Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 18 février 2005, présentée pour la SOCIETE AUXILIAIRE DE PARCS, dont le siège est sis 94 rue de Provence à Paris (75009), agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège, par Me Symchowicz ;
La SOCIETE AUXILIAIRE DE PARCS demande à la Cour :
1° d'annuler le jugement du Tribunal administratif de Limoges n° 9800638 / 9800994, en date du 16 décembre 2004, en tant, d'une part, qu'il a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la commune de Brive-la-Gaillarde à lui verser une indemnité de 11.741.713 euros hors taxes en réparation des préjudices subis du fait de l'exécution de conventions passées les 21 décembre 1992 et 28 octobre 1993 pour l'exploitation du service public du stationnement payant, lesdites conventions ayant été ultérieurement annulées, et, d'autre part, qu'il l'a condamnée à verser à la commune de Brive-la-Gaillarde la somme de 2.139.797,67 euros au titre du remboursement des rémunérations acquittées en exécution des mêmes conventions, et de la provision allouée par arrêt la Cour n° 98BX01923 du 29 mai 2000 ;
2° de condamner la commune de Brive-la-Gaillarde à lui verser les sommes de 2.591.633,29 euros, incluant ladite provision, au titre du remboursement des redevances d'exploitation indûment perçues, de 2.982.490,31 euros hors taxes, à titre d'indemnité d'enrichissement sans cause, et de 10.820.820 euros hors taxes en compensation du manque à gagner subi, lesdites sommes devant être augmentées des intérêts à compter du 4 mars 1997 ;
3° de condamner la commune de Brive-la-Gaillarde à lui verser la somme de 10.000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des collectivités territoriales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 19 février 2008 :
- le rapport de M. Zupan, premier conseiller,
- les observations de Maître Symchowicz pour la SOCIETE AUXILIAIRE DE PARCS ;
- les observations de Maître Ketchedjian pour la commune de Brive ;
- et les conclusions de M. Vié, commissaire du gouvernement ;
Considérant que, par conventions du 21 décembre 1992, la commune de Brive-la-Gaillarde a délégué à la SOCIETE AUXILIAIRE DE PARCS, pour une durée de trente ans, la gestion du service public du stationnement payant sur voirie et l'exploitation de deux parcs de stationnement public souterrains dits « de la Guierle » et « Thiers » ; que ces conventions, déférées à la censure du Tribunal administratif de Limoges par le préfet de la Corrèze, ont été remplacées par de nouveaux contrats ayant le même objet signés le 28 octobre 1993, d'une durée ramenée à 29 ans et deux mois et qui ont à leur tour été contestés par l'autorité préfectorale ; que ces deux ensembles contractuels successifs ont été annulés par jugement du Tribunal administratif de Limoges du 30 mai 1996, confirmé par arrêt de la Cour n° 96BX01642 du 29 mai 2000, au motif que leur durée d'exécution, eu égard au montant limité des investissements exigés du délégataire, relatifs à l'amélioration de l'accueil des usagers, au renouvellement du matériel de péage, à la mise en place d'horodateurs sur la voie publique et à la signalisation des places de stationnement payant, était entachée d'erreur manifeste d'appréciation ; que la SOCIETE AUXILIAIRE DE PARCS relève appel du jugement du Tribunal administratif de Limoges du 16 décembre 2004, en tant, d'une part, qu'il a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la commune de Brive-la-Gaillarde à lui verser une indemnité de 11.741.713 euros hors taxes en réparation des préjudices subis du fait de l'exécution desdites conventions jusqu'au 15 juillet 1996, et, d'autre part, qu'il l'a condamnée à verser à la commune de Brive-la-Gaillarde, en conséquence de leur annulation, la somme de 2.139.797,67 euros ; que la commune de Brive-la-Gaillarde demande quant à elle, par la voie de l'appel incident, la condamnation de la SOCIETE AUXILIAIRE DE PARCS à lui verser, en sus de la somme susmentionnée, celle de 1.888.680,19 euros correspondant au montant total des recettes perçues, durant la période d'exécution des contrats en cause, auprès des usagers des deux parcs de stationnement souterrains ainsi affermés ;
Sur la recevabilité de la requête :
Considérant que l'erreur affectant, dans le mémoire introductif d'instance, la mention de l'adresse du siège social de la SOCIETE AUXILIAIRE DE PARCS a été ultérieurement corrigée ; que la requête satisfait ainsi aux prescriptions de l'article R. 411-1 du code de justice administrative, sans qu'une éventuelle incohérence, à la supposer établie, concernant par ailleurs son numéro d'inscription au registre du commerce et des sociétés soit de nature à exercer une influence sur sa recevabilité ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant que si le jugement attaqué, statuant sur les prétentions de la SOCIETE AUXILIAIRE DE PARCS exposées au titre de l'enrichissement sans cause, et visant au remboursement de celles de ses dépenses qui ont été utiles à la commune de Brive-la-Gaillarde, les a écartées en utilisant le terme de « dépenses d'exploitation », sans rependre la distinction de la requérante entre « dépenses d'exploitation », « travaux de premier établissement » et « frais financiers », il ressort clairement des motifs dudit jugement que, par cette expression générale, les premiers juges ont entendu désigner, sans restriction, l'ensemble des frais occasionnés par l'exécution des conventions litigieuses, sans exclure du champ de leurs énonciations celles qui avaient trait à la réalisation des travaux prévus par les contrats ou aux charges des emprunts souscrits par la SOCIETE AUXILIAIRE DE PARCS ; que le tribunal administratif n'a dès lors pas statué en deçà des conclusions dont il était saisi, ni entaché son jugement d'une omission à statuer ;
Sur la recevabilité de la demande de première instance :
Considérant que la circonstance que la SOCIETE AUXILIAIRE DE PARCS a confié à l'une de ses filiales, la Société Auxiliaire d'Exploitation de Parcs, dite SAPX, une partie, voire même la totalité des missions qui lui étaient confiées en vertu des conventions passées les 21 décembre 1992 et 28 octobre 1993, si elle est susceptible d'avoir une répercussion, au fond, sur l'ouverture ou l'étendue du droit à réparation dont la requérante entend se prévaloir, ne saurait en revanche, quelles qu'aient été les conditions dans lesquelles ce tiers a ainsi été amené à intervenir dans l'exécution desdites conventions, la faire regarder comme dépourvue d'un intérêt lui conférant qualité pour agir contre la commune de Brive-la-Gaillarde ; que la fin de non-recevoir opposée par celle-ci doit dès lors être écartée ;
Au fond :
Considérant que l'annulation d'une convention de délégation de service public, réputée rétroagir à la date de sa signature à moins qu'il n'en soit disposé autrement par la décision de justice qui la prononce, implique la possibilité, pour chacune des parties, de demander, sur le fondement de la responsabilité quasi-contractuelle, et indépendamment de toute considération tenant aux fautes éventuellement commises, d'une part, la répétition des sommes qu'elle a versées en exécution de ladite convention, sous réserve qu'il n'en résulte pas pour elle un enrichissement, eu égard aux conditions dans lesquelles le service public a été effectivement exécuté, et, d'autre part, le remboursement de celles de ses dépenses qui, engagées dans le cadre de l'exécution de ce contrat, ont été utiles à l'autre partie ; que dans le cas où la nullité du contrat résulte d'une faute de l'administration, le cocontractant de celle-ci peut en outre prétendre à la réparation du dommage imputable à cette faute et, le cas échéant, demander à ce titre le paiement d'une indemnité correspondant au bénéfice dont il a été privé par la nullité du contrat, si toutefois le remboursement de ses dépenses utiles à la collectivité ne lui assure pas une rémunération supérieure à celle que l'exécution du contrat lui aurait procurée ;
En ce qui concerne les obligations respectives des parties au titre de leur responsabilité quasi-contractuelle :
Considérant qu'il est constant que la SOCIETE AUXILIAIRE DE PARCS, seule titulaire des conventions litigieuses, a confié à l'une de ses filiales, la SAPX, une part importante des missions qui lui étaient contractuellement dévolues ; que cette situation, eu égard aux liens existant entre ces deux sociétés, ne saurait être regardée, en l'absence même d'information donnée à la commune de Brive-la-Gaillarde quant à l'intervention de la SAPX, comme une cession de contrat ou comme une subdélégation de service public opérées en violation de la règle selon laquelle le titulaire d'un contrat se doit d'en assurer personnellement l'exécution, et qui s'opposerait, par principe, à ce que la commune de Brive-la-Gaillarde supporte, sur le terrain quasi-contractuel, le reversement des sommes qui lui ont été acquittées, en exécution desdites conventions, par la SOCIETE AUXILIAIRE DE PARCS ou le remboursement de celles des dépenses, exposées par cette société, qui lui ont été utiles ; qu'elle tient seulement en échec le règlement, par cette commune, de toute dépense dont la SOCIETE AUXILIAIRE DE PARCS, personne morale distincte de la SAPX, n'aurait pas elle-même supporté la charge, que ce soit directement ou au moyen de remboursements effectués au profit de cette filiale ;
Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction que, contrairement à ce qu'énonce le jugement attaqué, la SOCIETE AUXILIAIRE DE PARCS, au nom de laquelle le maire de Brive-la-Gaillarde avait établi les 16 décembre 1993, 31 décembre 1994 et 8 décembre 1995, des titres de recettes la constituant débitrice, pour les trois premiers exercices, de la « redevance fixe capitalisée » stipulée par le contrat relatif à l'exploitation des deux parcs de stationnement souterrains, a elle-même directement acquitté les sommes y afférentes, s'élevant au total à 17.000.000 francs, soit 2.591.633,29 euros ; que, toutefois, cette redevance, nonobstant l'imprécision des clauses des conventions litigieuses quant à son objet, n'a pu être consentie par la société qu'en raison de la perspective qui lui était ouverte d'exploiter les équipements publics en cause et d'en tirer profit ; que la SOCIETE AUXILIAIRE DE PARCS ne soutient d'ailleurs pas qu'elle n'aurait pas commencé d'en répercuter le montant sur le prix du service acquitté par les usagers ; qu'ainsi, elle ne peut prétendre au remboursement de la somme susmentionnée que sous déduction des recettes qu'elle a retirées de l'exploitation desdits équipements, lesquelles se sont élevées, durant la période d'exécution des conventions annulées, à la somme non contestée de 1.888.680,19 euros ; que demeurent par ailleurs également dues à la commune de Brive-la-Gaillarde, sur le même fondement quasi-contractuel, et ainsi qu'il n'est d'ailleurs plus contesté en appel, d'une part, la somme qu'elle a payée à la SOCIETE AUXILIAIRE DE PARCS au titre de la « rémunération de l'exploitant » contractuellement prévue en contrepartie de la collecte, pour son compte, des droits de stationnement en voirie, soit 1.495.080,60 euros, d'autre part, celles de 19.216,50 et 15.704,57 euros afférentes, respectivement, à un remboursement de taxe professionnelle relative à la valeur locative du parc de stationnement souterrain dit « de la Guierle », et au remboursement d'abonnements payés d'avance à la commune par les usagers ;
Considérant, en deuxième lieu, que la SOCIETE AUXILIAIRE DE PARCS justifie, par la production de factures établies à son nom, et de relevés bancaires attestant de leur paiement sur son propre compte, de la réalisation de divers travaux, s'élevant à la somme totale de 5.271.055,67 francs (803.567,26 euros) correspondant, selon les conclusions non contestées du rapport de l'expert désigné par le Tribunal administratif de Limoges, aux investissements dits « de première installation » prévus par les conventions litigieuses ; que la valeur non amortie de ces investissements matériels, à la date à laquelle les équipements réalisés ont fait retour à la commune de Brive-la-Gaillarde, doit être regardée comme utile à cette commune, laquelle ne conteste pas en avoir conservé l'usage ; qu'il sera fait une juste appréciation de cette valeur résiduelle en la fixant aux deux tiers de la somme susmentionnée, soit 535.711,50 euros ; que revêtent également le caractère de dépenses utiles à la commune de Brive-la-Gaillarde les charges, évaluées sans contredit sérieux à 500.000 francs (76.224,51 euros) afférentes aux prestations d'étude, de lancement de l'opération et de suivi des travaux assurées par cette société ; qu'il en va différemment, en revanche, des frais financiers résultant de l'emprunt souscrit par la SOCIETE AUXILIAIRE DE PARCS auprès de trois établissements bancaires le 26 octobre 1994, d'un montant très supérieur aux investissements susmentionnés, et dont elle indiquait devant l'expert, sans d'ailleurs préciser l'affectation des fonds ainsi mis à sa disposition, qu'il procédait d'un simple choix d'opportunité quant aux modalités de financement de ses charges ; que la société requérante ne peut davantage prétendre à la prise en compte des « dépenses d'exploitation » dont elle fait état en termes généraux, dès lors qu'elle n'établit pas, en tout état de cause, les avoir effectivement remboursées à la SAPX, laquelle les a en réalité supportées ;
Considérant qu'en vertu de ce qui précède, le solde des obligations respectives des parties au titre de leur responsabilité quasi-contractuelle s'établit, en faveur de la commune de Brive-la-Gaillarde, à 291.337,06 euros ;
En ce qui concerne la responsabilité quasi-délictuelle de la commune de Brive-la-Gaillarde :
Considérant que si la nullité des conventions litigieuses, telle qu'elle a été relevée par l'arrêt susmentionné de la Cour du 29 mai 2000, est constitutive d'une faute de nature à engager la responsabilité de la commune de Brive-la-Gaillarde, elle affecte le contenu même de ces conventions, tel qu'il a été négocié de concert par les parties, et procède ainsi également d'une faute commise par la SOCIETE AUXILIAIRE DE PARCS, laquelle ne pouvait ignorer l'illégalité des clauses stipulant la durée de son engagement contractuel ; que, dans ces circonstances, la responsabilité des parties doit être partagée par moitié ; qu'eu égard à ce partage de responsabilité, à la durée normale qui eût été celle de la délégation de service public en cause si elle avait été légalement passée, et aux conditions dans lesquelles la SOCIETE AUXILIAIRE DE PARCS a fait le choix d'en assumer l'exécution, en la confiant pour l'essentiel, ainsi qu'il a été dit, à la SAPX, dont le personnel, notamment, était seul affecté à l'exploitation matérielle des équipements publics en cause, la requérante, qui ne saurait utilement se prévaloir, dans ces conditions, du compte d'exploitation prévisionnel annexé aux contrats, n'établit pas avoir été privée d'une rémunération excédant le montant, déterminé par le présent arrêt, de celles de ses dépenses qui ont été utiles à la commune de Brive-la-Gaillarde ; qu'en vertu des principes sus-énoncés, elle ne saurait dès lors prétendre au paiement d'une indemnité correspondant au bénéfice escompté de l'opération ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SOCIETE AUXILIAIRE DE PARCS est débitrice, à l'égard de la commune de Brive-la-Gaillarde, de la somme susmentionnée de 291.337,06 euros, à laquelle il convient dès lors de ramener la condamnation prononcée contre elle par le jugement attaqué, et qui doit, suivant les énonciations non contestées de celui-ci, être augmentée des intérêts au taux légal à compter du 18 octobre 2004 ; que le présent litige ayant seulement pour objet de déterminer, au principal, le montant des créances respectives des parties, il n'y a pas lieu d'ajouter à cette somme le montant de la provision allouée par l'arrêt de la Cour n° 98BX01923 du 29 mai 2000, le reversement de cette provision, comme la question des intérêts y afférents, intéressant seulement les modalités de liquidation, par la SOCIETE AUXILIAIRE DE PARCS, de l'indemnité due à la commune de Brive-la-Gaillarde ;
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la SOCIETE AUXILIAIRE DE PARCS, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, dès lors que le présent arrêt opère la réformation en sa faveur du jugement attaqué, soit condamnée à payer à la commune de Brive-la-Gaillarde la somme qu'elle réclame au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Considérant qu'il y a lieu de condamner la commune de Brive-la-Gaillarde, sur le même fondement, à payer à la SOCIETE AUXILIAIRE DE PARCS une somme de 3 000 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La condamnation mise à la charge de la SOCIETE AUXILIAIRE DE PARCS par l'article 1er du jugement du Tribunal administratif de Limoges n° 9800638 / 9800994 du 16 décembre 2004 est ramenée à 291.337,06 euros, ladite somme devant être augmentée des intérêts au taux légal à compter du 18 octobre 2004 ;
Article 2 : Le jugement du Tribunal administratif de Limoges n° 9800638 / 9800994 du 16 décembre 2004 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : La commune de Brive-la-Gaillarde versera à la SOCIETE AUXILIAIRE DE PARCS une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête, le surplus de l'appel incident de la commune de Brive-la-Gaillarde et les conclusions de celle-ci tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.
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N° 05BX00387