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21/01/2004 | FRANCE | N°03-82225

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 21 janvier 2004, 03-82225


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt et un janvier deux mille quatre, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller PELLETIER, les observations de la société civile professionnelle Le BRET-DESACHE, de la société civile professionnelle NICOLAY et de LANOUVELLE et de Me BOUTHORS, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général FRECHEDE ;

Statuant sur les pourvois formés par :

- X... Nicolas, prévenu

- Y... Géraldine, parti

e civile,

contre l'arrêt de la cour d'appel de RENNES, 3ème chambre, en date du 17 févr...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt et un janvier deux mille quatre, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller PELLETIER, les observations de la société civile professionnelle Le BRET-DESACHE, de la société civile professionnelle NICOLAY et de LANOUVELLE et de Me BOUTHORS, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général FRECHEDE ;

Statuant sur les pourvois formés par :

- X... Nicolas, prévenu

- Y... Géraldine, partie civile,

contre l'arrêt de la cour d'appel de RENNES, 3ème chambre, en date du 17 février 2003, qui, pour refus de se soumettre aux vérifications destinées à établir la preuve de l'état alcoolique, a condamné, le premier, à 1 an d'annulation de son permis de conduire et a débouté, la seconde, de ses demandes ;

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

Vu les mémoires produits en demande et en défense ;

Sur le premier moyen de cassation, proposé pour Géraldine Y..., pris de la violation des articles 121-3, 222-19 du Code pénal, L. 121-1, L. 234-1, L. 234-11, L. 234-13 du Code de la route et 593 du Code de procédure pénale, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a débouté la partie civile de sa demande d'indemnisation, à la suite de l'accident de la circulation routière dont elle a été victime ;

"aux motifs que si, lors de son audition quelque heures après l'accident, Nicolas X... n'a pas formellement démenti être le conducteur, se bornant à admettre devant les enquêteurs qu'il pensait avoir perdu le contrôle de son véhicule, ces aveux peu circonstanciés et passés à l' hôpital le jour même de l'accident, alors qu'il présentait - ainsi qu'en atteste le certificat médical d'admission et les constatations faites par le docteur Z..., relatées dans un certificat médical daté du 14 janvier 2002, une amnésie totale de l'accident et un état de confusion dans la matinée du 16 mars 2001, ne sont pas en soi déterminants de sa responsabilité pénale dans l'accident, qu'il conteste à la lumière des divers témoignages qu'il produit ; qu'il ressort en effet, des éléments produits aux débats, tant devant le tribunal que devant la Cour, que Nicolas X... et Géraldine Y..., se sont rendus ensemble en début de soirée, chez des amis à Briec d'où, après avoir consommé des boissons alcoolisées, ils sont repartis ensemble pour se rendre à Landural, au domicile de Jean-Michel A..., formateur AFPA, chez lequel une soirée amicale réunissait plusieurs stagiaires du centre AFPA ;

qu'au cours du trajet séparant Briec et Landural, les parties, qui ont conservé le souvenir de ce trajet, s'accordent pour reconnaître que Géraldine Y... conduisait le véhicule, celle-ci déclarant qu'elle s'estimait plus apte à conduire que son ami qui avait absorbé des boissons alcoolisées, Nicolas X... déclarant quant à lui, qu'il avait laissé, par amitié, le volant à son amie sur ce parcours ; que cette circonstance, si elle n'est pas de nature à contredire formellement l'hypothèse suivant laquelle Nicolas X... occupait la place du conducteur au moment de l'accident qui s'est produit au cours du trajet retour, permet cependant d'admettre comme vraisemblable l'hypothèse inverse ; qu'à l'exception de cet épisode, Nicolas X... et Géraldine Y... n'ont conservé aucun souvenir précis du trajet retour et des circonstances de leur accident qui est survenu immédiatement après leur départ et à moins d'un kilomètre du domicile de Jean-Michel A..., et l'un et l'autre ont réaffirmé à l'audience qu'ils n'avaient pas conservé souvenir de leur départ du domicile de Jean-Michel A... et qu'ils ignoraient lequel d'entre eux conduisait au moment de l'accident ; qu'or, les constatations médicales établissent que Nicolas X... a été atteint de lésions d'une gravité modérée qui, selon le docteur Z..., constituent un argument en faveur de sa situation de passager, alors que Géraldine Y... a été atteinte de blessures graves dont la localisation et la nature sont davantage un argument en faveur de sa situation de conductrice qui est la situation privilégiée pour créer des lésions dites "appuyées par le volant" avec des conséquences pulmonaires, thoraciques, parfois graves ; que de plus, si la position respective des deux blessés à l'arrivée des pompiers sur les lieux, telle que décrite dans l'attestation qu'ils ont établie ultérieurement, n'est pas déterminante de la place respective de chacun des occupants avant l'accident qui, en raison de la violence du choc, ont été l'un et l'autre éjectés du véhicule, la déclaration des sapeurs pompiers selon laquelle Nicolas X... gisait au milieu de la route et Géraldine Y..., dans le fossé, n'est pas cependant en contradiction avec les constatations faites par les enquêteurs, qui n'ont mentionné, à cet égard, aucune indication sur le croquis de l'état des lieux, et constitue davantage un argument en faveur de la situation de passager de Nicolas X..., dès lors que le véhicule se trouvait sur le toit ; qu'enfin et surtout, la reconnaissance formelle de responsabilité, souscrite par Nicolas X... est contredite par le témoignage précis (et concordant avec les deux attestations de deux stagiaires) de Jean-Michel A..., chez lequel se déroulait la soirée ;

que Jean-Michel A..., après avoir précisé qu'il avait tenté, avec les stagiaires, de dissuader pendant 30 minutes Nicolas X... et son amie de reprendre la route, lesquels se trouvaient au moment de leur départ sous l'empire d'un état alcoolique important qui les rendait l'un et l'autre inaptes à la conduite d'un véhicule - ce que confirme l'accident survenu moins d'un kilomètre après leur départ - a affirmé formellement que Géraldine Y... était installée au volant, tandis que Nicolas X... s'était installé à côté, lorsqu'ils ont quitté le lotissement ;

qu'or, aucun élément ne permet de mettre en doute l'objectivité de ce témoignage et des deux attestations des deux stagiaires ayant pareillement assistés au départ du véhicule ; que ces témoignages, qui sont en concordance avec les constatations médicales et avec la nature et la gravité des blessures dont les occupants ont respectivement été atteints, sont suffisants pour mettre sérieusement en doute la qualité de conducteur et, partant, la reconnaissance par Nicolas X... de sa responsabilité ; que c'est donc avec raison, sur la base de ces éléments, que le tribunal a estimé que la preuve de la culpabilité de Nicolas X... dans le délit de blessures involontaires et la contravention au Code de la route n'étaient pas établis, qu'il a relaxé le prévenu de ce chef ;

"alors que, si les juges apprécient librement la valeur des éléments de preuve qui leur sont soumis, ils ne sauraient, sans se contredire, lorsqu'ils ont constaté la réunion de charges lourdes de culpabilité, affirmer l'existence d'un doute, pour prononcer la relaxe ; qu'il résulte des constatations de l'arrêt attaqué que le prévenu était atteint de lésions d'une gravité modérée lors de l'accident de la circulation routière survenue le 16 mars 2001 à 00 heure 50 minutes ; qu'entendu à l'hôpital le même jour, vers 16 heures, le prévenu n'a pas formellement démenti être le conducteur du véhicule impliqué et déclarait qu'il pensait avoir perdu le contrôle de son véhicule ; qu'en outre, il avait refusé de subir un prélèvement sanguin permettant de procéder à un dépistage d'alcoolémie ; qu'en prononçant cependant la relaxe du prévenu au bénéfice du doute, pour rejeter la demande d'indemnisation formée par la partie civile, au motif que le prévenu était atteint d'une amnésie totale de l'accident et d'un état de confusion dans la matinée du 16 mars 2001 et que, selon un témoignage produit devant le tribunal, l'un de ses amis a affirmé qu'au moment de leur départ de son domicile, la partie civile était installée au volant tandis que le prévenu s'était installé à côté, la cour d'appel a entaché sa décision d'une contradiction de motifs et a méconnu les textes susvisés" ;

Sur le second moyen de cassation, proposé pour Géraldine Y..., pris de la violation des articles 1er, 2, 3, 4 et 5 de la loi du 5 juillet 1985, 121-3 du Code pénal, 470-1 et 593 du Code de procédure pénale, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a débouté la partie civile de sa demande d'indemnisation fondée sur l'article 470-1 du Code de procédure pénale ;

"aux motifs qu'au fond, l'indemnisation des conséquences de l'accident impliquant un seul véhicule, est régie par les dispositions de la loi du 5 juillet 1985 ; que le droit à indemnisation de la victime suppose établie la qualité de conducteur ou de gardien du véhicule impliqué ; qu'il résulte, au contraire, de l'analyse qui précède et qui n'est contredite par aucun élément de preuve contraire, que la qualité de conducteur de Nicolas X... n'est pas démontrée et que Géraldine Y... conduisait et avait en conséquence le contrôle et la garde du véhicule de Nicolas X... au moment de leur départ du domicile de Jean-Michel A... et que l'accident est survenu à 800 mètres après leur départ ; qu'en l'absence de tout élément de preuve permettant d'établir que le propriétaire avait conservé la qualité de conducteur ou de gardien de son véhicule au moment de l'accident, la victime ne peut qu'être déboutée de sa demande d'indemnisation ;

"alors que, conserve la garde du véhicule dont elle est propriétaire, la personne qui en a confié temporairement la conduite à une autre personne et s'est installée à côté d'elle ; qu'il résulte des constatations de l'arrêt attaqué, qu'au moment de leur départ du domicile du témoin qui avait organisé la soirée amicale, c'est la partie civile qui était installée au volant, tandis que le propriétaire du véhicule s'était installé à côté d'elle ; que, dès lors, le prévenu se trouvant à bord du véhicule dont il est propriétaire, en avait nécessairement conservé la garde, les juges du fond n'ayant pas constaté qu'il avait, en accord avec la conductrice, transféré à celle- ci ses pouvoirs d'usage, de contrôle et de direction ; qu'en effet, la seule qualité de conducteur ne saurait conférer, par voie de conséquence, à celui-ci les pouvoirs de contrôle et de garde du véhicule dont le propriétaire était installé à côté de lui lors du trajet au cours duquel l'accident est survenu ; que, par suite, l'arrêt attaqué ne pouvait, sans violer les textes susvisés, retenir que la victime conduisait et avait, en conséquence, le contrôle et la garde du véhicule du prévenu au moment de leur départ et qu'en l'absence de tout élément de preuve permettant d'établir que le propriétaire avait conservé la qualité de conducteur ou de gardien de son véhicule au moment de l'accident, la victime devait être déboutée de sa demande d'indemnisation" ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de Cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, et en répondant aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie, exposé les motifs pour lesquels elle a estimé que la preuve du délit de blessures involontaires et de contravention au Code de la route, n'était pas rapportée à la charge du prévenu, en l'état des éléments soumis à son examen et qu'il n'était pas établi que le propriétaire du véhicule avait conservé la qualité de conducteur ou de gardien au moment de l'accident ; qu'elle a ainsi justifié sa décision déboutant la partie civile de ses prétentions ;

D'où il suit que les moyens, qui se bornent à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne sauraient être admis ;

Sur le moyen unique de cassation, proposé pour Nicolas X..., pris de la violation des articles L. 234-3, L. 234-8 du Code de la route, 121-3, 111-3, 111-4 du Code pénal et 7 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

"en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a déclaré le prévenu coupable du délit de refus de se soumettre aux vérifications tendant à établir l'état alcoolique à la suite d'une infraction ou d'un accident, et l'a condamné à la peine principale d'un an d'annulation de son permis de conduire ;

"aux motifs que "...il incombe à tout conducteur "présumé" impliqué dans un accident, de se soumettre, en vertu de l'article L. 234-3 du Code de la route, aux vérifications de l'état alcoolique et, alors même que sa qualité de conducteur serait contestée ; que le refus opposé par Nicolas X... - et que celui-ci n'a pas expliqué, est constitutif de l'infraction prévue à l'article L. 234-8 du Code de la route, peu important que sa qualité de conducteur soit ultérieurement contredite" ;

"alors que, d'une part, l'article L. 234-8 du Code de la route, sanctionne le refus de l'auteur présumé d'une infraction au Code de la route, ou du "conducteur" (L. 234-3 et L. 234-4), ou encore de "l'auteur présumé de conduite en état d'ivresse manifeste..." (L. 234-6) ; qu'en appliquant la sanction prévue par l'article L. 234-8 du Code de la route au prévenu, au motif qu'il était le "conducteur présumé" du véhicule, circonstance non prévue par ce texte, la cour d'appel a violé les textes précités, ainsi que les principes de la stricte interprétation de la loi pénale et de la légalité des peines et des délits ;

"alors que, d'autre part, le refus de se soumettre aux vérifications de l'imprégnation alcoolique doit être volontaire, en vertu de l'article 121-3 du Code pénal ; que le prévenu ayant été retrouvé allongé sur la chaussée en dehors du véhicule avec de nombreux traumatismes dont un traumatisme cranio-facial et une amnésie totale de l'accident, la cour d'appel ne pouvait lui reprocher de ne s'être pas expliqué sur son refus, sans constater qu'il était en état de comprendre la demande de l'officier de police judiciaire et les conséquences de son refus" ;

Attendu que, pour déclarer le prévenu coupable de refus de se soumettre aux vérifications destinées à établir la preuve de l'état alcoolique, l'arrêt relève qu'après l'accident, un dépistage d'alcoolémie qui s'est avéré positif a été effectué sur Nicolas X..., conducteur présumé du véhicule, et que celui-ci a refusé de subir un prélèvement sanguin ; que les juges prononcent ensuite, par les motifs repris au moyen ;

Attendu qu'en statuant ainsi, dès lors que la qualité de conducteur du véhicule en cause devait s'apprécier au moment du refus de se soumettre aux vérifications prévues par les articles L. 234-4 à L. 234-6 du Code de la route, la cour d'appel, qui a répondu à tous les chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie, a justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen doit être écarté ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE les pourvois ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Cotte président, M. Pelletier conseiller rapporteur, M. Le Gall, Mme Ponroy, M. Arnould, Mme Koering-Joulin, M. Corneloup, Mme Palisse conseillers de la chambre, M. Sassoust, Mme Caron, MM. Lemoine, Chaumont conseillers référendaires ;

Avocat général : M. Fréchède ;

Greffier de chambre : Mme Randouin ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 03-82225
Date de la décision : 21/01/2004
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

CIRCULATION ROUTIERE - Vérifications médicales, cliniques et biologiques - Refus de se soumettre aux vérifications - Infraction préalable - Auteur présumé - Délit constitué.

CIRCULATION ROUTIERE - Vérifications médicales, cliniques et biologiques - Refus de se soumettre aux vérifications - Qualité de conducteur - Appréciation - Moment

Se rend coupable du délit prévu par l'article L. 234-8 du Code de la route celui qui refuse de se soumettre aux vérifications visées par les articles L. 234-4 à L. 234-6, lesquelles sont destinées à établir la preuve de l'état alcoolique. La qualité de conducteur du véhicule en cause doit s'apprécier au moment où est opposé ce refus (1).


Références :

Code de la route L234-8, L234-4 à L234-6

Décision attaquée : Cour d'appel de Rennes, 17 février 2003

CONFER : (1°). (1) Cf. Chambre criminelle, 1982-05-11, Bulletin criminel 1982, n° 119, p. 325 (cassation).


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 21 jan. 2004, pourvoi n°03-82225, Bull. crim. criminel 2004 N° 15 p. 48
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 2004 N° 15 p. 48

Composition du Tribunal
Président : M. Cotte
Avocat général : M. Fréchède.
Rapporteur ?: M. Pelletier.
Avocat(s) : La SCP Le Bret-Desaché, La SCP Nicolay et de Lanouvelle, Me Bouthors.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2004:03.82225
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