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26/11/2009 | FRANCE | N°07LY01503

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre - formation à 3, 26 novembre 2009, 07LY01503


Vu la requête, enregistrée le 17 juillet 2007, présentée pour M. Serge A, dont le domicile est ..., M. Zaki B, dont le domicile est ..., et la société de fait A-B, dont le siège est ... ;

Les requérants demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0600994 en date du 16 mai 2007 par lequel le Tribunal administratif de Dijon a rejeté leur demande tendant à la condamnation de la commune de Sens à leur verser la somme de 1 650 474,11 euros ;

2°) de condamner la commune de Sens à leur verser la somme de 1 650 474,11 euros avec les intérêts au taux léga

l à compter du 14 décembre 2000 ;

3°) de condamner la commune de Sens à leur verser...

Vu la requête, enregistrée le 17 juillet 2007, présentée pour M. Serge A, dont le domicile est ..., M. Zaki B, dont le domicile est ..., et la société de fait A-B, dont le siège est ... ;

Les requérants demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0600994 en date du 16 mai 2007 par lequel le Tribunal administratif de Dijon a rejeté leur demande tendant à la condamnation de la commune de Sens à leur verser la somme de 1 650 474,11 euros ;

2°) de condamner la commune de Sens à leur verser la somme de 1 650 474,11 euros avec les intérêts au taux légal à compter du 14 décembre 2000 ;

3°) de condamner la commune de Sens à leur verser la somme de 20 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Ils soutiennent que la non réalisation de l'opération immobilière qu'ils projetaient à Sens ne leur est pas imputable ; que la péremption du permis de construire dont ils étaient bénéficiaires est également imputable à la commune de Sens qui ne les en a pas prévenus ; que la commune de Sens a reconnu sa responsabilité dans le protocole qu'elle a signé le 14 décembre 2000 et qui a été approuvé ultérieurement par le conseil municipal ; que ce protocole, qui prévoyait l'échange sans soulte d'un terrain de grande valeur en centre-ville avec une surface de 25 000 m² n'ayant de valeur que si le projet commercial voisin prévu voyait le jour, était parfaitement licite et conforme à l'intérêt général ; que la commune ne peut s'exonérer de ses obligations en prétextant qu'elle est dans l'impossibilité d'exécuter ce qui était prévu ; que c'est à tort que les premiers juges ont estimé que la commune n'avait pas commis de faute à l'occasion de la procédure de permis de construire ; que c'est à tort que les premiers juges ont estimé que le protocole signé constituait une libéralité de la part de la ville de Sens alors qu'ils cédaient un terrain évalué à 1 200 000 francs par les domaines et sur lequel avaient été réalisés des travaux d'un montant de 1 396 118 francs contre une parcelle devant être évaluée en 1999 à 100 000 francs ; que c'est à tort que les premiers juges ont estimé qu'ils devaient supporter la moitié des conséquences dommageables de la procédure de permis de construire en raison de leurs prétendues imprudences et fautes alors qu'ils ne sont pas des professionnels de l'immobilier ; que ce sont au contraire les fautes de la commune dans la signature de l'arrêté du 2 juillet 1998 et dans l'échec de la réalisation d'une zone commerciale et dans l'implantation d'une grande surface qui sont à l'origine de leur préjudice ; que c'est à tort que les premiers juges ont estimé que la transaction ne comportait pas de concessions réciproques ; que la commune est à l'origine de l'échec de la condition suspensive d'implantation d'une surface commerciale alors que plusieurs avenants successifs lui ont permis d'exécuter ses obligations ; qu'il y avait dès lors lieu d'appliquer la clause pénale prévue dès le 14 décembre 2000 ; que la responsabilité de la commune est engagée sur les fondements contractuel et extracontractuel, notamment sur le fondement de l'enrichissement sans cause ; que subsidiairement la responsabilité de la commune est engagée sur le fondement de la faute ; que leur sont dues au titre des remboursements de travaux, les sommes de 23 581,28 euros, de 65 111,90 euros et de 115 338,63 euros, dépenses utiles à la commune compte tenu de la procédure d'expropriation engagée en 2006 ; que leur est due au titre des pertes d'exploitations la somme de 626 646,30 euros ; que leur est due au titre des pénalités la somme de 609 796 euros correspondant à quatre pénalités d'un montant de 152 449 euros, que leur est due la somme de 105 000 euros au titre de l'utilisation du terrain ; que leur préjudice moral s'élève à 75 000 euros ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu, enregistré le 18 mai 2009, le mémoire en défense présenté pour la commune de Sens, représentée par son maire en exercice ; elle conclut au rejet de la requête et à la condamnation des requérants à lui verser la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; elle fait valoir que les conclusions fondées sur la responsabilité contractuelle doivent être rejetées en raison de la nullité du protocole transactionnel et de ses avenants du fait de la libéralité qu'elle a consentie en admettant à tort sa responsabilité, en prévoyant des droits et obligations au seul bénéfice des requérants, en acceptant des clauses léonines et en surestimant le terrain apporté en échange par les requérants ; que le protocole transactionnel est devenu caduc en raison de la non réalisation de la condition suspensive de la convention initiale et de celle prévue par les avenants des 8 juillet 2002 et 3 juillet 2003 résultant d'une cause extérieure aux parties ; que l'inexécution du protocole ne lui est pas imputable ; que les conclusions fondées sur la responsabilité extracontractuelle doivent être rejetées comme fondées sur deux causes juridiques nouvelles en appel alors que la nullité du protocole avait déjà été opposée par la commune en première instance ; que la nullité d'un contrat n'ouvre la possibilité d'une action fondée sur l'enrichissement sans cause qu'en fonction de la nature des obligations qu'il contient, lesquelles avaient en l'espèce pour seule conséquence la restitution du terrain qui fut décidée par arrêté du 21 décembre 2005 ; que la nullité du contrat n'a pu, eu égard à sa date de conclusion, entraîner aucun enrichissement sans cause résultant de dépenses qui lui auraient été utiles ; qu'en outre, rien n'empêchait les requérants d'agir contre elle en raison de l'occupation sans droit ni titre de leur terrain ; que le moyen tiré de la responsabilité pour faute du fait de l'illégalité de l'arrêté du 5 octobre 1998 est inopérant en l'absence de lien de causalité avec le prétendu préjudice ; que, subsidiairement, le même moyen n'est pas fondé, la nullité du contrat ne résultant pas de la faute de la commune mais d'une erreur commune des parties ; que le préjudice en résultant ne saurait excéder 76 224,51 euros ; que la demande fondée sur l'illégalité fautive de l'arrêté du maire du 5 octobre 1998 est prescrite en application des articles 1 et 2 de la loi du 31 décembre 1968 en l'absence d'acte interruptif de prescription entre le 31 décembre 2002 et le 31 décembre 2004 ; que les fautes et les imprudences des requérants, professionnels de l'immobilier qui ne pouvaient ignorer l'illégalité de l'arrêté du 5 octobre 1998, exonèrent la commune de toute responsabilité ; que les requérants n'apportent pas la preuve des préjudices allégués ;

Vu, enregistré le 27 mai 1998, le nouveau mémoire présenté pour les requérants, qui concluent aux mêmes fins que précédemment par les mêmes moyens et en outre par le moyen que la requête est fondée à titre principal sur la responsabilité contractuelle et à titre subsidiaire sur la responsabilité extracontractuelle, et que ce fondement est recevable pour la première fois en appel ;

Vu l'ordonnance du 8 avril 2009 portant clôture de l'instruction au 27 mai 2009 ;

Vu l'ordonnance du 28 mai 2009 portant réouverture de l'instruction ;

Vu, enregistrés le 12 juin 2009, les nouveaux mémoires présentés pour les requérants, qui concluent aux mêmes fins que précédemment par les mêmes moyens ;

Vu, enregistré le 26 octobre 2009, le nouveau mémoire présenté pour la commune de Sens, qui conclut aux mêmes fins que précédemment par les mêmes moyens et en outre par le moyen que les requérants n'apportent aucune justification sur le montant du préjudice résultant de l'exploitation du parking municipal ; que le produit net de cette exploitation a été de 7 530 euros par an, soit de 37 650 euros pour cinq ans ;

Vu, enregistré le 30 octobre 2009, le nouveau mémoire présenté pour MM. A et B et la société de fait A-B, qui concluent aux mêmes fins que précédemment par les mêmes moyens ; ils soutiennent en outre que, dans l'hypothèse la plus pessimiste, le produit net de l'exploitation du parking a dû être de 62 030 euros par an, soit plus de 300 000 euros pour cinq ans ; qu'à titre subsidiaire ils ne seraient pas opposés à une mesure d'expertise sur ce point ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu le code civil ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 5 novembre 2009 :

- le rapport de M. du Besset, président,

- les observations de Me Jobelot, avocat de MM. A et B et de la société de fait A-B, et de Me Rignault, avocat de la commune de Sens,

- les conclusions de Mme Gondouin, rapporteur public,

la parole ayant été de nouveau donnée à Me Jobelot et à Me Rignault ;

Vu la note en délibéré enregistrée le 13 novembre 2009, présentée pour MM. A et B et la société de fait A-B ;

Considérant que MM. A et B ont acquis, le 4 novembre 1979, un ensemble immobilier à Sens ; que, le 3 avril 1995, ils ont déposé une demande de permis de construire en vue de la réalisation de trois bâtiments ; que, par arrêtés des 10 août 1995 et 25 avril 1996, le maire de Sens leur a délivré respectivement ce permis de construire et un permis modificatif, assortis de prescriptions particulières ; que, par un courrier du 23 juin 1997, les requérants ont demandé une prorogation de leur permis de construire pour une durée de trois mois en joignant, dans le même courrier, une déclaration d'ouverture de chantier ; que le maire de Sens les a alors informés qu'il n'était pas nécessaire de proroger le permis de construire dès lors qu'ils avaient déposé une déclaration d'ouverture de chantier ; que, le 2 juillet 1998, le maire de Sens a pris un arrêté constatant que, en l'absence de travaux, les permis de construire des 10 août 1995 et 25 avril 1996 étaient périmés ; qu'à la suite d'un recours gracieux exercé par les intéressés le 28 juillet 1998, le maire de Sens a décidé, par un arrêté pris le 5 octobre 1998, d'abroger l'arrêté du 2 juillet 1998, au regard de l'engagement des consorts A-B de commencer le chantier le 30 septembre 1998 ; que, saisi par des tiers d'un recours dirigé contre cet arrêté du 5 octobre 1998, le Tribunal administratif de Dijon, après en avoir ordonné le sursis à exécution par jugement du 20 avril 1999, l'a annulé par jugement du 15 juin 2000, devenu définitif, au motif que le permis de construire du 10 août 1995 était déjà périmé lorsque le maire de Sens l'avait constaté par l'arrêté du 2 juillet 1998 et qu'il ne pouvait donc pas, comme il l'avait fait, abroger cet arrêté sans méconnaître cette réalité ; que MM. A et B n'ont pas déposé de nouvelle demande de permis de construire après la notification de ce jugement du 15 juin 2000 ; que toutefois en vue de l'indemnisation du préjudice que MM. A et B et la société de fait A-B estimaient avoir subi, la commune de Sens a passé avec eux un protocole d'accord le 14 décembre 2000, conclu jusqu'au 30 juin 2002, puis prorogé jusqu'au 31 décembre 2003 par deux avenants des 8 juillet 2002 et 3 juillet 2003 ; que, par la suite, les parties n'ont pu se mettre d'accord pour conclure un nouvel avenant au contrat ; qu'au cours des années 2004 et 2005, les requérants ont mis à plusieurs reprises le maire de Sens en demeure de respecter ses engagements contractuels ; qu'une tentative de conciliation a été engagée devant le Tribunal administratif de Dijon à la fin de l'année 2005, à la demande de la commune de Sens et avec l'accord de MM. A et B, mais n'a pas abouti ; que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Dijon a rejeté la demande de MM. A et B et de la société de fait A-B tendant à la condamnation de la commune de Sens à leur verser la somme de 1 650 474,11 euros en réparation du préjudice résultant pour eux de l'inexécution du protocole du 14 décembre 2000 ;

Sur la recevabilité de la demande de première instance :

Considérant qu'aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : Sauf en matière de travaux publics, la juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée (...) ; qu'aux termes de l'article R. 421-2 du même code : Sauf disposition législative ou réglementaire contraire, le silence gardé pendant plus de deux mois sur une réclamation par l'autorité compétente vaut décision de rejet. Les intéressés disposent, pour se pourvoir contre cette décision implicite, d'un délai de deux mois à compter du jour de l'expiration de la période mentionnée au premier alinéa (...) ; qu'aux termes de l'article R. 421-3 du même code : Toutefois, l'intéressé n'est forclos qu'après un délai de deux mois à compter du jour de la notification d'une décision expresse de rejet : 1° En matière de plein contentieux (...) ;

Considérant, d'une part, que si la commune soutient que la décision du 27 février 2006 rejetant la réclamation serait purement confirmative des rejets opposés aux demandes antérieures des 30 novembre 2004, 7 et 31 janvier 3005, il résulte de l'instruction que ces demandes n'ont fait l'objet que de décisions implicites de rejet ; que, dès lors, s'agissant de plein contentieux, seule la notification de la décision expresse du 27 février 2006, prise sur demande du 30 janvier 2006, a fait courir le délai ; que les demandeurs ayant saisi le Tribunal administratif dans le délai de deux mois à compter de la notification de cette décision du 27 février 2006, la commune n'est pas fondée à soutenir que leur demande serait tardive ;

Considérant, d'autre part, que les demandes préalables des 7 janvier 2005 et 30 janvier 2006, par lesquelles les requérants ont sollicité la réparation du préjudice résultant de l'inexécution du protocole du 14 décembre 2000, étaient formulées avec une précision suffisante pour qu'elles puissent être examinées, étant d'ailleurs chiffrées de manière détaillée ; qu'ainsi les requérants ont pu saisir régulièrement le tribunal administratif au regard des dispositions précitées de l'article R. 421-1 du code de justice administrative ;

Sur le droit à indemnité :

Considérant qu'en vertu de l'article 2052 du code civil, le contrat de transaction, par lequel les parties terminent une contestation née ou préviennent une contestation à naître, a entre ces parties l'autorité de la chose jugée en dernier ressort ; qu'il est exécutoire de plein droit, sans qu'y fassent obstacle, notamment, les règles de la comptabilité publique ; que toutefois une transaction peut être déclarée nulle lorsqu'elle est dépourvue de cause ou qu'elle est fondée sur une cause qui, en raison de l'objet de cette convention ou du but poursuivi par les parties, présente un caractère illicite ; que sous réserve que la transaction ait pour objet le règlement ou la prévention de litiges pour le jugement desquels la juridiction administrative serait compétente, le juge saisi de conclusions tendant à l'exécution de cette transaction vérifie que les parties consentent effectivement à la transaction, que l'objet de cette transaction est licite, qu'elle ne constitue pas de la part de la collectivité publique intéressée une libéralité et qu'elle ne méconnaît pas d'autres règles d'ordre public ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment de l'examen du protocole du 14 décembre 2000 que celui-ci avait pour objet la réparation du préjudice subi par les requérants du fait de l'illégalité de l'arrêté du 5 octobre 1998, par lequel le maire de Sens était revenu sur la constatation, par son arrêté du 2 juillet précédent, de la péremption du permis de construire dont ils avaient bénéficié ; que cependant, alors que les requérants n'invoquent aucun fait de l'administration qui aurait été de nature à les empêcher d'entreprendre les constructions projetées, leur permis de construire ne s'est trouvé périmé que parce qu'ils n'avaient pas effectivement ouvert le chantier dans le délai de deux ans prévu par les dispositions alors applicables de l'article R. 421-32 du code de l'urbanisme ; que, contrairement à ce qu'ils soutiennent, la commune de Sens n'a commis aucune faute en ne les alertant pas sur la nécessité de respecter ce délai ; que, si, en prenant illégalement l'arrêté du 5 octobre 1998, le maire a commis une faute de nature à engager la responsabilité de la commune de Sens, les requérants, professionnels de l'immobilier, qui ne pouvaient ignorer ni que la péremption de leur permis de construire était définitivement acquise sans qu'il fût besoin pour le maire de la constater par l'arrêté du 2 juillet 1998, ni, partant, que l'arrêté du 5 octobre 1998 était entaché d'illégalité, ont eux-mêmes commis une faute en exécutant des travaux sur le fondement de cet arrêté illégal ; que cette faute exonère totalement la commune de Sens de sa responsabilité ; qu'ainsi, la commune de Sens n'étant pas responsable du préjudice aux fins de réparation duquel a été passé le protocole du 14 décembre 2000, celui-ci était dépourvu de cause ; qu'étant, pour ce motif, entaché de nullité, ce protocole n'a pu faire naître d'obligation entre les parties, de sorte que les requérants ne peuvent ni en demander l'exécution ni demander la réparation du préjudice résultant pour eux de ce qu'il n'a pas été exécuté ;

Considérant toutefois que le contractant dont le contrat est entaché de nullité peut prétendre, sur un terrain quasi contractuel, au remboursement de celles de ses dépenses qui ont été utiles à la collectivité envers laquelle il s'était engagé ; que les fautes éventuellement commises par l'intéressé antérieurement à la signature du contrat sont sans incidence sur son droit à indemnisation au titre de l'enrichissement sans cause de la collectivité, sauf si le contrat a été obtenu dans des conditions de nature à vicier le consentement de l'administration, ce qui fait obstacle à l'exercice d'une telle action ; que dans le cas où la nullité du contrat résulte d'une faute de l'administration, le cocontractant peut en outre, sous réserve du partage de responsabilité découlant le cas échéant de ses propres fautes, prétendre à la réparation du dommage imputable à la faute de l'administration ; qu'à ce titre il peut demander le paiement des sommes correspondant aux autres dépenses exposées par lui pour l'exécution du contrat et aux gains dont il a été effectivement privé par sa nullité, notamment du bénéfice auquel il pouvait prétendre, si toutefois l'indemnité à laquelle il a droit sur un terrain quasi contractuel ne lui assure pas déjà une rémunération supérieure à celle que l'exécution du contrat lui aurait procurée ; que, contrairement à ce que soutient la commune de Sens, de tels fondements peuvent être présentés pour la première fois en appel alors même que l'exception de nullité du contrat était déjà invoquée en première instance ;

Considérant que les requérants n'établissent ni que les dépenses qu'ils indiquent avoir engagées ont été utiles pour la commune de Sens ni, en tout état de cause, qu'ils ont subi un préjudice moral ;

Considérant toutefois que le protocole du 14 décembre 2000 prévoyait que le terrain des requérants serait mis immédiatement à la disposition de la commune de Sens en vue de la création d'un parking public et qu'il résulte de l'instruction que celle-ci l'a effectivement exploité en tant que tel jusqu'au 3 janvier 2006 ; qu'en exploitant ce terrain la commune s'est enrichie au prix d'un appauvrissement corrélatif des requérants ; que, dès lors, ceux-ci sont fondés à demander une indemnisation à ce titre ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que le terrain concerné était d'une superficie de 1 152 m², permettant ainsi le stationnement d'environ cinquante véhicules ; que compte tenu de la possibilité d'une exploitation payante sept heures par jour et deux cent quatre-vingt-huit jours par an, avec une occupation moyenne de 50 % et un prix moyen horaire de 0,50 euros, les recettes brutes potentielles peuvent être évaluées, sur la période en cause, d'une durée de cinq ans, à 126 000 euros, permettant ainsi, compte tenu du coût d'exploitation, évalué par la commune à 2 470 euros par an, un résultat de 113 650 euros sur la période ; que si la commune de Sens fait valoir que ses recettes n'auraient été en moyenne que de 10 000 euros par an, il résulte de l'instruction qu'elle avait mis en place un système d'horodateurs qui ne permettait pas un contrôle continu du paiement de leur stationnement par les usagers ; que, dans ces conditions, les requérants n'ont pas fait une évaluation exagérée de leur préjudice en demandant au titre de l'utilisation de leur terrain par la commune la somme de 105 000 euros ; que, dès lors, il y a lieu de faire droit à leur demande sur ce point ;

Considérant que si la commune de Sens a commis une faute en signant une transaction dépourvue de cause, les requérants ont eux-mêmes commis une grave faute en se prêtant à la conclusion d'une transaction dont, compte tenu de leur expérience de professionnels de l'immobilier et de leur responsabilité dans la caducité du permis dont ils étaient titulaires, ils ne pouvaient ignorer l'illégalité ; que cette faute constitue la seule cause directe du préjudice subi par les requérants à raison de la perte du bénéfice attendu de la transaction ; que les requérants ne sont ainsi pas fondés à demander l'indemnisation d'un tel préjudice, nonobstant la faute de la collectivité ;

Sur les intérêts et les intérêts des intérêts :

Considérant, d'une part, que lorsqu'ils ont été demandés, et quelle que soit la date de cette demande, les intérêts moratoires dus en application de l'article 1153 du code civil courent à compter du jour où la demande de paiement du principal est parvenue au débiteur ou, en l'absence d'une telle demande préalablement à la saisine du juge, à compter du jour de cette saisine ; que, par suite, les requérants ont droit aux intérêts au taux légal afférents à la somme de 105 000 euros à compter du 10 janvier 2005, date de réception de la lettre du 7 janvier 2005 par laquelle ils ont demandé réparation à la commune de Sens ;

Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 1154 du code civil : Les intérêts échus des capitaux peuvent produire des intérêts, ou par une demande judiciaire, ou par une convention spéciale, pourvu que, soit dans la demande, soit dans la convention, il s'agisse d'intérêts dus au moins pour une année entière ; que pour l'application des dispositions précitées la capitalisation des intérêts peut être demandée à tout moment devant le juge du fond ; que cette demande prend toutefois effet au plus tôt à la date à laquelle elle est enregistrée et pourvu qu'à cette date il s'agisse d'intérêts dus au moins pour une année entière ; que, le cas échéant, la capitalisation s'accomplit à nouveau à l'expiration de chaque échéance annuelle ultérieure sans qu'il soit besoin de formuler une nouvelle demande ; que la capitalisation des intérêts a été demandée par les requérants pour la première fois en appel le 27 mai 2009 ; qu'à cette date, il était dû au moins une année d'intérêts ; que, dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, il y a lieu de faire droit à cette demande ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précèdent que les requérants sont fondés à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Dijon a rejeté leur demande et à demander que la commune de Sens soit condamnée à leur verser la somme de 105 000 euros assortie des intérêts capitalisés dans les conditions indiquées ci-dessus ;

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que les frais d'instance exposés par la commune de Sens et non compris dans les dépens soient mis à la charge des requérants qui ne sont pas partie perdante dans la présente instance ; qu'en application des mêmes dispositions et dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la commune de Sens, partie perdante, une somme de 2 000 euros au titre des frais d'instance exposés par les requérants et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Dijon du 16 mai 2007 est annulé.

Article 2 : La commune de Sens est condamnée à verser à MM. A et B et à la société de fait A-B, ensemble, la somme de 105 000 euros. Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 10 janvier 2005. Les intérêts échus à la date du 27 mai 2009 seront capitalisés pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 3 : La commune de Sens versera à MM. A et B et à la société de fait A-B, ensemble, une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de MM. A et B et de la société de fait A-B est rejeté.

Article 5 : Les conclusions présentées par la commune de Sens au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. Serge A, à M. Zaki B, à la société de fait A-B, à la commune de Sens et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.

Délibéré après l'audience du 5 novembre 2009 à laquelle siégeaient :

M. du Besset, président de chambre,

Mme Chalhoub, président-assesseur,

M. Arbarétaz, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 26 novembre 2009.

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N° 07LY01503

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 07LY01503
Date de la décision : 26/11/2009
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. du BESSET
Rapporteur ?: M. François BOURRACHOT
Rapporteur public ?: Mme GONDOUIN
Avocat(s) : FREMAUX BAULT STUCKER

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2009-11-26;07ly01503 ?
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