LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Douai, 29 octobre 2012), qu'après avoir souscrit, le 10 mars 1998, un contrat d'assurance-vie auprès de la société Antarius, Marie-Louise X...a été placée sous sauvegarde de justice le 27 mars 1998 ; que, le 25 septembre suivant, elle a modifié la clause bénéficiaire du contrat en écartant son fils Louis au profit de ses deux filles, Michelle, épouse Y..., et Danielle, épouse Z..., et de ses sept petits-enfants ; qu'ayant été placée sous tutelle le 22 janvier 1999, elle est décédée le 24 mars 1999 en laissant ses trois enfants pour lui succéder en l'état d'un testament authentique du 24 avril 1998 privant son fils de la quotité disponible ; que des difficultés se sont élevées pour le partage de la succession ;
Sur les premier et troisième moyens réunis, ci-après annexés :
Attendu que M. Louis X...fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande en nullité du testament du 24 avril 1998, du contrat d'assurance-vie et de l'avenant du 25 septembre 1998 ;
Attendu que, sous couvert de griefs non fondés de dénaturation et de contradiction de motifs, le premier et le troisième moyen ne tendent qu'à remettre en discussion devant la Cour de cassation l'appréciation souveraine par les juges du fond des preuves soumises à leur examen, par laquelle ils ont estimé que l'insanité d'esprit de Marie-Louise X...n'était pas établie à l'époque de la rédaction de son testament du 24 avril 1998, ni à celle de la transformation du PEP en contrat d'assurance-vie le 10 mars 1998, ni enfin à celle de son avenant du 25 septembre 1998 ; que les moyens ne peuvent être accueillis ;
Sur le deuxième moyen, ci-après annexé :
Attendu que M. Louis X...fait encore grief à l'arrêt de rejeter sa demande de condamnation de Mme Michelle X..., épouse Y..., au rapport à la succession de certaines sommes ;
Attendu que, sous couvert d'un grief non fondé de manque de base légale, le moyen ne tend qu'à remettre en discussion, devant la Cour de cassation, les appréciations par lesquelles les juges du fond qui, après avoir relevé qu'il n'était pas établi que Mme Y...avait géré seule les comptes de sa mère avant le départ de cette dernière en maison de retraite à la fin de l'année 1994, ont souverainement estimé, qu'outre les sommes prélevées à titre de donation rémunératoire, les retraits avaient été opérés pour satisfaire les besoins courants de la défunte et faire des cadeaux d'usage aux enfants de celle-ci et à ses petits-enfants ; qu'il ne saurait donc être accueilli ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. Louis X...aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. Louis X...et le condamne à payer la somme de 3 000 euros à la société Antarius et celle de 3 000 euros à Mme Michelle X...;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre septembre deux mille quatorze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Gadiou et Chevallier, avocat aux Conseils, pour M. Louis X...
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Monsieur X...de ses prétentions, notamment de sa demande en nullité du testament du 24 avril 1998, de l'acte de transformation du contrat PEP NORGARANTI en assurance-vie PEP ANTARIUS et de l'avenant du 25 septembre 1998 ;
AUX MOTIFS QUE le Professeur A..., expert, a conclu son rapport comme suit : ¿ « A partir du début de l'année 1995 Madame X...a présenté des symptômes indicateurs d'un processus débutant de maladie d'Alzheimer liée à un vieillissement pathologique, c'est-à-dire symptomatique de lésions neurodégénératives. Ces symptômes ont d'abord été de type émotionnel comme il est classique (anxiété, chutes que l'on sait symptomatiques d'un état dépressif) puis davantage cognitifs avec des phases de franche confusion mentale. Les notes de la maison de retraite indiquent un état dépressif marqué (prescription d'un antidépresseur en août 1998) avec état confusionnel en août-septembre 1998. Il y a donc lieu de considérer qu'en mars et avril 1998 Madame X...présentait une affection mentale altérant ses facultés de discerner le sens et la portée de ses actes. La date de mars 1998 marquer d'ailleurs la date d'ouverture du processus en vue d'une mesure de protection qui allait être décidée en début 1999 au vu du certificat rédigé en avril 1998 par le Docteur B.... Les symptômes mentionnés dans ce certificat ne se sont pas constitués en quelques jours mais nécessairement en quelques mois. Ils attestent d'une entrave des capacités de jugement et de raisonnement en dehors même de toute phase processuelle telle que celle qui est par exemple décrite dans les notes de la maison de retraite sous forme de confusion mentale dès juillet 1997 où il est écrit : « plus cohérente dans la journée » : on sait que de tels symptômes cognitifs variables sur le nycthémère sont révélateurs de périodes de progression de la maladie d'Alzheimer. On doit ajouter que d'autres symptômes notés dès 1996 prennent a posteriori valeur d'indicateurs, par exemple les manifestations d'opposition (refus d'un examen d'imagerie, de descendre à un repas) ou encore d'incontinence urinaire (tout ceci entre 1995 et 1997) » ; que Monsieur Louis X...déduit du rapport de l'expert que Madame Marie-Louise X...présentait bien une affection mentale altérant ses facultés de discerner le sens et la portée des actes auxquels elle a participé le 24 avril 1998 lors de l'établissement de son testament ; que cependant, l'insanité d'esprit prévue par la loi comme cause de nullité d'un testament s'entend d'une affection mentale suffisamment grave pour priver l'intéressé de sa capacité de discernement et obérer ainsi ses facultés intellectuelles ; que selon l'expert Madame Marie-Louise X...était atteinte en mars avril 1998 d'une maladie d'Alzheimer de stade modéré ; que la maladie d'Alzheimer est une maladie mentale évolutive caractérisée par une dégénérescence progressive des cellules du cerveau ; que l'importance des troubles en résultant dépend du degré d'évolution ; que le stade modéré (intermédiaire entre léger et avancé) qui est le plus long, se caractérise par des difficultés croissantes marquant une augmentation des soins à donner et de l'aide à apporter ; que l'analyse par l'expert des fiches d'observation du personnel soignant de la maison de retraite où Madame X...séjournait depuis fin 1994 montre que ce n'est qu'à partir d'août septembre 1998 qu'il est fait état d'épisodes de confusion ; qu'auparavant il était seulement mentionné des chutes, diarrhées, troubles du contrôle sphinctérien, difficulté à la mobilité qui ne sont pas en eux-mêmes révélateurs d'une atteinte aux facultés de discernement ; que l'expert a rappelé que Madame X...a été capable de se présenter devant le notaire le 24 avril 1998 sans qu'il soit noté quelque altération ou incohérence ; que le Docteur B..., psychiatre, a conclu le 9 février 1998 à l'instauration d'une mesure de curatelle (et non de tutelle) et a justifié l'instauration de cette curatelle par les difficultés relationnelles entre les enfants de Madame X...plus que par l'état psychique de Madame X...; qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments que pas plus devant la Cour que devant le tribunal Monsieur Louis X...n'a apporté la preuve que Madame Marie-Louise X...était atteinte d'insanité d'esprit lors de l'établissement du testament du 24 avril 1998 ; que le jugement sera donc également confirmé en ce qu'il a débouté Monsieur Louis X...de sa demande de nullité de l'acte de transformation du contrat PEP Norgaranti en assurance-vie PEP Antarius le 10 mars 1998 et rejeté sa demande de nullité de l'avenant du 25 septembre 1998 ;
ALORS QUE dans son rapport d'expertise, le Professeur A..., comme le rappelle la Cour d'appel, a indiqué qu'« à partir du début de l'année 1995 Madame X...a présenté des symptômes indicateurs d'un processus débutant de maladie d'Alzheimer liée à un vieillissement pathologique c'est-à-dire symptomatique de lésions neurovégétatives ¿ Il y a donc lieu de considérer qu'en mars et avril 1998 Madame X...présentait une affection mentale altérant ses facultés de discerner le sens et la portée de ses actes » ; qu'en affirmant que « selon l'expert Madame Marie-Louise X...était atteinte en mars avril 1998 d'une maladie d'Alzheimer de stade modéré », la Cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis du rapport susvisé, en violation de l'article 1134 du Code civil.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Monsieur Louis X...de sa demande de condamnation de Madame Michelle Y...à rapporter à la succession des sommes à hauteur de 194 600 francs (29 668, 58 euros) ;
AUX MOTIFS QUE cette somme de 1 000 F par mois accordée par Madame Marie-Louise X...à sa fille Michelle Y...est qualifiée à bon droit par celleci de donation rémunératoire puisqu'elle a pour objet la récompense d'un service rendu ; qu'en effet Madame Y...qui était domiciliée à proximité de la maison de retraite était le seul des trois enfants à pouvoir rendre visite régulièrement à Madame X...; qu'il résulte du certificat du Docteur B..., psychiatre que Madame Y...assurait une présence psychologique fréquente et régulière auprès de sa mère et lui apportait son aide matérielle ; que la somme de 1 000 F (152, 45 ¿) par mois n'est pas excessive par rapport au temps ainsi consacré par Madame Y...à sa mère (distinct des dépenses exposées et comptabilisées par ailleurs) que Madame Marie-Louise X...a vendu son immeuble en 1995 à l'une de ses petites filles pour la somme de 320 000 F, prix conforme à l'évaluation du notaire ; que le fait qu'elle ait fait réaliser des travaux dans l'immeuble à l'occasion de cette vente ne peut être cause d'un rapport à succession par Madame Y...; qu'il en est de même du cadeau de mariage à une petite fille de Madame X...pour 2 200 F, même s'il s'agit « d'un second cadeau de mariage » comme l'affirme Monsieur Louis X...; qu'il n'est pas justifié que les honoraires d'avocat réglés par Madame Y...du vivant de sa mère soient des frais personnels à Madame Y...;
ALORS QUE Monsieur X...faisait valoir, dans ses conclusions d'appel (p. 25 à 27) qu'hormis le montant de 13 600 francs au titre de la réalisation de travaux dans la maison familiale vendue à l'une des filles de Madame Y..., d'un second cadeau de mariage à une petite fille du côté de Madame GLAIS et du paiement d'honoraires de l'avocat personnel de Madame Y..., celle-ci devait encore rapporter à la succession une somme de 181 000 francs, soit 27 593, 27 ¿, au titre des sommes prélevées indûment sur le compte de Madame X...; que pour débouter Monsieur X...de cette demande, la Cour d'appel a considéré que Madame Y...avait pu prélever une somme mensuelle de 1 000 francs constituant une donation rémunératoire depuis 1994 jusqu'au décès de Madame X...survenu le 24 mars 1999, soit une somme avoisinant au mieux 60 000 francs ; qu'elle n'a ainsi pas justifié la régularité des prélèvements effectués à hauteur de 181 000 francs et a privé sa décision de base légale au regard de l'article 843 du Code civil.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Monsieur X...de sa demande en nullité de l'acte de transformation du contrat PEP Norgaranti en assurances vie Antarius PEP et de l'avenant du 25 septembre 1998 ;
AUX MOTIFS QU'en l'absence de preuve de l'insanité d'esprit de Madame Marie-Louise X...lors de l'établissement de l'avenant du 25 septembre 2008 ou de la réunion de conditions d'application de l'article 503 ancien du Code civil et notamment de la condition de notoriété, il convient de confirmer également le jugement en ce qu'il a rejeté la demande de nullité de l'avenant du 25 septembre 1998 ;
ALORS QUE la Cour d'appel a relevé tout à la fois que la preuve n'était pas rapportée de l'insanité d'esprit de Madame Marie-Louise X...lors de l'établissement de l'avenant du 25 septembre 2008 (arrêt, p. 13) et qu'il est fait état pour cette dernière d'épisodes de confusion à partir d'août septembre 1998, révélateurs d'une atteinte aux facultés de discernement (arrêt, p. 8) ; que la Cour d'appel s'est ainsi contredite, en violation de l'article 455 du Code de procédure civile.