas nouvelle ;
Mais attendu que la question posée invite à examiner si, en adoptant l'article 53-6° de la loi précitée prescrivant que, " dans le respect de l'indépendance de l'avocat, de l'autonomie des conseils de l'ordre et du caractère libéral de la profession, des décrets en Conseil d'Etat précisent, notamment..., la procédure de règlement des contestations concernant le paiement des frais et honoraires des avocats ", le législateur n'a pas méconnu l'étendue de sa compétence au regard de l'article 34 de la Constitution, d'une part, en matière de création d'une juridiction judiciaire nouvelle ou d'un ordre de juridiction judiciaire nouveau, d'autre part, dans le domaine de l'institution des garanties permettant qu'il ne soit pas porté atteinte au respect des principes fondamentaux d'une procédure juste et équitable garantissant l'équilibre des droits des parties et conduite par un juge indépendant et impartial, qui sont des droits ou libertés que la Constitution garantit ;
Attendu que la méconnaissance de l'étendue de ses attributions par le législateur qui délègue sa compétence au pouvoir réglementaire ne peut être invoquée à l'appui d'une question prioritaire de constitutionnalité que dans le cas où est affecté un droit ou une liberté que la Constitution garantit ;
Et attendu qu'en renvoyant à la voie réglementaire, mise en oeuvre sous la forme des articles 174 à 179 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, qui, précisant la procédure de règlement des contestations concernant le paiement et le recouvrement des honoraires des avocats, soumettent l'examen de ces contestations au bâtonnier de l'ordre des avocats du même barreau, élu par ses pairs et investi par la même loi de pouvoirs propres le plaçant dans une situation différente de celle des autres avocats inscrits au tableau, et qui est chargé en cette qualité dans le cadre imposé d'une procédure respectant, fût-ce de manière simplifiée, les principes directeurs du procès propres à la procédure civile judiciaire, de rendre sur la contestation de droits et obligations de caractère civil qu'il tranche, et dans un certain délai imposé qu'il peut proroger pour une durée limitée, une décision pouvant faire l'objet d'un recours devant le premier président de la cour d'appel, le texte contesté pourrait avoir ainsi autorisé la création par voie réglementaire d'une juridiction nouvelle ou d'un ordre de juridiction nouveau dont l'impartialité et l'indépendance sont susceptibles d'être mises en cause, de sorte que les griefs d'inconstitutionnalité de l'article 53-6° de la loi du 31 décembre 1971 pour méconnaissance par le législateur de l'étendue de ses attributions et délégation inconstitutionnelle de sa compétence au pourvoir réglementaire au regard de l'article 34 de la Constitution soulevés par la question ne paraissent pas manifestement dépourvus de caractère sérieux ;
D'où il suit qu'il y a lieu de renvoyer la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil Constitutionnel ;
PAR CES MOTIFS :
RENVOIE au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du premier juillet deux mille onze et signé par M. Loriferne, président, et par Mme Laumône, greffier de chambre qui a assisté au prononcé de l'arrêt.