AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur les deux moyens réunis pris en leurs diverses branches :
Attendu, selon l'arrêt confirmatif attaqué (Versailles, 17 janvier 2002), que par testament olographe daté du 14 mai 1954, Simone X... a institué pour légataire universelle, au cas de prédécès de ses père et mère, sa cousine germaine Mme Yolande Y..., épouse Z..., sauf le legs particulier fait dans ce cas à son autre cousine, Mme Jeanine Y..., épouse A..., portant sur la moitié de la part qu'elle pourrait avoir dans un terrain situé à Issy-les-Moulineaux ; que Mme X... a hérité de cette part de terrain à la suite du décès de sa mère survenu en 1986 ; que par décision du 28 avril 1987, elle a été placée sous tutelle ; que par acte authentique du 25 avril 1990, le gérant de tutelle, sur autorisation du juge, a vendu le terrain en cause ; que Simone X... étant décédée, le 6 février 1998, Mme A... a assigné sa soeur devant le tribunal de grande instance en délivrance de legs, demandant la remise de la part du prix de vente correspondant à la part de terrain qui lui avait été léguée ;
que la cour d'appel l'a déboutée de ses prétentions, retenant que l'aliénation du bien légué par le gérant de tutelle avait entraîné tout à la fois la révocation et la caducité du legs revendiqué ;
Attendu que Mme A... fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté ses demandes, alors, selon le pourvoi :
1 / que la révocation du legs doit être expresse et suppose une aliénation volontaire par le testateur, si bien qu'en déduisant la révocation du legs de l'aliénation du bien du testateur devenu incapable majeur sur autorisation du juge des tutelles, la cour d'appel a violé l'article 1038 du Code civil ;
2 / que la caducité suppose la survenance d'un événement extérieur à la volonté du testateur si bien qu'en jugeant que la décision du tuteur, qui représente la personne protégée et agit en son nom, d'aliéner le bien légué par le testateur devenu incapable aurait entraîné la caducité du legs, la cour d'appel a violé l'article 1042 du Code civil ;
3 / que la caducité suppose que la chose léguée a totalement péri pendant la vie du testateur si bien qu'en jugeant que la substitution pour la sécurité de l'incapable, d'une valeur de remplacement au bien légué dans le patrimoine de celui-ci, ce qui ne caractériserait aucune perte totale de la chose, aurait entraîné la caducité du legs, la cour d'appel a violé l'article 1042 du Code civil ;
Mais attendu qu'après avoir souverainement relevé que Simone X... avait eu la volonté de léguer à sa cousine "une parcelle d'un terrain dont l'identité était parfaitement désignée", de sorte que le legs portait sur un corps certain si ce bien venait un jour à lui échoir et non sur sa contre-valeur en argent, la cour d'appel, qui constatait que cette parcelle n'existait plus dans le patrimoine de Mme X... au jour de son décès, date à laquelle s'ouvraient les droits de la légataire, en a justement déduit que le legs consenti à celle-ci ne pouvait produire d'effet ; que par ce seul motif et abstraction faite du motif erroné tiré de la révocation du legs dès lors que l'aliénation effectuée par le gérant de tutelle était impropre à faire présumer la volonté de la personne protégée, mais qui est surabondant, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme A... aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de Mme Z... ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente juin deux mille quatre.