Vu la requête, enregistrée le 20 juillet 2007, présentée pour l'ENTREPRISE DE TRANSPORT ROUTIER DE MARCHANDISES FRANCOIS SOTTY, dont le siège est lieu-dit La garde à Millay (58170) ;
L'ENTREPRISE SOTTY demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0601033 en date du 3 mai 2007 par lequel le Tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 22 février 2006 du préfet de la région Bourgogne prononçant sa radiation du registre des transporteurs routiers ;
2°) d'annuler la décision litigieuse ;
L'ENTREPRISE SOTTY soutient que dès lors que le tribunal de grande instance de Nevers a relevé M. François SOTTY des incapacités liées à des condamnations pénales en ordonnant leur exclusion du bulletin n° 2 du casier judiciaire, le préfet ne pouvait prononcer sa radiation du registre des transporteurs au motif de l'existence de ces condamnations ; que le préfet devait surseoir à statuer dans l'attente de ce jugement ; que l'entreprise bénéficie d'un plan de redressement ; que M. SOTTY avait donné des consignes écrites que les chauffeurs n'ont pas respectées ; qu'il ne s'est pas opposé au contrôle ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire, enregistré le 14 janvier 2008, présenté par le ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire qui conclut au rejet de la requête ;
Le ministre soutient que :
- la décision de radiation a été prise antérieurement au jugement relevant M. SOTTY des incapacités liées à des condamnations pénales ;
- que l'exclusion des condamnations du casier judiciaire est sans influence sur la légalité de l'arrêté litigieux ;
- que le moyen tiré de l'existence d'un plan de redressement de l'entreprise est inopérant ;
Vu l'avis adressé aux parties le 12 juin 2009 pour les informer en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative de ce qu'il y a lieu de limiter les effets d'une annulation rétroactive à compter du 6 mars 2007 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 82.1153 du 30 décembre 1982 ;
Vu le décret n° 99 .752 du 30 août 1999 ;
Vu le code de procédure pénale ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 23 juin 2009 :
- le rapport de M. Fontbonne, président-assesseur ;
- les conclusions de M. Besson, rapporteur public ;
Considérant qu'aux termes de l'article 2 du décret susvisé du 30 août 1999 : I. - Il doit être satisfait à la condition d'honorabilité professionnelle par chacune des personnes suivantes : a) Le commerçant chef d'entreprise individuelle (...) ; II. - Il n'est pas satisfait à la condition d'honorabilité professionnelle lorsque l'une des personnes mentionnées au I fait l'objet : (...) Soit de plus d'une condamnation mentionnée au bulletin n° 2 du casier judiciaire pour l'un ou l'autre des délits suivants : a) Infractions mentionnées aux articles L. 1er (...) du code de la route (...) ; d) Infractions aux dispositions des articles 3 et 3 bis de l'ordonnance du 23 décembre 1958 susvisées (...) ; qu'aux termes du premier alinéa de l'article 9 du même décret : (...) les entreprises sont radiées du registre par le préfet de région, après avis de la commission régionale des sanctions administratives prévues à l'article 17 de la loi du 30 décembre 1982 susvisée, lorsqu'il n'est plus satisfait à l'une des conditions requises lors de leur inscription à ce registre. La radiation ne peut être prononcée qu'après une mise en demeure du préfet de région demeurée sans effet, invitant l'entreprise à régulariser dans un délai de trois mois sa situation au regard de la condition à laquelle il a cessé d'être satisfait ;
Considérant qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article. 775-1 du code de procédure pénale : L'exclusion de la mention d'une condamnation du bulletin n° 2 emporte relèvement de toutes les interdictions, déchéances ou incapacités de quelque nature qu'elles soient résultant de cette condamnation ;
Considérant que, par jugements du 23 novembre 2001 et du 15 avril 2005, devenus définitifs, le tribunal de grande instance de Nevers a condamné M. SOTTY à des peines d'amende et à une peine d'emprisonnement assortie partiellement du sursis, pour des délits d'emploi irrégulier du dispositif destiné au contrôle des conditions de travail dans le transport routier, et d'obstacle au contrôle des conditions de travail ; que par arrêté du 22 février 2006 pris, après avis de la commission régionale des sanctions administratives réunie le 12 janvier 2006, le préfet de la région Bourgogne a, après avoir constaté que la condition d'honorabilité professionnelle fixée par les dispositions précitées de l'article 2 du décret du 30 avril 1999, n'était plus remplie, prononcé la radiation de l'ENTREPRISE SOTTY du registre des transporteurs ;
Considérant que M. SOTTY a présenté dès le 2 janvier 2006 une demande tendant, sur le fondement de l'article 775-1 du code de procédure pénale, à être relevé des incapacités attachées aux condamnations prononcées à son encontre ; qu'il en a, avant l'intervention de la décision litigieuse, informé le préfet de région en demandant qu'il soit sursis à statuer dans l'attente de la décision de l'autorité judiciaire ; que par jugement du 6 mars 2007 le tribunal de grande instance de Nevers a prononcé ce relèvement ; que l'appel formé par le ministère public a été rejeté par arrêt de la Cour d'appel de Bourges du 27 septembre 2007 ;
Considérant qu'en l'absence de dispositions organisant une procédure de sursis à statuer dès lors qu'une demande de relèvements des incapacités est déposée auprès de l'autorité judiciaire, le préfet était en application des dispositions précitées des articles 2 et 9 du décret du 30 août 1999 alors tenu de prononcer une radiation en conséquence de condamnations pénales alors mentionnées au bulletin n° 2 du casier judiciaire de M. SOTTY ;
Considérant toutefois qu'il appartient au juge du fond, saisi d'une contestation portant sur une sanction que l'administration inflige à un administré, de prendre une décision qui se substitue à celle de l'administration et, le cas échéant, de faire application d'une loi nouvelle plus douce entrée en vigueur entre la date à laquelle l'infraction a été commise et celle à laquelle il statue ; que, par suite, compte tenu des pouvoirs dont il dispose ainsi pour contrôler une sanction de cette nature, le juge se prononce sur la contestation dont il est saisi comme juge de plein contentieux en se plaçant, non à la date de la décision prononçant la sanction litigieuse mais à la date à laquelle il statue ;
Considérant que l'intervention du jugement du tribunal de grande instance de Nevers du 6 mars 2007, devenu définitif, a placé M. SOTTY dans une situation plus favorable au regard de la loi pénale, dont il y a lieu de faire application en statuant comme juge de plein contentieux ; qu'en l'absence désormais de condamnation mentionnée au bulletin n° 2 du casier judiciaire, il résulte des dispositions de l'article 2 précité du décret du 30 août 1999 que la radiation prononcée par le préfet se trouve désormais privée de base légale et doit être annulée ;
Considérant que l'annulation d'un acte administratif implique en principe que cet acte est réputé n'être jamais intervenu ; que, toutefois, s'il apparaît que cet effet rétroactif de l'annulation est de nature à emporter des conséquences manifestement excessives en raison tant des effets que cet acte a produits et des situations qui ont pu se constituer lorsqu'il était en vigueur que de l'intérêt général pouvant s'attacher à un maintien temporaire de ses effets, il appartient au juge administratif- après avoir recueilli sur ce point les observations des parties et examiné l'ensemble des moyens, d'ordre public ou invoqués devant lui, pouvant affecter la légalité de l'acte en cause- de prendre en considération, d'une part, les conséquences de la rétroactivité de l'annulation pour les divers intérêts publics ou privés en présence et, d'autre part, les inconvénients que présenterait, au regard du principe de légalité et du droit des justiciables à un recours effectif, une limitation dans le temps des effets de l'annulation ; qu'il lui revient d'apprécier, en rapprochant ces éléments, s'ils peuvent justifier qu'il soit dérogé à titre exceptionnel au principe de l'effet rétroactif des annulations contentieuses et, dans l'affirmative, de prévoir dans sa décision d'annulation que sous réserve des actions contentieuses engagées à la date de celle-ci contre les actes pris sur le fondement de l'acte en cause, tout ou partie des effets de cet acte antérieurs à son annulation devront être regardés comme définitifs ou même, le cas échéant, le cas échéant, que l'annulation ne prendra effet qu'à une date ultérieure qu'il détermine ;
Considérant, d'une part, qu'eu égard à l'intérêt public qui s'attache à l'efficience de la réglementation du transport routier compte tenu notamment des exigences de la sécurité routière, une annulation rétroactive de la décision attaquée, aurait des conséquences manifestement excessives ; que, d'autre part le relèvement des incapacités attachées à une condamnation pénale qui n'est qu'une faculté pour l'autorité judiciaire, ne produit lui-même effet que pour l'avenir et n'a pas de portée rétroactive ; que dans ces conditions il y a lieu de limiter dans le temps les effets de l'annulation de l'arrêté du préfet de la région Bourgogne du 22 février 2006 et de n'en prononcer l'annulation qu'à compter du 6 mars 2007, date de l'intervention du jugement du tribunal de grande instance de Nevers portant relèvement de M. SOTTY des condamnations pénales prononcées à son encontre ; que le jugement du Tribunal administratif de Dijon du 3 mai 2007 doit, dans cette mesure, être réformé ;
DECIDE :
Article 1er : L'arrêté du préfet de la Région Bourgogne du 22 février 2006 est annulé à compter du 6 mars 2007.
Article 2 : Le jugement du Tribunal administratif de Dijon du 3 mars 2007 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'ENTREPRISE DE TRANSPORT ROUTIER DE MARCHANDISES FRANCOIS SOTTY, et au ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat.
Délibéré après l'audience du 23 juin 2009 à laquelle siégeaient :
M. Bézard, président,
M. Fontbonne, président-assesseur,
Mme Chevalier-Aubert, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 10 juillet 2009.
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N° 07LY01537
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