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22/05/2008 | FRANCE | N°06-17080

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 22 mai 2008, 06-17080


Attendu que le 3 août 1995, la société des Négoces de la Défense a sollicité le renouvellement du bail commercial qui lui avait été consenti le 16 décembre 1980 par la Société du centre commercial de la défense (SCCD) pour une durée de douze années ; que les 27 octobre et 1er novembre 1995, le bailleur a signifié son refus au preneur, ainsi qu' à la société Bricorama qui avait absorbé la société des Négoces de la Défense suivant acte établi le 20 octobre de la même année avec le concours de la société d' avocats FIDAL ; qu' en décembre 1995, la société Bricorama,

représentée par M. X..., avocat, a assigné en paiement d' une indemnité d' év...

Attendu que le 3 août 1995, la société des Négoces de la Défense a sollicité le renouvellement du bail commercial qui lui avait été consenti le 16 décembre 1980 par la Société du centre commercial de la défense (SCCD) pour une durée de douze années ; que les 27 octobre et 1er novembre 1995, le bailleur a signifié son refus au preneur, ainsi qu' à la société Bricorama qui avait absorbé la société des Négoces de la Défense suivant acte établi le 20 octobre de la même année avec le concours de la société d' avocats FIDAL ; qu' en décembre 1995, la société Bricorama, représentée par M. X..., avocat, a assigné en paiement d' une indemnité d' éviction la SCCD, laquelle a, par acte notifié le 9 décembre 1996, dénié à la société absorbante le bénéfice du statut des baux commerciaux, faute pour celle- ci d' être immatriculée au registre du commerce et des sociétés pour l' exploitation du fonds considéré ; que déboutée de sa demande, puis expulsée des lieux en exécution d' une décision désormais irrévocable (Cass 3ème civ 27 mars 2002 pourvoi n° 00- 21. 685), la société Bricorama a engagé une action en responsabilité contre la FIDAL, laquelle a appelé en garantie la SCCD, ainsi que M. X... ;

Sur le premier moyen, pris en ses quatre branches :
Attendu que la FIDAL reproche à l' arrêt attaqué (Paris, 2 mai 2006) de l' avoir déclarée responsable, alors, selon le moyen :
1° / que dans l' interprétation et l' application de la loi, la création d' une norme jurisprudentielle nouvelle ne peut, comme le revirement, fonder une action en responsabilité qu' à la condition de répondre aux exigences de prévisibilité et de sécurité juridique ; que ne répond pas à cette exigence la règle prétorienne nouvelle d' une immatriculation continue du preneur pendant toute la durée de la procédure en fixation de l' indemnité d' éviction, consacrée en 2002 puis abandonnée en 2004 ; qu' en déclarant inopérants comme applicables aux seuls revirements les moyens tirés de la CEDH et sans incidence l' abandon de la norme jurisprudentielle édictée en 2002 par le revirement de 2004, la cour d' appel a violé le principe de sécurité juridique, l' article 6 § 1 de la CEDH et l' article 1er du protocole additionnel ;
2° / que le professionnel du droit chargé de la défense des intérêts du preneur d' un bail commercial ne peut être jugé fautif pour n' avoir pas réglé sa conduite sur une norme jurisprudentielle qui n' était pas consacrée au moment de son intervention que si cette règle nouvelle était prévisible au regard de la situation concrète de son client ; qu' aucune des décisions de jurisprudence citées par la cour d' appel ne correspondait à la situation du preneur qui, en l' espèce, était immatriculé à la date de sa demande de renouvellement, au moment de l' expiration du bail et à la date du refus de renouvellement ; que rien ne laissait prévoir, en l' état de la jurisprudence citée par la cour d' appel, que la solution adoptée pour le preneur ayant cessé son activité ne serait pas applicable au preneur d' un bail expiré dont le renouvellement a été refusé et qui a poursuivi son activité dans les lieux ; qu' en retenant qu' il était prévisible que le locataire maintenu dans les lieux, sur le fondement de l' article 20 du décret du 30 septembre 1953 devenu l' article L. 145- 28 du code de commerce, aux conditions et clauses du contrat expiré, ne puisse prétendre au paiement d' une indemnité d' éviction que s' il demeure immatriculé au registre du commerce et des sociétés pendant toute la durée de la procédure en fixation de cette indemnité, tandis qu' une telle sanction du défaut d' immatriculation continue n' avait jamais été consacrée par la Cour de cassation à la date à laquelle était intervenue la FIDAL, la cour d' appel a violé le principe de sécurité juridique et l' article 1147 du code civil ;
3° / qu' ayant retenu la responsabilité de la FIDAL pour avoir négligé de procéder aux formalités d' immatriculation nécessitée par l' opération de fusion dans le délai d' un mois imposé par le décret du 30 mai 1984, sans répondre au moyen de la FIDAL qui contestait le lien de causalité entre sa faute et le dommage, faisant valoir que le préjudice invoqué par Bricorama trouvait sa source unique dans l' assignation en paiement de l' indemnité d' éviction délivrée au bailleur en décembre 1995 et janvier 1996, à une période où Bricorama ne pouvait être immatriculée compte tenu du caractère récent de la fusion et qu' ainsi la privation du bénéfice de l' indemnité d' éviction était consommée du seul fait de la rupture dans l' immatriculation continue du preneur au registre du commerce et des sociétés exigée par la Cour de cassation dans son arrêt de 2002, la cour d' appel a méconnu les exigences de l' article 455 du code de procédure civile ;
4° / qu' en appréciant les conséquences pour Bricorama de la faute de la FIDAL pour avoir négligé les exigences du décret de 1984 à l' aune du risque que le loueur délivre un congé avec refus de renouvellement sans indemnité ou revienne sur l' offre d' indemnité d' éviction et en précisant que le bénéfice du statut était subordonné à l' immatriculation au moment du congé, tandis qu' un tel risque était écarté en l' espèce aucun congé n' ayant été délivré par le bailleur puisque le bail était expiré et que le renouvellement sollicité par le preneur avait été refusé, la cour d' appel a statué par des motifs inopérants en méconnaissance de l' article 455 du code de procédure civile ;
Mais attendu, d' abord, qu' ayant constaté, abstraction faite des motifs surabondants critiqués par la quatrième branche, que la FIDAL avait omis de procéder à l' immatriculation de la société Bricorama au registre du commerce et des sociétés dans le délai prévu aux articles 9, 22 et 23 du décret du 30 mai 1984, la cour d' appel a exactement retenu que l' arrêt rendu par la Cour de cassation en 2002, à l' origine de la perte de l' indemnité d' éviction qui était réclamée, n' était ni un revirement, ni même l' expression d' une évolution imprévisible de la jurisprudence de sorte que la société d' avocats n' était pas fondée à s' en prévaloir pour échapper aux conséquences de sa faute ; qu' ensuite, répondant aux conclusions prétendument omises, l' arrêt attaqué énonce que les conditions dans lesquelles l' assignation en paiement de l' indemnité d' éviction avait été délivrée par M. X... n' étaient pas susceptibles d' exonérer la FIDAL de sa responsabilité ; que le moyen, qui manque en fait en sa troisième branche et qui est inopérant en son dernier grief, est mal fondé pour le surplus ;
Et sur le second moyen, pris en ses deux branches, tel qu' énoncé dans le mémoire en demande et annexé au présent arrêt :
Attendu, d' une part, que la cour d' appel a répondu, pour l' écarter, au moyen qui faisait valoir que M. X... était en faute pour avoir fait délivrer hâtivement une assignation en paiement de l' indemnité d' éviction au nom de la société Bricorama non encore immatriculée ; que, d' autre part, elle n' a pas retenu que M. X... était tenu d' intervenir avant le 31 décembre 1995 ; que le moyen manque en fait en ses deux branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la FIDAL aux dépens ;
Vu l' article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la FIDAL et la condamne à payer la somme de 2 500 euros à la société Bricorama, 2 500 euros à la SCCD et 2 500 euros à M. X... ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt- deux mai deux mille huit.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 06-17080
Date de la décision : 22/05/2008
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 02 mai 2006


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 22 mai. 2008, pourvoi n°06-17080


Composition du Tribunal
Président : M. Bargue (président)
Avocat(s) : Me Blondel, SCP Baraduc et Duhamel, SCP Boré et Salve de Bruneton, SCP Defrenois et Levis, SCP Vuitton

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2008:06.17080
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