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07/03/2013 | FRANCE | N°12VE00732

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 6ème chambre, 07 mars 2013, 12VE00732


Vu I/ la requête, enregistrée le 8 mars 2012 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, sous le n° 12VE00732, présentée par le PREFET DE L'ESSONNE ; le PREFET DE L'ESSONNE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1105975 en date du 31 janvier 2012 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a annulé son arrêté en date du 26 septembre 2011 par lequel il a refusé de délivrer à Mlle A...un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel elle serait renvoyée ;

2°) de rejeter la d

emande présentée par MlleA... ;

Il soutient que son arrêté est suffisamment moti...

Vu I/ la requête, enregistrée le 8 mars 2012 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, sous le n° 12VE00732, présentée par le PREFET DE L'ESSONNE ; le PREFET DE L'ESSONNE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1105975 en date du 31 janvier 2012 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a annulé son arrêté en date du 26 septembre 2011 par lequel il a refusé de délivrer à Mlle A...un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel elle serait renvoyée ;

2°) de rejeter la demande présentée par MlleA... ;

Il soutient que son arrêté est suffisamment motivé ; que cet arrêté ne contrevient pas aux dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors que la requérante n'établit pas que l'interruption de son traitement entraînerait des conséquences d'une exceptionnelle gravité, ni l'indisponibilité des soins dans son pays d'origine, ni enfin le lien entre ses troubles passés et les risques en cas de retour dans son pays d'origine ; que cet arrêté n'a pas été pris en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que l'exception d'illégalité du titre de séjour à l'encontre de l'obligation de quitter le territoire français doit être écartée ; que la décision fixant le pays de renvoi ne viole pas les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu II/ la requête enregistrée le 29 février 2012 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, sous le n° 12VE04366, présentée par le PREFET DE L'ESSONNE, qui demande à la Cour d'ordonner le sursis à exécution du jugement par lequel le Tribunal administratif de Versailles a annulé son arrêté en date du 26 septembre 2011 par lequel il a refusé de délivrer à Mlle A...un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel elle serait renvoyée, lui a enjoint de délivrer un titre de séjour à l'intéressée, dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement, et a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Le PREFET DE L'ESSONNE soutient qu'il existe un moyen sérieux d'annulation ou de réformation du jugement attaqué et que les conditions de l'article R. 811-15 du code de justice administrative pour l'octroi d'un sursis sont remplies ;

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Vu les autres pièces du dossier, desquelles il ressort que la requête a été communiquée à Mlle A..., qui n'a pas produit d'observations ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 21 février 2013 :

- le rapport de Mlle Rudeaux, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Soyez, rapporteur public ;

1. Considérant que, par une requête enregistrée sous le n° 12VE00732, le PREFET DE L'ESSONNE relève appel du jugement n° 1105975 en date du 31 janvier 2012 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a annulé son arrêté en date du 26 septembre 2011 par lequel il a refusé de délivrer à MlleA..., ressortissante malgache, un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel elle serait renvoyée ; que, par une requête enregistrée sous le n° 12VE04366, le PREFET DE L'ESSONNE demande à la Cour d'ordonner le sursis à exécution du jugement par lequel le Tribunal administratif de Versailles a annulé son arrêté en date du 26 septembre 2011 par lequel il a refusé de délivrer à Mlle A...un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel elle serait renvoyée, lui a enjoint de délivrer un titre de séjour à l'intéressée, dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement, et a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que ces deux requêtes sont dirigées contre un même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour qu'elles fassent l'objet d'un seul arrêt ;

Sur la requête n° 12VE00732 :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) / 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence, ou, à Paris, du médecin, chef du service médical de la préfecture de police. Le médecin de l'agence régionale de santé ou, à Paris, le chef du service médical de la préfecture de police peut convoquer le demandeur pour une consultation médicale devant une commission médicale régionale dont la composition est fixée par décret en Conseil d'Etat. " ;

3. Considérant qu'il ressort de deux certificats médicaux, établis par un médecin psychiatre praticien hospitalier antérieurement à la décision contestée, que Mlle A...indique avoir été victime dans son pays d'une agression à caractère sexuel, présente un état dépressif lié à ce traumatisme, et a des idées suicidaires en relation avec ce syndrome, ainsi que de très nombreux troubles cognitifs et des phénomènes de réminiscence avec pseudo hallucinations ; qu'elle suit un traitement combinant la prise de quatre médicaments, constitués d'anxiolytiques, antidépresseurs et régulateurs d'humeur ; qu'ainsi, contrairement à ce qu'a estimé le médecin de l'agence régionale de santé, Mlle A...suit un traitement dont l'interruption pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité ; que, toutefois, les certificats médicaux précités indiquent que le traitement de l'intéressée ne peut être suivi dans son pays d'origine, sans aucune précision circonstanciée ; qu'en outre, Mlle A... produit un article de presse très général, relatif aux seuls malades mentaux errant dans les rues ; que si elle affirme qu'à Madagascar les personnes dépressives sont assimilées à des malades mentales systématiquement internées, et non traitées dès lors que le pays comporterait seulement deux personnes agrégées en psychiatrie, elle n'assortit ses allégations d'aucun justificatif probant ; que, dans ces conditions, il ne ressort pas des pièces du dossier que Mlle A... ne pourrait suivre un traitement dans son pays d'origine faute de soins disponibles ; que si elle allègue, au soutien de son moyen tiré de la violation de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, qu'un retour dans son pays d'origine est impossible dès lors qu'elle y a subi l'agression à l'origine de ses troubles traumatiques, cette circonstance exceptionnelle, susceptible de justifier la délivrance d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade, n'est pas relevée dans les certificats médicaux produits et n'est dès lors pas établie en l'espèce ;

4. Considérant qu'il y a lieu pour la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens présentés par Mlle A...devant le Tribunal administratif de Versailles ;

5. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 4 de l'arrêté du 8 juillet 1999 relatif aux conditions d'établissement des avis médicaux concernant les étrangers malades prévus à l'article 7-5 du décret n° 46-1574 du 30 juin 1946 modifié : " Le médecin inspecteur de santé publique de la direction départementale des affaires sanitaires et sociales émet un avis précisant:/ - si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; /- si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; /- si l'intéressé peut effectivement ou non bénéficier d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire ; /- et la durée prévisible du traitement. / Il indique, en outre, si l'état de santé de l'étranger lui permet de voyager sans risque vers son pays de renvoi " ; que ces dispositions ont pour objet de permettre au préfet, auquel il incombe de prendre en considération les modalités d'exécution d'une éventuelle mesure d'éloignement dès le stade de l'examen de la demande de titre de séjour présentée sur le fondement des dispositions rappelées ci-dessus du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de disposer d'une information complète sur l'état de santé d'un étranger malade, y compris sur sa capacité à voyager sans risque à destination de son pays d'origine ; que l'absence de l'indication prévue à l'article 4 de l'arrêté du 8 juillet 1999 quant à la possibilité pour un étranger malade de voyager sans risque vers son pays d'origine ne met pas l'autorité préfectorale à même de se prononcer de manière éclairée sur la situation de cet étranger ; que, par suite, sauf s'il ressort des autres éléments du dossier que l'état de santé de l'étranger malade ne suscite pas d'interrogation sur sa capacité à supporter le voyage vers son pays d'origine, l'omission de l'indication en cause entache d'irrégularité la procédure suivie et partant affecte la légalité de l'arrêté pris à sa suite ;

6. Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que l'état dépressif de Mlle A... l'empêcherait de voyager sans risque vers son pays d'origine ; que, par suite, la circonstance que l'avis en date du 4 avril 2011 pris par le médecin de l'agence régionale de santé n'indiquerait pas si l'état de santé de l'intéressée est compatible avec un voyage n'entache pas cet avis d'irrégularité ;

7. Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte de ce qui a été dit précédemment que le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué violerait les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut qu'être écarté ;

8. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : / (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République " et qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;

9. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mlle A...séjourne en France depuis 2002, a été munie de titres de séjour en qualité d'étudiante jusqu'en 2008 et se maintient irrégulièrement sur le territoire national depuis lors ; qu'en outre, elle est célibataire et sans charge de famille, et n'établit pas être dépourvue d'attaches dans son pays d'origine, où vivent ses parents et où elle a vécu jusqu'à l'âge de vingt-quatre ans ; qu'enfin, elle n'allègue pas qu'elle ne pourrait exercer de profession dans son pays d'origine ; qu'il suit de là que, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce et eu égard aux effets d'une obligation de quitter le territoire français, ni le refus de titre de séjour contesté ni l'obligation de quitter le territoire qui a été opposée à Mlle A...ne peuvent être regardés comme ayant porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux motifs ou aux buts de ces deux mesures ou comme étant entachés d'une erreur manifeste d'appréciation ; que, dès lors, l'intéressée n'est pas fondée à soutenir que le PREFET DE L'ESSONNE a méconnu les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

10. Considérant, en quatrième lieu, que, dès lors que les moyens soulevés par Mlle A... contre le refus de séjour sont écartés, cette dernière n'est pas fondée à exciper de l'illégalité de cette décision à l'encontre de celle portant obligation de quitter le territoire français ;

11. Considérant, enfin, qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants " ;

12. Considérant que si Mlle A...soutient que la décision contestée viole les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors qu'un retour dans son pays d'origine est incompatible avec la circonstance qu'elle y a fait l'objet de l'agression à l'origine de ses troubles psychologiques, ses allégations ne sont corroborées par aucune pièce du dossier, notamment pas les certificats médicaux produits ; que, par suite, son moyen doit être écarté ;

13. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mlle A...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par arrêté du 26 septembre 2011, le PREFET DE L'ESSONNE a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel elle serait renvoyée ; que, par suite, ses conclusions aux fins d'injonction sous astreinte ainsi que celles qu'elle a présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative en première instance et devant la Cour ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur la requête n° 12VE04366 :

14. Considérant que le présent arrêt statuant sur la requête du PREFET DE L'ESSONNE à fin d'annulation du jugement dont il est demandé le sursis à exécution, la requête à fin de sursis à exécution de ce même jugement est devenue sans objet ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1105975 du Tribunal administratif de Versailles en date du 31 janvier 2012 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par Mlle A...devant le Tribunal administratif de Versailles et ses conclusions devant la Cour sont rejetées.

Article 3 : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 12VE04366.

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N°s 12VE00732-12VE04366


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 12VE00732
Date de la décision : 07/03/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. GAYET
Rapporteur ?: Melle Sandrine RUDEAUX
Rapporteur public ?: M. SOYEZ
Avocat(s) : KINTA ; KINTA ; KINTA

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2013-03-07;12ve00732 ?
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