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06/07/2011 | FRANCE | N°09PA04167

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 9ème chambre, 06 juillet 2011, 09PA04167


Vu, I sous le n° 09PA04167, la requête, enregistrée par télécopie le 8 juillet 2009 et régularisée le 10 juillet 2009, présentée pour M. Vincent A, demeurant ..., par Me Chapron ; M. A demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement n° 0403688/2 et n° 0513164/2 du 12 mai 2009 en tant que le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande de décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu, des contributions sociales ainsi que des pénalités y afférentes auxquelles

M. Jean A a été assujetti au titre de l'année 1998 en conséquence de l'op

ration de donation de 1398 actions de la société GLN ;

2°) de prononcer la décharg...

Vu, I sous le n° 09PA04167, la requête, enregistrée par télécopie le 8 juillet 2009 et régularisée le 10 juillet 2009, présentée pour M. Vincent A, demeurant ..., par Me Chapron ; M. A demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement n° 0403688/2 et n° 0513164/2 du 12 mai 2009 en tant que le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande de décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu, des contributions sociales ainsi que des pénalités y afférentes auxquelles

M. Jean A a été assujetti au titre de l'année 1998 en conséquence de l'opération de donation de 1398 actions de la société GLN ;

2°) de prononcer la décharge des impositions contestées et des pénalités y afférentes ;

3°) de décider qu'il sera sursis au paiement des impositions ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 25 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

.........................................................................................................................

Vu, II, sous le n° 09PA05545, le recours enregistré par télécopie le 7 septembre 2009 et régularisé le 9 septembre 2009, présenté par le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS, DE LA FONCTION PUBLIQUE, ET DE LA REFORME DE L'ETAT ; le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS, DE LA FONCTION PUBLIQUE ET DE LA REFORME DE L'ETAT demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement n° 0403688/2 et n° 0513164/2 du 12 mai 2009 en tant que le Tribunal administratif de Paris a prononcé la décharge du complément d'impôt sur le revenu auquel M. B a été soumis au titre de l'année 1998, résultant de l'opération d'apport de 5 561 actions de la société GLN ;

2°) de remettre ladite imposition à la charge de M. B ;

3°) de remettre à la charge de M. B, à titre principal, la pénalité d'abus de droit aux taux de 80 % prévue à l'article 1729 du code général des impôts, à titre subsidiaire ou infiniment subsidiaire, la pénalité de 80% pour manoeuvres frauduleuses ou la pénalité de 40 % exclusive de bonne foi prévues au même texte ;

.........................................................................................................................

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 16 juin 2011 :

- le rapport de Mme Samson, rapporteur,

- et les conclusions de Mme Bernard, rapporteur public ;

Considérant que la requête de M. A et le recours du MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS, DE LA FONCTION PUBLIQUE ET DE LA REFORME DE L'ETAT sont relatifs au même jugement ; qu'il y a lieu de les joindre pour y statuer par le même arrêt ;

Sur la requête de M. A :

Considérant que, par acte du 30 mars 1998, M. A a donné à ses enfants la nue-propriété de 1 398 actions de la société Groupe Le Blanc de Nicolaÿ (GLN) ; que cette donation a été soumise à la condition suspensive de la vente de ces actions avant le 31 janvier 1999 à la société AON, à peine de caducité ; que ladite condition ayant été réalisée le 15 mai 1998, la donation est devenue définitive le 15 juin suivant ; que l'administration a estimé que la donation susmentionnée dissimulait la cession par M. A des titres dont la nue-propriété avait été donnée et que la plus-value sur ces titres avait été minorée au travers d'un montage à but exclusivement fiscal consistant à faire acquitter par ses enfants la plus-value sur les titres cédés en retenant comme prix d'acquisition des actions la valeur vénale des titres retenue pour le calcul des droits d'enregistrement lors de la mutation à titre gratuit ; que le service a, en conséquence, sur le fondement des dispositions de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales, écarté cette donation et soumis à l'impôt sur les plus-values visé à l'article 92 J du code général des impôts la cession des titres par M. A au groupe AON ; que M. A relève appel du jugement du 12 mai 2009 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à obtenir la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu et des contributions sociales, ainsi que des pénalités y afférentes en résultant ;

Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 92 B du code général des impôts alors en vigueur : I. Sont considérés comme des bénéfices non commerciaux, les gains nets retirés des cessions à titre onéreux, effectuées directement ou par personne interposée, de valeurs mobilières (...) lorsque le montant de ces cessions excède, par foyer fiscal, 150 000 francs par an (...) ; qu'aux termes de l'article 160 du même code : I. Lorsqu'un associé, actionnaire, commanditaire ou porteur de parts bénéficiaires cède à un tiers, pendant la durée de la société, tout ou partie de ses droits sociaux, l'excédent du prix de cession sur le prix d'acquisition (...) de ces droits est taxé exclusivement à l'impôt sur le revenu au taux de 16 % (...) ; qu'aux termes de l'article 92 J du même code Les dispositions des articles 92 B et 92 B decies s'appliquent aux gains nets retirés des cessions de droits sociaux réalisées par les personnes visées au I de l'article 160 lorsque la condition prévue à la première phrase du deuxième alinéa de cet article n'est pas remplie (...) ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction alors applicable : Ne peuvent être opposés à l'administration des impôts les actes qui dissimulent la portée véritable d'un contrat ou d'une convention à l'aide de clauses : a) Qui donnent ouverture à des droits d'enregistrement ou à une taxe de publicité foncière moins élevés ; b) Ou qui déguisent soit une réalisation, soit un transfert de bénéfices ou de revenus ; c) Ou qui permettent d'éviter, en totalité ou en partie, le paiement des taxes sur le chiffre d'affaires correspondant aux opérations effectuées en exécution d'un contrat ou d'une convention. L'administration est en droit de restituer son véritable caractère à l'opération litigieuse. (...). ; qu'il résulte de ces dispositions que lorsque l'administration use des pouvoirs que lui confère ce texte dans des conditions telles que la charge de la preuve lui incombe, elle est fondée à écarter comme ne lui étant pas opposables certains actes passés par le contribuable dès lors qu'elle établit que ces actes ont un caractère fictif, ou bien, à défaut, recherchent le bénéfice d'une application littérale des textes à l'encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs et n'ont pu être inspirés par aucun motif autre que celui d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que l'intéressé, s'il n'avait pas passé ces actes, aurait normalement supportées eu égard à sa situation et à ses activités réelles ; que l'administration fiscale apporte cette preuve par la production de tous éléments suffisamment précis attestant du caractère fictif des actes en cause ou de l'intention du contribuable d'éluder ou d'atténuer ses charges fiscales normales ; que dans l'hypothèse où l'administration s'acquitte de cette obligation, il incombe ensuite au contribuable, s'il s'y croit fondé, d'apporter la preuve de la réalité des actes contestés ou de ce que l'opération litigieuse est justifiée par un motif autre que celui d'éluder ou d'atténuer ses charges fiscales normales ;

Considérant que l'administration fait valoir, sans être contestée, que dès le mois de février 1998, le Groupe Leblanc de Nicolaÿ (GLN) avait l'intention de céder ses actions au groupe AON ; que M. A ne pouvait donc ignorer, au moment où il a consenti, le 30 mars 1998, la donation à ses enfants de la nue-propriété de 1 398 actions qu'il détenait au sein de la société GLN, le projet de cession des actions en cause, lequel s'est concrétisé par une promesse de cession le 3 avril 1998, soit 4 jours seulement après l'acte de donation litigieux ; que contrairement à ce que soutient M. A, la condition suspensive de la vente de ces actions avant le 31 janvier 1999 à la société AON, à peine de caducité, dont était affectée la donation, rendait, jusqu'à sa réalisation, les droits des donataires incertains et précaires dès lors que, préalablement à la levée de cette condition, le donateur avait conservé ses droits de nu-propriétaire des titres dans l'hypothèse où la cession de la nue-propriété de ces titres ne serait pas intervenue dans les conditions qu'il avait fixées ; que, la donation a pris effet à la réalisation de la condition suspensive, soit le 15 mai 1998 ; qu'ainsi, les donataires ne pouvaient exercer leurs prérogatives qu'après cette date ; que si le requérant soutient que par lettre du 15 mai 1998, la société AON a indiqué renoncer aux conditions suspensives, il résulte de l'instruction que cette renonciation n'est que partielle et porte sur l'acquisition préalable de toutes les autorisations administratives nécessaires et la remise des rapports des commissaires aux comptes et que cette lettre fixe le rendez-vous pour la réalisation de la cession au même jour, le 15 mai 1998 ; que, dans ces conditions, cette circonstance ne permet pas de considérer que les donataires ont exercé pleinement leurs prérogatives résultant de la donation ;

Considérant que l'administration, qui ne remet pas en cause la réalité de l'acte de donation, établit que M. A, en consentant cette donation assortie de la clause suspensive susmentionnée dans l'hypothèse où la vente des titres n'aurait pu avoir lieu, n'avait pas l'intention de donner la nue-propriété des 1 398 actions à des fins de transmission et de conservation dans le patrimoine de ses enfants, mais a eu pour seul motif d'éviter que la plus-value résultant de la cession des actions soit soumise à l'impôt sur le revenu sur le fondement de l'article 92 J du code général des impôts ; que, dès lors, c'est à bon droit que l'administration a considéré que la donation litigieuse avait porté, non sur les titres de la société GLN, mais sur le produit de leur cession et a, en conséquence, sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales, écarté cette donation et taxé la plus-value de cession de la nue-propriété des titres dans les conditions sus-décrites entre les mains du donateur ;

Considérant, que M. A ne saurait utilement faire valoir que l'administration a abandonné le redressement notifié à un autre membre de sa famille en qualité de donateur partie à la même transaction, dès lors qu'il s'agit d'un contribuable distinct ;

En ce qui concerne les pénalités :

Considérant qu'aux termes de l'article 1729 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à l'année 1998 : 1. Lorsque la déclaration ou l'acte mentionnés à l'article 1728 font apparaître une base d'imposition ou des éléments servant à la liquidation de l'impôt insuffisants, inexacts ou incomplets, le montant des droits mis à la charge du contribuable est assorti de l'intérêt de retard visé à l'article 1727 et d'une majoration de 40 % si la mauvaise foi de l'intéressé est établie ou de 80 % s'il s'est rendu coupable de manoeuvres frauduleuses ou d'abus de droit au sens de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales (...) 3. En cas d'abus de droit, l'intérêt de retard et la majoration sont à la charge de toutes les parties à l'acte ou à la convention qui sont solidairement tenues à leur paiement ;

Considérant que le V de l'article 35 de la loi de finances rectificative pour 2008 a substitué aux dispositions de l 'article 1729 du code général des impôts, les dispositions suivantes : Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : (...) / b. 80 % en cas d'abus de droit au sens de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales ; elle est ramenée à 40 % lorsqu'il n'est pas établi que le contribuable a eu l'initiative principale du ou des actes constitutifs de l'abus de droit ou en a été le principal bénéficiaire (...) ; qu'il appartient au juge de l'impôt, lorsqu'il détermine la loi applicable à la pénalité contestée devant lui, d'appliquer, en vertu du principe de nécessité des peines issu de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, aux agissements commis avant leur entrée en vigueur et n'ayant pas donné lieu à des décisions passées en force de chose jugée, les dispositions les moins sévères ;

Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article 1729 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable en 1998, que le taux de 80 % de la majoration pour abus de droit est applicable au contribuable s'il est partie à l'acte constitutif de l'abus de droit ; que, cependant, en application des dispositions du V de l'article 35 de la loi de finances rectificative pour 2005, le taux de 80 % n'est applicable que si l'administration fiscale établit que le contribuable a eu l'initiative principale du ou des actes constitutifs de l'abus de droit ou en a été le principal bénéficiaire ;

Considérant que M. B était partie aux actes constituant le montage ci-dessus exposé ; que par ailleurs, il est établi qu'il en a été l'instigateur principal ; que par suite, l'administration fiscale a pu, à bon droit, mettre à sa charge la majoration pour abus de droit au taux de 80 % aux termes de la notification de redressement du 7 décembre 2001 suffisamment motivée ;

En ce qui concerne les conclusions tendant au sursis de paiement des impositions litigieuses :

Considérant qu'en vertu des dispositions des articles L. 277 et suivants du livre des procédures fiscales, le sursis de paiement accordé par l'administration fiscale n'a de portée que pendant la durée de l'instruction de la réclamation et de l'instance devant le tribunal administratif ; qu'en dehors de la procédure du référé fiscal prévue aux article L. 552-1 et suivants du code de justice administrative, aucune demande relative au sursis de paiement ne peut être accueillie par le juge de l'impôt et qu'aucune disposition légale n'a prévu une procédure de sursis de paiement pendant la durée de l'instance devant la cour administrative d'appel ; qu'en tout état de cause, le présent arrêt réglant le litige au fond, la demande de sursis de paiement ne peut être que rejetée comme dénuée d'objet ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande de décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu, des contributions sociales ainsi que des pénalités y afférentes auxquelles M. Jean A a été assujetti au titre de l'année 1998 en conséquence de l'opération de donation de 1398 actions de la société GLN ; que, par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur le recours du MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS, DE LA FONCTION PUBLIQUE ET DE LA REFORME DE L'ETAT :

En ce qui concerne la prescription :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales dans sa rédaction applicable à l'espèce : Pour l'impôt sur le revenu et l'impôt sur les sociétés, le droit de reprise de l'administration des impôts s'exerce, sauf application de l'article L. 168 A, jusqu'à la fin de la troisième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due et qu'aux termes de l'article L. 189 du même livre : La prescription est interrompue par la notification d'une proposition de redressement, par la déclaration ou la notification d'un procès-verbal, de même que par tout acte comportant reconnaissance de la part des contribuables et par tous les autres actes interruptifs de droit commun ; que l'administration a adressé le 17 décembre 2001 à M. B une notification de redressement portant sur l'année 1998, avant l'expiration du délai de reprise qui intervenait le 31 décembre 2001 ; que le pli contenant cette notification a été présenté à M. B le 21 décembre 2001, qui en a accusé réception, et a donc régulièrement interrompu la prescription ; que le tribunal n'était pas tenu de répondre à ce moyen dès lors qu'il a prononcé, par le jugement attaqué, la décharge de ce chef de redressement ;

En ce qui concerne l'opération d'apport de 5561 actions de la société GLN :

Considérant, d'une part, qu'aux termes du 4 du I ter de l'article 160 du code général des impôts, applicable aux impositions en litige : L'imposition de la plus-value réalisée à compter du 1er janvier 1991 en cas d'échange de droits sociaux résultant d'une opération de fusion, scission ou d'apport de titres à une société soumise à l'impôt sur les sociétés peut être reportée dans les conditions prévues au II de l'article 92 B ; qu'aux termes du II de l'article 92 B du même code, alors en vigueur : 1. A compter du 1er janvier 1992 ou du 1er janvier 1991 pour les apports de titres à une société passible de l'impôt sur les sociétés, l'imposition de la plus-value réalisée en cas d'échange de titres résultant d'une opération d'offre publique, de fusion, de scission, d' absorption d'un fonds commun de placement par une société d'investissement à capital variable réalisée conformément à la réglementation en vigueur ou d'un apport de titres à une société soumise à l'impôt sur les sociétés, peut être reportée au moment où s'opérera la cession, le rachat, le remboursement ou l'annulation des titres reçus lors de l'échange. (... ) ;

Considérant que, lorsque l'administration entend remettre en cause les conséquences fiscales d'une opération qui s'est traduite par un report d'imposition, au motif que les actes passés par le contribuable ne lui sont pas opposables, elle est fondée à se prévaloir des dispositions précitées de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales ; qu'en effet, une telle opération, dont l'intérêt fiscal est de différer l'imposition, entre dans le champ d'application de cet article, dès lors qu'elle a nécessairement pour effet de minorer l'assiette de l'année au titre de laquelle l'impôt est normalement dû à raison de la situation et des activités réelles du contribuable ; que c'est par suite à tort que le tribunal administratif a jugé que le fait pour un contribuable de placer et de maintenir, sous le régime du report d'imposition prévu à l'article 92 B II du code général des impôts, une plus-value réalisée à l'occasion d'un apport de droits sociaux ne déguisait par lui-même, ni une réalisation, ni un transfert de bénéfices ou de revenus au sens du b) de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales ; que, dès lors, le ministre est fondé à demander l'annulation du jugement du Tribunal administratif de Paris dans cette mesure ;

Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. B devant le Tribunal et devant la Cour ;

Considérant que le placement en report d'imposition d'une plus-value réalisée par un contribuable, lors de l'apport de titres à une société qu'il contrôle, et qui a été suivi de leur cession par cette société, est constitutif d'un abus de droit s'il s'agit d'un montage ayant pour seule finalité de permettre au contribuable, en interposant une société, de disposer effectivement des liquidités obtenues lors de la cession de ces titres tout en restant détenteur des titres de la société reçus en échange lors de l'apport ; qu'il n'a en revanche pas ce caractère s'il ressort de l'ensemble de l'opération que cette société a, conformément à son objet, effectivement réinvesti le produit de ces cessions dans une activité économique ;

Considérant que, par acte du 15 juin 1997, M. Vincent B a créé avec M. François-Xavier B la société civile Saint Loup à laquelle il a fait apport, le même jour de 5 561 actions qu'il détenait en pleine propriété de la société Groupe Le Blanc De Nicolaÿ (GLN) ; que cette société, ayant pour objet social l'acquisition, la gestion, directement ou indirectement d'immeubles bâtis et non bâtis et de participations financières, a immédiatement opté pour l 'impôt sur les sociétés ; que, le 15 mai 1998, la société civile Saint Loup a vendu ces actions à la société AON ; que, faisant application de la procédure de répression des abus de droit, l'administration a remis en cause le report d'imposition, prévu par les dispositions combinées de l'article 92 B du même code et du 4 du I ter de l'article 160 du code général des impôts, sous le régime duquel M. B avait placé la plus-value réalisée lors de l'apport le 15 juin 1997 et taxé à l'impôt sur le revenu et aux contributions sociales au titre de l'année 1998, au nom de M. B, sur le fondement de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales, la plus-value globale réalisée à l'occasion de la cession des 5 561 actions à la société AON ; que le litige n'ayant pas été soumis au comité prévu à l'article L. 64 du livre des procédures fiscales, il appartient à l'administration d' apporter la preuve du bien-fondé du redressement ;

Considérant que l'administration fait valoir que la création de la société civile à laquelle

M. C a vendu ses actions n'a pas eu pour objet de servir de structure à un investissement professionnel durable lui conférant une substance économique dès lors qu'elle a réinvesti les liquidités résultant de la cession des titres GLN dans un portefeuille de valeurs mobilières de placement et dans la prise de participation dans la société civile les Courtillets , dont la seule activité a consisté à acquérir un appartement situé à Paris mis à disposition de M. B comme résidence principale;

Considérant M. B n'apporte pas d'éléments de nature à établir que l'apport des titres litigieux à la société Saint Loup ne dissimulait pas en réalité une vente de ses actions qui générait une plus-value exclue du régime de report d'imposition ; que, par suite, l'administration doit être regardée comme établissant que la constitution par M. B de la société civile Saint Loup et l'option de cette société pour l'assujettissement à l'impôt sur les sociétés n'ont pas été inspirés par un motif autre que celui d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que l'intéressé, s'il n'avait pas passé ces actes, aurait normalement supportées eu égard à sa situation et à son activité réelle ;

En ce qui concerne les pénalités :

Considérant qu'aux termes de l'article 1729 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à l'année 1998 : 1. Lorsque la déclaration ou l'acte mentionnés à l'article 1728 font apparaître une base d'imposition ou des éléments servant à la liquidation de l'impôt insuffisants, inexacts ou incomplets, le montant des droits mis à la charge du contribuable est assorti de l'intérêt de retard visé à l'article 1727 et d'une majoration de 40 % si la mauvaise foi de l'intéressé est établie ou de 80 % s'il s'est rendu coupable de manoeuvres frauduleuses ou d'abus de droit au sens de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales. (...) 3. En cas d'abus de droit, l'intérêt de retard et la majoration sont à la charge de toutes les parties à l'acte ou à la convention qui sont solidairement tenues à leur paiement ;

Considérant que le V de l'article 35 de la loi de finances rectificative pour 2008 a substitué aux dispositions de l 'article 1729 du code général des impôts, les dispositions suivantes : Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : (...) / b. 80 % en cas d'abus de droit au sens de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales ; elle est ramenée à 40 % lorsqu'il n'est pas établi que le contribuable a eu l'initiative principale du ou des actes constitutifs de l'abus de droit ou en a été le principal bénéficiaire (...) ; qu 'il appartient au juge de l'impôt, lorsqu'il détermine la loi applicable à la pénalité contestée devant lui, d'appliquer, en vertu du principe de nécessité des peines issu de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, aux agissements commis avant leur entrée en vigueur et n'ayant pas donné lieu à des décisions passées en force de chose jugée, les dispositions les moins sévères ;

Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article 1729 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable en 1998, que le taux de 80 % de la majoration pour abus de droit est applicable au contribuable s'il est partie à l'acte constitutif de l'abus de droit ; que, cependant, en application des dispositions du V de l'article 35 de la loi de finances rectificative pour 2005, le taux de 80 % n'est applicable que si l'administration fiscale établit que le contribuable a eu l'initiative principale du ou des actes constitutifs de l'abus de droit ou en a été le principal bénéficiaire ;

Considérant que M. B était partie aux actes constituant le montage ci-dessus exposé ; que par ailleurs, il est établi qu'il en a été l'instigateur principal ; que, par suite, l'administration fiscale a pu, à bon droit, mettre à sa charge la majoration pour abus de droit au taux de 80 % aux termes de la notification de redressement du 17 décembre 2001 suffisamment motivée ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le ministre est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a prononcé la décharge du complément d'impôt sur le revenu et des contributions sociales auxquelles M. B a été assujetti au titre de l'année 1998 à raison de l'opération d'apport de 5561 actions de la société GLN ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse à M. A la somme qu'il réclame au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

D É C I D E :

Article 1er : Les articles 1er, 2 et 3 du jugement du 12 mai 2009 du Tribunal administratif de Paris sont annulés.

Article 2 : M. A est rétabli au rôle de l'impôt sur le revenu et des contributions sociales au titre de l'année 1998 à raison des droits, intérêts de retard et pénalités dont la décharge a été prononcée par le Tribunal administratif de Paris.

Article 3 : Les conclusions de la demande de M. A tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales ainsi que des pénalités y afférentes auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 1998 et ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

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Nos 09PA04167-09PA05545


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 09PA04167
Date de la décision : 06/07/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-01-03-01 Contributions et taxes. Généralités. Règles générales d'établissement de l'impôt. Contrôle fiscal.


Composition du Tribunal
Président : M. LERCHER
Rapporteur ?: Mme Dominique SAMSON
Rapporteur public ?: Mme BERNARD
Avocat(s) : FIDAL ; FIDAL ; FIDAL

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2011-07-06;09pa04167 ?
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