Vu la procédure suivante :
Procédure antérieure :
La société Euro Expertise Comptable a demandé au tribunal administratif de Toulouse de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquels elle a été assujettie au titre de la période du 1er octobre 2008 au 30 septembre 2010 ainsi que des pénalités y afférentes, et de lui accorder le sursis de paiement.
Par un jugement n° 1302675 du 13 juin 2017, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 25 août 2017, la société Euro Expertise Comptable, représentée par MeA..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse ;
2°) de prononcer la décharge des suppléments d'impôt sur les sociétés contestés ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les agissements effectués par le vérificateur dans le cadre de son contrôle sont entourés d'opacité ; l'administration a méconnu les dispositions du A-II de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales ; en effet, le vérificateur a consulté les fichiers comptables correspondant aux années 2009 et 2010 au moyen d'une clé USB et a prélevé de façon unilatérale des données informatiques sans information préalable, l'empêchant d'exercer ses droits ;
- les rehaussements n'ont pas été suffisamment motivés, en l'absence d'une reconstitution de chiffre d'affaires ;
- l'administration n'a pas tenu compte du contexte compliqué dans lequel le vérificateur est intervenu ; c'est bien pour cela malgré tout que l'administration a fini par prononcer un dégrèvement partiel le 18 décembre 2013 ;
- des anomalies comptables affectant une faible part des recettes totales ou purement formelles ne permettent pas de regarder la comptabilité comme dépourvue de valeur probante ; c'est le cas en l'espèce ;
- l'absence de caractère répété des erreurs commises durant la période vérifiée atteste de sa bonne foi ; à l'inverse l'administration n'apporte pas la preuve de sa mauvaise foi.
Par un mémoire enregistré le 12 mars 2018, le ministre de l'action et des comptes publics (direction de contrôle fiscal Sud-ouest) conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- aucune substitution de base légale n'a été opérée ; la requérante a opté pour la remise de copies de ses fichiers informatiques, comme le permet l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales ; cet emport a donné lieu à un procès-verbal contresigné par le représentant légal de la société ;
- les opérations effectuées par le service ne relèvent pas de l'article L. 47 A-II du livre des procédures fiscales, dont l'invocation est inopérante ; les opérations effectuées se sont cantonnées à des tris, classements et calcul qui ne constituent pas des traitements informatiques ;
- les rehaussements litigieux correspondent à la réintégration de charges non justifiées au titre de 2009 et 2010 et ne trouvent pas leur source dans des traitements informatiques ;
- l'administration n'était pas tenue de procéder à une reconstitution du chiffre d'affaires ; la proposition de rectification adressée à la société comportait l'indication de l'ensemble des éléments permettant de connaître les motifs de fait et de droit fondant les rappels ; la société a d'ailleurs fourni des observations ;
- l'administration n'a pas méconnu l'étendue de sa compétence et le dégrèvement prononcé en cours de première instance n'est pas la reconnaissance d'une erreur de sa part mais tient à des justifications apportées par la société ;
- le vérificateur a relevé des anomalies concernant l'établissement des factures clients et leur enregistrement comptable ; les factures clients comportaient deux séries de numérotation avec des ruptures de séquentialité au sein de chaque série ; ces anomalies ne peuvent être qualifiées de mineures dès lors qu'elles interdisaient en fait au service de s'assurer de la comptabilisation effective de la totalité des produits correspondant aux prestations réalisées ; c'est à bon droit que la comptabilité a été regardée comme non probante, circonstance au demeurant sans incidence sur le litige, puisque les rappels ne procèdent pas d'une reconstitution de chiffre d'affaires ;
- les rehaussements correspondent à la réintégration d'une provision pour litige, de provisions pour créances douteuses et d'avoirs clients, faute de justificatifs ; compte tenu de l'activité de la société requérante, qui ne pouvait ignorer les conditions de déductibilité de ces charges, la majoration pour manquement délibéré est justifiée.
Par ordonnance du 6 décembre 2018, la clôture d'instruction a été fixée au 8 février 2019 à 12h00.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Laurent Pouget,
- et les conclusions de Mme Déborah de Paz, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. L'EURL Euro Expertise Comptable, qui exerce une activité d'expertise comptable et de commissariat aux comptes, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er octobre 2007 au 30 septembre 2010. A l'issue de ce contrôle, le service a notamment remis en cause des déductions de charges correspondant à une provision pour litige, à une provision pour risques et charges et à des avoirs sur factures clients, pour lesquels la société n'a pu présenter de justificatifs adéquats. Il en est résulté des rappels d'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos en 2009 et 2010, assortis des intérêts de retard et de la majoration de 40 % prévue en cas de manquement délibéré par l'article 1729 du code général des impôts. La société Euro Expertise Comptable relève appel du jugement du 13 juin 2017 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions et pénalités.
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
2. Aux termes de l'article L. 13 du livre des procédures fiscales " Les agents de l'administration des impôts vérifient sur place, en suivant les règles prévues par le présent livre, la comptabilité des contribuables astreints à tenir et à présenter des documents comptables. / Lorsque la comptabilité est tenue au moyen de systèmes informatisés, le contrôle porte sur l'ensemble des informations, données et traitements informatiques qui concourent directement ou indirectement à la formation des résultats comptables ou fiscaux et à l'élaboration des déclarations rendues obligatoires par le code général des impôts ainsi que sur la documentation relative aux analyses, à la programmation et à l'exécution des traitements (...) ". Aux termes de l'article L. 47 A du même livre, dans sa rédaction applicable à la présente procédure : " I. Lorsque la comptabilité est tenue au moyen de systèmes informatisés, le contribuable peut satisfaire à l'obligation de représentation des documents comptables mentionnés au premier alinéa de l'article 54 du code général des impôts en remettant, sous forme dématérialisée répondant à des normes fixées par arrêté du ministre chargé du budget, une copie des fichiers des écritures comptables définies aux articles 420-1 et suivants du plan comptable général. L'administration peut effectuer des tris, classements ainsi que tous calculs aux fins de s'assurer de la concordance entre la copie des enregistrements comptables et les déclarations fiscales du contribuable. L'administration restitue au contribuable, avant la mise en recouvrement, les copies des fichiers transmis et n'en conserve aucun double. II. En présence d'une comptabilité tenue au moyen de systèmes informatisés et lorsqu'ils envisagent des traitements informatiques, les agents de l'administration fiscale indiquent par écrit au contribuable la nature des investigations souhaitées. Le contribuable formalise par écrit son choix parmi l'une des options suivantes : /a) Les agents de l'administration peuvent effectuer la vérification sur le matériel utilisé par le contribuable ; /b) Celui-ci peut effectuer lui-même tout ou partie des traitements informatiques nécessaires à la vérification. Dans ce cas, l'administration précise par écrit au contribuable, ou à un mandataire désigné à cet effet, les travaux à réaliser ainsi que le délai accordé pour les effectuer. Les résultats des traitements sont alors remis sous forme dématérialisée répondant à des normes fixées par arrêté du ministre chargé du budget ; / c) Le contribuable peut également demander que le contrôle ne soit pas effectué sur le matériel de l'entreprise. Il met alors à la disposition de l'administration les copies des documents, données et traitements soumis à contrôle. Ces copies sont produites sur tous supports informatiques, répondant à des normes fixées par arrêté du ministre chargé du budget. L'administration restitue au contribuable avant la mise en recouvrement les copies des fichiers et n'en conserve pas de double. L'administration communique au contribuable, sous forme dématérialisée ou non au choix du contribuable, le résultat des traitements informatiques qui donnent lieu à des rehaussements au plus tard lors de l'envoi de la proposition de rectification mentionnée à l'article L. 57 (...) ".
3. La société requérante soutient que l'administration a procédé à un emport irrégulier de documents, ses fichiers comptables ayant été chargés par le vérificateur sur une clé USB, sans son accord préalable et sans formalisme particulier. Il résulte toutefois de l'instruction, d'une part, que la société, qui tenait sa comptabilité au moyen de systèmes informatisés, a fait application des dispositions du premier alinéa de l'article L. 47 A précité du livre des procédures fiscales en remettant elle-même au vérificateur une copie des fichiers informatiques des écritures comptables sur une clé USB, ainsi qu'en attestent les procès-verbaux signés par son gérant les 1er décembre 2011 et 10 janvier 2012. Les documents comptables ainsi remis au service sous forme dématérialisée n'étaient que de simples copies, par la suite restituées le 23 juillet 2012, de documents originaux demeurés en la possession de la société, qui en conservait la disposition. Elle ne saurait, par suite, soutenir que le vérificateur se serait livré à un emport irrégulier de documents comptables. D'autre part, le vérificateur s'est borné à consulter par simple lecture et à analyser les documents comptables qui lui avaient été remis sous forme dématérialisée, sans procéder à des traitements informatiques au sens du II de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales. Il s'est en effet contenté de constater que la société n'a présenté aucun document justificatif de nature à justifier du bien-fondé des écritures comptables correspondant aux provisions et aux avoirs clients dont la déduction a été remise en cause. Aussi, la société requérante ne peut utilement faire valoir que le vérificateur ne l'a pas informée par écrit des différentes options dont elle disposait s'agissant des traitements informatiques envisagés.
4. Si la société Euro Expertise Comptable allègue que le vérificateur n'aurait pas suffisamment pris en considération la conjoncture délicate dans laquelle elle se trouvait à l'époque du contrôle, dans la mesure où elle venait de faire l'acquisition d'une société en liquidation judiciaire et dont l'ancien gérant était décédé, ce qui rendait selon elle difficile la collecte d'informations et d'éléments justificatifs, elle ne précise pas en quoi il en résulterait une irrégularité de procédure. Il ne résulte en particulier aucunement de l'instruction que le vérificateur se serait refusé à un débat contradictoire avec la contribuable ou aurait, par son comportement, manqué de loyauté à son égard. La société admet d'ailleurs elle-même que, le débat s'étant poursuivi avec l'administration, celle-ci a tenu compte des pièces justificatives qu'elle a été en mesure d'apporter postérieurement. Le moyen doit donc être écarté.
5. Enfin, la seule circonstance que l'administration n'a pas procédé à une reconstitution du chiffre d'affaires de la société, ce qu'elle n'était nullement tenue de faire, ne permet pas de considérer que les rehaussements litigieux n'ont pas donné lieu à une motivation suffisante. En l'occurrence, la proposition de rectification du 5 mars 2012 adressée à la requérante comportait l'ensemble des mentions lui permettant de comprendre les motifs et les montants des rappels envisagés, en conformité avec les prescriptions de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales.
Sur le bien-fondé des impositions :
6. La société Euro Expertise Comptable soutient que les anomalies entachant sa comptabilité étaient mineures et ne justifiaient pas qu'elle soit regardée comme non probante et écartée. Le moyen est en tout état de cause inopérant dès lors que les rappels d'impôt sur les sociétés litigieux ne procèdent pas d'une reconstitution extracomptable du chiffre d'affaires de la société résultant du caractère non probant de la comptabilité présentée.
Sur les pénalités pour manquement délibéré :
7. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré ".
8. Il résulte de l'instruction que, durant deux exercices, les recettes déclarées par l'EURL Euro Expertise Comptable ont été minorées par la déduction d'avoirs clients et de provisions non justifiées. En faisant valoir à juste titre que la société, qui exerce une activité d'expert-comptable et de commissaire aux comptes, ne pouvait ignorer, en professionnel averti, l'irrégularité des déductions ainsi pratiquées, l'administration apporte la preuve, qui lui incombe, de la volonté du contribuable d'éluder l'impôt. Par suite, elle a pu à bon droit assortir le paiement des droits dus de la pénalité de 40 % prévue à l'article 1729 du code général des impôts.
9. Il résulte de tout ce qui précède que la société Euro Compable Expertise n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
10. L'Etat n'étant pas la partie perdante dans la présente instance, les conclusions de la société Euro Expertise Comptable tendant à ce qu'une somme soit mise à sa charge au titre des frais d'instance qu'elle a exposés doivent être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la société Euro Expertise Comptable est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à l'EURL Euro Expertise Comptable et au ministre de l'action et des comptes publics.
Délibéré après l'audience du 20 juin 2019, à laquelle siégeaient :
M. Aymard de Malafosse, président,
M. Laurent Pouget, président-assesseur,
Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 25 juillet 2019.
Le rapporteur,
Laurent POUGET Le président,
Aymard de MALAFOSSE Le greffier,
Christophe PELLETIER
La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 17BX02940