Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 1er décembre 2003 et 20 février 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour L'ASSOCIATION DE MEDECINE D'URGENCE DE L'ESTUAIRE DE LA LOIRE (A.M.U.E.L), dont le siège est 3, rue des Naïades à Pornic (44210), représentée par son président en exercice domicilié en cette qualité audit siège ; l'ASSOCIATION DE MEDECINE D'URGENCE DE L'ESTUAIRE DE LA LOIRE (A.M.U.E.L) demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt du 31 juillet 2003 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement du 20 juillet 1998 du tribunal administratif de Nantes en tant que ce jugement l'a condamnée à garantir le centre hospitalier général de Saint-Nazaire des condamnations à verser des indemnités à Mme Eva A, prise en son nom propre et en qualité de représentant légal de ses enfants mineurs, à M. Patrick B et à Mlle Patricia B en réparation des préjudices subis du fait du décès de M. Michel B ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le décret n° 87-1005 du 16 décembre 1987 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Carine Soulay, Maître des Requêtes,
- les observations de Me Le Prado, avocat de l'ASSOCIATION DE MEDECINE D'URGENCE DE L'ESTUAIRE DE LA LOIRE (A.M.U.E.L), de la SCP Boutet, avocat du centre hospitalier général de Saint-Nazaire et de la SCP Delaporte, Briard, Trichet, avocat de la Mme Eva A,
- les conclusions de M. Didier Chauvaux, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par jugement du 20 juillet 1998, le tribunal administratif de Nantes a, d'une part, condamné le centre hospitalier général de Saint-Nazaire à réparer les conséquences dommageables résultant, pour les consorts A - B, du décès de M. Michel B à raison de la faute commise lors du traitement des appels téléphoniques le 12 janvier 1993 par le médecin d'exercice libéral, alors mis à disposition, en qualité de médecin régulateur, du centre de réception et de régulation des appels du service d'aide médicale urgente (S.A.M.U.) de l'estuaire de la Loire par l'ASSOCIATION POUR LA MEDECINE D'URGENCE DE L'ESTUAIRE DE LA LOIRE (A.M.U.E.L.), et qu'il a, d'autre part, condamné l'ASSOCIATION POUR LA MEDECINE D'URGENCE DE L'ESTUAIRE DE LA LOIRE à garantir le centre hospitalier général de Saint-Nazaire de l'intégralité des condamnations prononcées à son encontre à ce titre ; que l'ASSOCIATION POUR LA MEDECINE D'URGENCE DE L'ESTUAIRE DE LA LOIRE demande l'annulation de l'arrêt du 31 juillet 2003 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté sa requête contre le jugement du 20 juillet 1998 en tant que celui-ci l'a condamnée à garantir le centre hospitalier des condamnations prononcées à son encontre ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 711-7 du code de la santé publique, applicable à l'époque des faits : « (...) Les services d'aide médicale urgente comportent un centre de réception et de régulation des appels. Leur fonctionnement peut être assuré, dans des conditions fixées par décret, avec le concours des praticiens non hospitaliers qui en font la demande. Des conventions sont passées à cet effet dans des conditions fixées par décret » ; qu'aux termes de l'article 11 du décret du 16 décembre 1987 alors en vigueur : « Les centres de réception et de régulation des appels permettent, grâce notamment au numéro d'appel unique dont ils sont dotés, de garantir en permanence l'accès immédiat de la population aux soins d'urgence et la participation des médecins d'exercice libéral au dispositif d'aide médicale urgente. La participation de ceux-ci, comme celle des autres intervenants, au dispositif d'aide médicale urgente est déterminée par convention. » ; qu'en vertu de l'article 12 du même décret, cette convention est conclue notamment entre l'établissement de santé où est situé le service d'aide médicale urgente, les instances départementales des organisations nationales représentatives des praticiens qui en ont fait la demande et les associations de médecins ayant pour objet la réponse à l'urgence, qui en ont fait la demande ; qu'aux termes de l'article 13 de ce même décret : « la convention détermine notamment : le plan de financement détaillé du centre de réception et de régulation des appels médicaux, les moyens apportés respectivement par chacune des parties contractantes, les modalités selon lesquelles la réception et la régulation des appels sont organisées conjointement, les modalités de gestion du centre de réception et de régulation des appels médicaux, la durée, les modalités de dénonciation, de révision et de reconduction de l'accord » ;
Considérant qu'en application des dispositions précitées, le centre hospitalier général de Saint-Nazaire, le collège des médecins libéraux de l'ASSOCIATION POUR LA MEDECINE D'URGENCE DE L'ESTUAIRE DE LA LOIRE et la confédération des syndicats médicaux français de la région nazairienne ont conclu le 16 mai 1989 une convention relative à l'organisation et au fonctionnement du centre de réception et de régulation des appels de l'estuaire de la Loire ; qu'aux termes de l'article III-4 de cette convention : « (...) Chaque médecin régulateur déclenche, pour ce qui le concerne et dans la mesure de son appréciation de la situation, l'intervention des moyens qu'il juge appropriés. Il dispose dans le cadre du code de déontologie, d'une autonomie complète concernant les décisions médicales qu'il est amené à prendre. Il en assume, ainsi que la structure publique ou privée dont il relève pour son activité de régulation, l'entière responsabilité » ; qu'aux termes de l'article IV de cette même convention : « (...) le collège des médecins d'exercice libéral de l'ASSOCIATION POUR LA MEDECINE D'URGENCE DE L'ESTUAIRE DE LA LOIRE pourvoit à l'affectation permanente auprès du centre de réception et de régulation des appels d'un médecin d'exercice libéral » ; qu'enfin, aux termes de l'article V de cette même convention : « Le centre hospitalier de Saint-Nazaire et le collège des médecins libéraux de l'ASSOCIATION POUR LA MEDECINE D'URGENCE DE L'ESTUAIRE DE LA LOIRE assument la responsabilité des actes et des décisions du personnel salarié qu'ils mettent à la disposition du centre de réception et de régulation des appels. (...)» ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond, et notamment des stipulations précitées de la convention du 16 mai 1989 relative à l'organisation et au fonctionnement du centre de réception et de régulation des appels de l'estuaire de la Loire, que les médecins mis à la disposition de ce centre de réception et de régulation par le centre hospitalier général de Saint-Nazaire, d'une part, et par l'ASSOCIATION POUR LA MEDECINE D'URGENCE DE L'ESTUAIRE DE LA LOIRE, d'autre part, assument respectivement, conjointement avec celle des deux entités dont ils relèvent au titre de leur activité de régulation, la responsabilité à raison de leurs décisions médicales ; qu'il ressort également des pièces du dossier soumis aux juges du fond que seuls des médecins d'exercice libéral sont affectés par l'ASSOCIATION POUR LA MEDECINE D'URGENCE DE L'ESTUAIRE DE LA LOIRE auprès du centre de réception et de régulation des appels de l'estuaire de la Loire et que les médecins ainsi mis à disposition du centre de réception et de régulation des appels sont rémunérés à la vacation par ladite association ; que par suite, la cour administrative d'appel de Nantes n'a pas dénaturé les pièces du dossier en relevant qu'étaient applicables en l'espèce les stipulations précitées de l'article V de la convention du 16 mai 1989, en vertu desquelles l'ASSOCIATION POUR LA MEDECINE D'URGENCE DE L'ESTUAIRE DE LA LOIRE assume la responsabilité des actes et des décisions du personnel salarié qu'elle met à la disposition du centre de réception et de régulation des appels ; que la cour a pu déduire des stipulations précitées de la convention du 16 mars 1989, sans commettre d'erreur de droit et par un arrêt suffisamment motivé, que ladite association devait garantir le centre hospitalier général de Saint-Nazaire des condamnations prononcées à son encontre au titre de la faute commise par le médecin d'exercice libéral que cette association avait mis à disposition du centre de réception et de régulation des appels du service d'aide médicale urgente (S.A.M.U.) de l'estuaire de la Loire le 12 janvier 1993 en qualité de médecin régulateur, sans avoir à rechercher si celui-ci devait être regardé comme un agent public ou comme un collaborateur occasionnel du service public de l'aide médicale urgente ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond, et notamment des stipulations précitées des articles III-4 et V de la convention du 16 mai 1989, que chaque médecin régulateur dispose, conformément aux exigences du code de déontologie médicale, d'une autonomie complète concernant les décisions médicales qu'il est amené à prendre, et que l'ASSOCIATION POUR LA MEDECINE D'URGENCE DE L'ESTUAIRE DE LA LOIRE assume la responsabilité des actes et des décisions du personnel salarié qu'elle met à la disposition du centre de réception et de régulation des appels ; qu'en jugeant que la responsabilité de ladite association était engagée sur le fondement des stipulations contractuelles précitées tout en relevant que le médecin régulateur à l'origine de la faute ne pouvait être regardé comme son préposé, la cour administrative d'appel n'a pas entaché son arrêt de contradiction de motifs ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'ASSOCIATION POUR LA MEDECINE D'URGENCE DE L'ESTUAIRE DE LA LOIRE n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Nantes du 31 juillet 2003 ;
Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme que demande l'ASSOCIATION POUR LA MEDECINE D'URGENCE DE L'ESTUAIRE DE LA LOIRE au titre des frais exposés et non compris dans les dépens soit mise à la charge du centre hospitalier général de Saint-Nazaire qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ;
Considérant que Mme A, a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que dès lors, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que la SCP Delaporte, Briard et Trichet, avocat de Mme A, renonce à percevoir la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'ASSOCIATION POUR LA MEDECINE D'URGENCE DE L'ESTUAIRE DE LA LOIRE, pour le compte de la SCP Delaporte, Briard et Trichet, la somme de 3 000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
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Article 1er : La requête de l'ASSOCIATION POUR LA MEDECINE D'URGENCE DE L'ESTUAIRE DE LA LOIRE est rejetée.
Article 2 : L'ASSOCIATION POUR LA MEDECINE D'URGENCE DE L'ESTUAIRE DE LA LOIRE versera à la SCP Delaporte, Briard et Trichet, avocat de Mme A, une somme de 3000 euros en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve que cette société renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à l'ASSOCIATION DE MEDECINE D'URGENCE DE L'ESTUAIRE DE LA LOIRE (A.M.U.E.L), à Mme Eva A, à M. Patrick B, à Melle Patricia B, au centre hospitalier général de Saint-Nazaire, au ministre de la santé et des solidarités, à M. Daniel C, à la caisse primaire d'assurance maladie de Saint-Nazaire et au ministre de la santé et des solidarités.