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25/04/2023 | FRANCE | N°21BX02986

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre, 25 avril 2023, 21BX02986


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de La Réunion d'annuler la décision du 4 juillet 2019 par laquelle la ministre du travail de l'emploi et de l'insertion a autorisé son licenciement.

Par un jugement n° 1901228 du 10 mai 2021, le tribunal administratif de La Réunion a fait droit à sa demande.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête, enregistrée le 13 juillet 2021 sous le n° 21BX02986, la ministre du travail de l'emploi et de l'insertion, demande à la cour : r>
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de La Réunion du 10 mai 2021 ;

2°) de r...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de La Réunion d'annuler la décision du 4 juillet 2019 par laquelle la ministre du travail de l'emploi et de l'insertion a autorisé son licenciement.

Par un jugement n° 1901228 du 10 mai 2021, le tribunal administratif de La Réunion a fait droit à sa demande.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête, enregistrée le 13 juillet 2021 sous le n° 21BX02986, la ministre du travail de l'emploi et de l'insertion, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de La Réunion du 10 mai 2021 ;

2°) de rejeter la requête de première instance de Mme B... ;

Elle soutient que le tribunal a entaché son jugement d'une erreur de droit en affirmant que le délai de cinq jours prévu par l'article L.1232-2 du code du travail commençait à courir à la date du retrait du pli recommandé contenant sa convocation à l'entretien préalable au licenciement.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 4 novembre 2021 et le 31 mars 2022, Mme A... B..., représentée par Me Iève, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge du centre d'hémodialyse MG - Durieux et de l'Etat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- à titre principal, ainsi que l'a retenu le tribunal le délai de cinq jours ouvrables prévu par l'article L. 1232-2 du code du travail a été méconnu, la privant d'une garantie substantielle ;

- à titre subsidiaire, la décision contestée est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'un vice de forme dès lors qu'elle ne mentionne pas l'article R. 4624-31 du code du travail ;

- la décision de la ministre est entachée d'une erreur d'appréciation dès lors qu'il a mal interprété l'avis de la médecine du travail la déclarant inapte à son poste d'aide-soignante mais pas à tout poste ; son employeur n'a pas satisfait à son obligation de reclassement ; l'étude de poste réalisée par le médecin du travail est erronée ; son employeur n'a pas procédé à une recherche sérieuse de reclassement au sein du groupe ; l'information des délégués du personnel a été insuffisante ;

- l'employeur n'a pas suivi les recommandations du médecin du travail, mentionnées dès 2013, quant aux restrictions liées au port de charges.

Par des mémoires, enregistrés le 7 février 2022 et le 15 avril 2022 (non communiqué), le centre d'hémodialyse MG - Durieux, représenté par Me Blum, conclut à l'annulation du jugement attaqué, au rejet de la demande de Mme B... et à ce que la somme de 2 500 euros soit mise à la charge de cette dernière en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- contrairement à ce qu'a retenu le tribunal, le délai de cinq jours ouvrables prévu par l'article L. 1232-2 du code du travail a été respecté ;

- aucun des autres moyens soulevés par Mme B... à l'encontre de la décision en litige n'est fondé.

II. Par une requête et des mémoires, enregistrés sous le n° 21BX03023, le 20 juillet 2021 et le 3 décembre 2021 et le 15 avril 2022 (non communiqué), le Centre d'hémodialyse -MG Durieux, représenté par Me Blum demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de La Réunion du 10 mai 2021 ;

2°) de rejeter la requête de première instance de Mme B... ;

3°) de mettre à la charge de Mme B... une somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les dépens.

Il soutient que :

- contrairement à ce qu'a retenu le tribunal, le délai de cinq jours ouvrables prévu par l'article L. 1232-2 du code du travail a été respecté ;

- aucun des autres moyens soulevés par Mme B... à l'encontre de la décision en litige n'est fondé.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 4 novembre 2021 et le 31 mars 2022, Mme B..., représentée par Me Ieve conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge du centre d'hémodialyse MG - Durieux sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- à titre principal, ainsi que l'a retenu le tribunal le délai de cinq jours ouvrables prévu par l'article L. 1232-2 du code du travail a été méconnu, la privant d'une garantie substantielle ;

- à titre subsidiaire, la décision contestée est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'un vice de forme dès lors qu'elle ne mentionne pas l'article R. 4624-31 du code du travail ;

- la décision de la ministre est entachée d'une erreur d'appréciation dès lors que cette dernière a mal interprété l'avis de la médecine du travail la déclarant inapte à son poste d'aide-soignante mais pas à tout poste ; son employeur n'a pas satisfait à son obligation de reclassement ; l'étude de poste réalisée par le médecin du travail est erronée ; son employeur n'a pas procédé à une recherche sérieuse de reclassement au sein du groupe ; l'information des délégués du personnel a été insuffisante ;

- l'employeur n'a pas suivi les recommandations du médecin du travail, mentionnées dès 2013 quant aux restrictions liées au port de charges.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C... D...,

- les conclusions de Mme Florence Madelaigue, rapporteure publique,

- et les observations de Me Blüm représentant le centre d'hémodialyse MG -Durieux.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... B... a été recrutée par le Centre d'hémodialyse - MG Durieux par contrat à durée indéterminée le 16 août 2012 comme aide-soignante. Elle a été élue déléguée du personnel titulaire le 15 décembre 2013 puis a démissionné de ce mandat à compter du 31 août 2015. Victime d'un accident du travail le 24 février 2015 puis d'une rechute de cet accident le 11 août 2015, son employeur l'a licenciée pour inaptitude physique le 24 février 2016 après avoir obtenu l'autorisation de l'inspecteur du travail le 15 février 2016. Par une décision du 23 août 2016, la ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, saisie d'un recours hiérarchique par Mme B..., a annulé la décision de l'inspecteur du travail puis considéré qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur la demande d'autorisation de licenciement, au motif que l'intéressée ne bénéficiait plus de la protection liée à ses mandats.

2. Par un jugement n° 1601127 du 17 décembre 2018, devenu définitif, le tribunal administratif de La Réunion a annulé l'article 3 de cette décision par lequel la ministre s'était déclarée incompétente pour se prononcer sur la demande d'autorisation de licenciement de Mme B.... En exécution de ce jugement, la ministre du travail a, par une décision du 4 juillet 2019, autorisé le licenciement de Mme B.... Par un nouveau jugement du 10 mai 2021, le tribunal administratif de La Réunion a annulé cette décision.

3. Par deux requêtes distinctes enregistrées sous les n° 21BX02986 et 21BX03023 qu'il convient de joindre dès lors qu'elles concernent un même jugement, la ministre du travail de l'emploi et de l'insertion et le Centre d'hémodialyse - MG Durieux relèvent appel de ce jugement dont ils demandent l'annulation.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

4. Aux termes de l'article L. 1232-2 du code du travail : " L'employeur qui envisage de licencier un salarié le convoque, avant toute décision, à un entretien préalable. /La convocation est effectuée par lettre recommandée ou par lettre remise en main propre contre décharge. Cette lettre indique l'objet de la convocation. / L'entretien préalable ne peut avoir lieu moins de cinq jours ouvrables après la présentation de la lettre recommandée ou la remise en main propre de la lettre de convocation ". Le respect de ce délai constitue une garantie pour le salarié afin de préparer sa défense. La méconnaissance de cette formalité substantielle, qui vicie la procédure de licenciement, est de nature à fonder un refus d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé.

5. Il ressort des pièces du dossier que la lettre de convocation à l'entretien préalable du au licenciement, prévu le mercredi 7 octobre 2015, a été postée le 29 septembre 2015 et que Mme B..., absente, en a été avisée le mercredi 30 septembre 2015 (et non le " 30.10 ", comme mentionné sur l'avis par une simple erreur de plume), date de présentation de la lettre à son domicile par le facteur. Quand la salariée retire le pli, ce qui a été le cas en l'espèce, le délai de cinq jours ouvrables mentionné à l'article L. 1232-2 du code du travail court, non pas à compter de la date de présentation de la lettre par le facteur mais à compter de la date à laquelle l'intéressée a effectivement récupéré ce courrier. En l'espèce, la convocation ayant été notifiée à Mme B... le vendredi 2 octobre 2015, date à laquelle celle-ci a retiré le pli, le délai de cinq jours ouvrables a été méconnu.

6. Il en résulte que le tribunal, en se fondant sur le motif tiré de la méconnaissance du délai prévu à l'article L. 1232-2 du code du travail, a pu à bon droit annuler la décision autorisant le licenciement de Mme B....

7. Il résulte de tout ce qui précède que la ministre du travail de l'emploi et de l'insertion et le centre d'hémodialyse -MG Durieux ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de La Réunion a annulé la décision du 4 juillet 2019 en litige.

Sur les frais liés à l'instance :

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme B..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande le centre d'hémodialyse MG - Durieux au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat et du Centre d'hémodialyse MG - Durieux une somme de 750 euros chacun à verser à Mme B... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. En l'absence de dépens, les conclusions présentées par le centre d'hémodialyse MG - Durieux tendant au paiement de ces frais ne peuvent qu'être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : Les requêtes n° 21BX02986 et n° 21BX03023 de la ministre du travail de l'emploi et de l'insertion et du centre d'hémodialyse MG - Durieux sont rejetées.

Article 2 : L'Etat et le centre d'hémodialyse MG - Durieux verseront chacun une somme de 750 euros à Mme B... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion, à Mme A... B... et au centre d'hémodialyse MG - Durieux.

Délibéré après l'audience du 3 avril 2023 à laquelle siégeaient :

Mme Florence Demurger, présidente,

M. Frédéric Faïck, président-assesseur,

Mme Caroline Gaillard, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 25 avril 2023.

La rapporteure,

Caroline D...

La présidente,

Florence DemurgerLa greffière,

Catherine Jussy

La République mande et ordonne au préfet de la Réunion en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N°s 21BX02986, 21BX03023


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 21BX02986
Date de la décision : 25/04/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme DEMURGER
Rapporteur ?: Mme Caroline GAILLARD
Rapporteur public ?: Mme MADELAIGUE
Avocat(s) : IEVE;IEVE;IEVE

Origine de la décision
Date de l'import : 30/04/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2023-04-25;21bx02986 ?
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