AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Ordonne la jonction des instances n° K 00-20.065 et n° D 00-18.794 ;
Donne acte à M. X... du désistement de son pourvoi au profit de Mmes Y..., Z..., de M. A..., de Mmes B..., C..., de M. et Mme D..., de MM. E..., F..., de Mmes G..., H..., I..., J..., K..., de MM. Pierre et Charles L..., de Mmes M..., N..., O..., P..., Q..., de M. I..., de Mmes R..., S..., T..., de M. G... et de Mme U... ;
Attendu que la société Consult voyages a organisé un voyage au Cambodge pour un groupe de Français ; qu'au cours d'une excursion sur le fleuve Mékong, la pirogue ayant chaviré, quatre personnes sont décédées par noyade, les autres regagnant la rive ; que les dix-huit survivants et les proches parents des quatre victimes ont fait assigner l'agence de voyages et son assureur, la compagnie Axa assurances, en réparation de leurs préjudices moraux ; que l'arrêt attaqué (Paris, 9 mai 2000) a confirmé, en application de la loi française sur le fondement de la responsabilité contractuelle de l'agence de voyages, la condamnation de ces derniers à réparer le préjudice moral subi par les dix-huit survivants, mais a rejeté l'action des proches parents des quatre personnes décédées, la loi cambodgienne ne reconnaissant pas la réparation de ce préjudice ;
Sur le premier moyen du pourvoi n° K 00-20.065 :
Attendu que le pourvoi fait grief à l'arrêt d'avoir décidé que l'action des proches des victimes avait un fondement quasidélictuel et non contractuel dès lors qu'ils ne bénéficiaient pas d'une stipulation pour autrui explicite ou implicite insérée dans le contrat de voyage, alors, selon le moyen, qu'en exigeant que la stipulation pour autrui tacite qu'ils invoquaient à leur profit ait revêtu un caractère exprès, la cour d'appel a violé les articles 1121, 1122 et 1147 du Code civil ;
Mais attendu que l'arrêt, après avoir énoncé que les demandeurs, victimes par ricochet, n'étaient pas ayants cause de leurs parents décédés, n'agissant ni en qualité de cessionnaires, ni d'héritiers, a exactement décidé qu'ils ne pouvaient pas bénéficier d'une stipulation pour autrui implicite au titre du contrat de voyage, de sorte qu'il était exclu que leur action soit fondée sur la responsabilité contractuelle de l'agence de voyages ; que le moyen ne peut être accueilli ;
Sur le second moyen du pourvoi n° K 00-20.065 et sur le moyen du pourvoi n° D 00-18.794 :
Attendu que les demandeurs font grief à l'arrêt attaqué d'avoir violé les articles 3 et 1382 du Code civil en rejetant leurs demandes de réparation du préjudice moral subi du fait du décès de leur parent, alors, selon le moyen, que, si le fait générateur s'est produit au Cambodge, leur dommage s'est réalisé en France, lieu où ils vivent, de sorte que la loi française était applicable ;
Mais attendu que la loi applicable à la responsabilité extracontractuelle est celle de l'Etat du lieu où le fait dommageable s'est produit ; que ce lieu s'entend aussi bien de celui du fait générateur du dommage que celui du lieu de réalisation de ce dernier ; que s'agissant du préjudice moral subi par les victimes par ricochet, qui est en relation directe avec le fait dommageable et qui trouve sa source dans le dommage causé à la victime, la loi applicable à sa réparation est celle du lieu où ce dommage s'est réalisé et non celui où ce préjudice moral est subi ; que l'arrêt attaqué ayant relevé que le fait générateur du dommage était l'embarquement des passagers à bord d'un bateau instable, doté d'installations inadéquates et d'un barreur inexpérimenté, ce fait s'étant produit au Cambodge, pays où le bateau avait chaviré et celui où le dommage s'était réalisé, en appliquant la loi cambodgienne à la réparation du préjudice des victimes par ricochet, la cour d'appel a fait une exacte application de la règle de conflit de lois ; que les moyens ne sont pas fondés ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE les pourvois ;
Condamne les demandeurs aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette les demandes des parties ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit octobre deux mille trois.