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06/06/2024 | FRANCE | N°32400291

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 06 juin 2024, 32400291


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


CIV. 3


JL






COUR DE CASSATION
______________________




Audience publique du 6 juin 2024








Rejet




Mme TEILLER, président






Arrêt n° 291 F-D


Pourvoi n° N 23-10.683








R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E


_________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 6 JUIN 2024


Mme [T] [R], veuve [Z], domiciliée [Adresse 3] (Namibie), a formé le pourvoi n° N 23-10.683 contre l'arrêt rendu le 25 octobre 2022 par la cour d'appel de Versaill...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

JL

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 6 juin 2024

Rejet

Mme TEILLER, président

Arrêt n° 291 F-D

Pourvoi n° N 23-10.683

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 6 JUIN 2024

Mme [T] [R], veuve [Z], domiciliée [Adresse 3] (Namibie), a formé le pourvoi n° N 23-10.683 contre l'arrêt rendu le 25 octobre 2022 par la cour d'appel de Versailles (1re chambre - 1re section), dans le litige l'opposant :

1°/ à Mme [C] [Z], épouse [J] [V], domiciliée [Adresse 1],

2°/ à M. [F] [I],

3°/ à Mme [O] [E], épouse [I],

tous deux domiciliés [Adresse 1],

4°/ à la société Lodier et Bornet, office notarial, société civile professionnelle, dont le siège est [Adresse 2],

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, cinq moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Djikpa, conseiller référendaire, les observations de la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat de Mme [T] [Z], de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société Lodier-Bornet, de Me Brouchot, avocat de Mme [C] [Z], de la SAS Hannotin Avocats, avocat de M. et Mme [I], après débats en l'audience publique du 23 avril 2024 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Djikpa, conseiller référendaire rapporteur, M. Delbano, conseiller doyen, et Mme Letourneur, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 25 octobre 2022), la société des Constructeurs, constituée en 1962 sous la forme d'une société anonyme, avant de devenir une société à responsabilité limitée, puis une société civile immobilière (la SCI), en 1972, est propriétaire d'un immeuble à Paris.

2. Les parts de la SCI sont affectées à des lots de cet immeuble, soumis au statut de la copropriété, et permettent à leurs titulaires de se faire attribuer les lots correspondant en propriété ou en jouissance.

3. Mme [C] [Z], associée de la SCI, souhaitant vendre l'appartement correspondant à ses parts sociales, a fait convoquer une assemblée générale le 21 septembre 2011, par l'intermédiaire de la société civile professionnelle Lodier et Bornet (le notaire), en vue de permettre son retrait partiel, l'attribution de l'appartement en pleine propriété, la constatation de l'achèvement de l'immeuble social et de sa conformité avec l'état descriptif de division, ainsi que l'approbation des comptes définitifs de l'opération de construction.

4. Par acte du 22 février 2012, dressé par le notaire et publié, il a été procédé au retrait partiel de Mme [C] [Z] de la SCI ainsi qu'à l'attribution à celle-ci de l'appartement en pleine propriété, qu'elle a ensuite vendu à M. et Mme [I] le 30 mars 2012.

5. Les 19 et 24 juillet 2018, Mme [T] [Z], associée de la SCI, a assigné Mme [C] [Z], M. et Mme [I], ainsi que le notaire, devant le tribunal de grande instance de Nanterre, notamment en annulation du procès-verbal d'assemblée générale du 21 septembre 2011, de l'acte de retrait partiel de Mme [C] [Z], de la modification des statuts du 22 février 2012 et de l'acte de vente de l'appartement.

Déchéance du pourvoi, soulevée par la défense

6. Il résulte de l'article 978 du code de procédure civile qu'à peine de déchéance du pourvoi, le demandeur en cassation doit, au plus tard dans le délai de quatre mois à compter du pourvoi, remettre au greffe de la Cour de cassation un mémoire contenant les moyens de droit invoqués contre la décision attaquée.

7. Selon l'article 1023 du même code, ce délai est augmenté de deux mois si le demandeur demeure à l'étranger.

8. Le mémoire ampliatif de Mme [T] [Z] a été déposé le 13 juillet 2023, au delà du délai de quatre mois à compter de la déclaration de pourvoi du 16 janvier 2023, mais dans le délai de six mois applicable au demandeur au pourvoi demeurant à l'étranger.

9. Or, il résulte suffisamment des pièces justificatives produites que Mme [T] [Z] est domiciliée en Namibie, que cette adresse n'a pas varié ni été contestée durant l'instance au fond, et qu'elle n'est pas utilement contredite par les éléments versés par M. et Mme [I], dont il résulte seulement qu'elle dispose d'une adresse en France où elle réside régulièrement.

10. Il n'y a pas lieu, dès lors, de constater la déchéance du pourvoi.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

11. Mme [T] [Z] fait grief à l'arrêt de confirmer le jugement, en ce qu'il déclare prescrite son action et la condamne au paiement de dommages-intérêts pour procédure abusive, et de la condamner à des dommages-intérêts pour appel abusif, alors :

« 1°/ que constitue une prétention, l'action en requalification d'une société déterminant l'application d'un régime juridique spécifique opposable aux associés, d'où il suit qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les articles 4 et 954, alinéa 3, du code de procédure civile ;

2°/ que l'action en requalification d'une société ne tend pas au prononcé de sa nullité et n'est donc pas soumise à la prescription triennale de l'article 1844-14 du code civil ; que dans le dispositif de ses conclusions, Mme [T] [Z] demandait à la cour de déclarer son action non prescrite et de juger que la SCI Des Constructeurs revêt la qualité de société civile de droit commun ; d'où il suit qu'en décidant qu' ¿¿à supposer que ce moyen puisse effectivement s'analyser comme une prétention au sens de l'article 4 du code de procédure civile, ne pourrait être combattu que l'acte par lequel celle-ci a revêtu la forme d'une SCI d'attribution, à savoir, selon Mme [T] veuve [Z], les statuts modifiés le 12 février 2012, lesquels ne pouvaient être attaqués eux-mêmes que dans le délai triennal de l'article 1844-14 du code civil'', la cour d'appel a violé ledit article. »

Réponse de la Cour

12. La cour d'appel a exactement retenu, d'une part, qu'en sollicitant du premier juge qu'il dise et juge que la SCI revêtait la qualité de société civile de droit commun, Mme [T] [Z] ne l'avait pas saisi d'une prétention à l'encontre des défendeurs, dont la SCI ne faisait d'ailleurs pas partie, mais seulement d'un moyen au soutien de sa demande d'annulation des différents actes ayant conduit à la vente de l'appartement par Mme [C] [Z], sans effet interruptif sur le cours de la prescription, d'autre part, que ladite demande était soumise à la prescription prévue à l'article 1844-14 du code civil.

13. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le deuxième moyen

Enoncé du moyen

14. Mme [T] [Z] fait grief à l'arrêt de confirmer le jugement en ce qu'il déclare prescrite son action, alors « que dans ses conclusions d'appel, Mme [T] [Z] faisait valoir que des actes ultérieurs, c'est-à-dire l'acte de partage et les statuts déposés au greffe le 26 décembre 2018 étaient entachés de nullité et qu'elle n'avait eu connaissance de ces deux actes que lors de sa convocation à l'assemblée générale du 9 juin 2021 pour le vote de la liquidation de la SCI Des Constructeurs, de sorte qu'il y avait lieu de les annuler ; qu'en ne répondant pas à ce moyen, sur lequel le premier juge n'avait pas statué, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ».

Réponse de la Cour

15. Il résulte de ses dernières conclusions en appel que Mme [T] [Z] demandait l'annulation de l'acte de partage du 18 juin 2018 et des statuts mis à jour, déposés au greffe du tribunal de commerce de Paris le 26 décembre 2018, dont elle précisait n'avoir pas eu connaissance avant la convocation à l'assemblée générale du 9 juin 2021.

16. Sous le couvert d'un défaut de motifs, le moyen dénonce une omission de statuer qui, pouvant être réparée par la procédure prévue à l'article 463 du code de procédure civile, ne donne pas lieu à ouverture à cassation.

17. Le moyen est donc irrecevable.

Sur le troisième moyen

Enoncé du moyen

18. Mme [T] [Z] fait grief à l'arrêt de la condamner à payer une amende civile d'un montant de 10 000 euros, alors « que la cassation qui interviendra du chef de dispositif attaqué par le premier et/ou le deuxième moyen de cassation entraînera par voie de conséquence, en application de l'article 624 du code de procédure civile la cassation du chef de dispositif attaqué par le troisième moyen de cassation ».

Réponse de la Cour

19. La cassation n'étant pas prononcée sur le premier ou le deuxième moyens, le grief, tiré d'une annulation par voie de conséquence, est devenu sans portée.

Sur les quatrième et cinquième moyens, réunis

Enoncé des moyens

20. Par son quatrième moyen, Mme [T] [Z] fait grief à l'arrêt de la condamner à payer une amende civile d'un montant de 10 000 euros, alors « qu'à supposer qu'il soit jugé que le deuxième moyen de cassation reproche à la cour d'appel une omission de statuer, il en résulterait nécessairement que la condamnation prononcée à une amende civile au titre de l'abus du droit d'agir en justice serait privé de base légale, de sorte que la cour d'appel a, dans ce cas, violé l'article 32-1 du code de procédure civile. »

21. Par son cinquième moyen, elle fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à M. et Mme [I], à Mme [C] [Z] et au notaire la somme de 5 000 euros chacun, à titre de dommages-intérêts pour appel abusif, alors « qu'à supposer qu'il soit jugé que le deuxième moyen de cassation reproche à la cour d'appel une omission de statuer, il en résulterait nécessairement que les condamnations prononcées au titre d'un appel abusif seraient privées de base légale, de sorte que la cour d'appel a, dans ce cas, violé les articles 1240 du code civil et 32-1 du code de procédure civile ».

Réponse de la Cour

22. D'une part, la cour d'appel a rappelé qu'après avoir engagé en 2013 une première action qu'elle a laissé périmer, Mme [T] [Z] a saisi une nouvelle fois le tribunal en 2018 dans les mêmes termes, qu'elle n'a pas jugé utile de conclure en défense sur les fins de non-recevoir tirées de la prescription qui lui étaient opposées, qu'elle a interjeté appel en invoquant des moyens inopérants, l'un d'eux reposant sur une erreur de droit grossière, si ce n'est volontaire, et qu'elle a ainsi fait subir aux parties adverses les tracas d'une procédure judiciaire pendant dix ans, empêchant M. et Mme [I] de jouir sereinement de l'appartement qu'ils avaient acquis.

23. Elle en a déduit que Mme [T] [Z] avait abusé de son droit d'agir en justice et avait persisté dans cet abus en interjetant appel, alors qu'elle ne disposait d'aucun moyen sérieux de nature à faire infirmer la décision entreprise.

24. D'autre part, la cour d'appel a fondé la condamnation de Mme [T] [Z] à une amende civile sur ces mêmes errements judiciaires, dont elle a retenu qu'ils constituaient une utilisation dévoyée des moyens du service public de la justice.

25. Ainsi, l'omission de statuer sur des demandes nouvelles formées au cours de l'instance d'appel n'étant pas de nature à remettre en cause les constatations ayant justifié la condamnation de Mme [T] [Z] à des dommages-intérêts pour appel abusif et à une amende civile, les moyens ne sont pas fondés.

Sur les dommages-intérêts pour pourvoi abusif

26. Le pourvoi ne revêtant pas un caractère abusif, il y a lieu de rejeter la demande d'indemnité fondée sur l'article 628 du code de procédure civile, formée par M. et Mme [I].

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Rejette la demande formée par M. et Mme [I] en application de l'article 628 du code de procédure civile ;

Condamne Mme [T] [Z] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par Mme [T] [Z] et la condamne à payer à Mme [C] [Z] la somme de 3 000 euros, à la société civile professionnelle Lodier et Bornet la somme de 3 000 euros et à M. et Mme [I] la somme globale e 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six juin deux mille vingt-quatre.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 32400291
Date de la décision : 06/06/2024
Sens de l'arrêt : Rejet

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 25 octobre 2022


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 06 jui. 2024, pourvoi n°32400291


Composition du Tribunal
Président : Mme Teiller (président)
Avocat(s) : Me Brouchot, SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, SAS Hannotin Avocats, SCP Boutet et Hourdeaux

Origine de la décision
Date de l'import : 18/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2024:32400291
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