Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
L'association " le Service d'Aide aux Toxicomanes " (SATO) a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler les titres de recettes émis à son encontre le 22 janvier 2009 et le 1er juillet 2009 par le centre hospitalier Laënnec de Creil, pour des montants respectifs de 107 989 euros et de 95 456,36 euros, et, en outre, de condamner le Groupe hospitalier public du Sud de l'Oise (GHPSO), venant aux droits et obligations du centre hospitalier Laënnec, à lui verser la somme de 15 115,50 euros.
Par un jugement n° 1300511 du 17 décembre 2015, le tribunal administratif d'Amiens a annulé le titre de recettes du 22 janvier 2009, a mis à la charge du GHPSO, venant aux droits et obligations du centre hospitalier Laënnec de Creil, la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus de la demande du SATO.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 22 février 2016, le GHPSO, représenté par Me D... B..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement en tant que le tribunal a partiellement fait droit à la demande de première instance du SATO et a rejeté ses propres conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
2°) de mettre à la charge du SATO la somme de 4 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de la santé publique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Dominique Bureau, première conseillère,
- les conclusions de M. Jean-Michel Riou, rapporteur public,
- et les observations de Me A...C..., représentant le SATO.
Considérant ce qui suit :
1. Par une convention du 10 janvier 2001, le centre hospitalier Laënnec de Creil a mis à disposition du Service d'Aide aux Toxicomanes (SATO), association relevant de la loi de 1901, une infirmière à mi-temps et un médecin à concurrence de 75 % de son temps de travail. Par un avenant à cette convention, signé le 16 avril 2002, la quotité du service accompli par l'infirmière au sein du SATO a été portée à 90 %, les 40 % supplémentaires étant pris en charge par l'association. Par une convention signée le 3 mai 2004, les mêmes parties ont prévu que le centre hospitalier Laënnec de Creil mettrait à disposition du SATO un médecin, à hauteur de 70 % de son temps de travail. Le 22 janvier 2009, le centre hospitalier Laënnec de Creil a émis un premier titre de recettes à l'encontre du SATO, d'un montant de 107 989 euros, concernant des " frais de fonctionnement antérieurs " afférents aux années 2004 à 2007, correspondant à la rémunération d'une fraction du temps de travail accompli par l'infirmière et par le praticien hospitalier au sein du SATO durant cette période. Le 1er juillet 2009, le centre hospitalier Laënnec de Creil a émis un second titre de recettes, d'un montant de 94 456,36 euros, concernant des " frais de fonctionnement antérieurs " afférents à l'année 2008, correspondant à la rémunération du temps de travail accompli par l'infirmière et par le praticien hospitalier au sein du SATO au cours de cette année. Le 28 février 2013, le SATO a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler ces deux titres de recettes et de condamner le Groupe hospitalier public du sud de l'Oise (GHPSO), venant aux droits et obligations du centre hospitalier Laënnec de Creil, à lui rembourser la somme de 15 115,50 euros correspondant à la moitié du salaire annuel d'une infirmière recrutée dans le cadre d'une convention de mise à disposition signée le 6 novembre 2009. Le GHPSO relève appel du jugement du 17 décembre 2015 en tant que le tribunal a fait droit aux conclusions dirigées par le SATO contre le titre de recettes du 22 janvier 2009. Le SATO demande à la cour, par la voie de l'appel incident, d'annuler le jugement du 17 décembre 2015 en tant que le tribunal a rejeté le surplus de ses conclusions de première instance et d'annuler, en conséquence, le titre de recettes du 1er juillet 2009.
Sur l'appel principal du groupe hospitalier public du sud de l'Oise :
En ce qui concerne la fin de non-recevoir opposée par le SATO :
2. Il ressort du dossier de première instance que le jugement contesté a été notifié au GHPSO le 21 décembre 2015. La requête d'appel a été enregistrée au greffe de la cour par télécopie le 22 février 2016 et régularisée le lendemain par la production de l'original. Elle a, ainsi, été déposée dans le délai de deux mois prévu par les dispositions de l'article R. 811-2 du code de justice administrative et n'est, contrairement à ce que soutient le SATO, pas tardive.
En ce qui concerne la recevabilité des conclusions de première instance dirigées contre le titre de recettes du 22 janvier 2009 :
3. Aux termes de l'article R. 421-5 du code de justice administrative : " Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision ". Aux termes du 2° de l'article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales : " L'action dont dispose le débiteur d'une créance assise et liquidée par une collectivité territoriale ou un établissement public local pour contester directement devant la juridiction compétente le bien-fondé de ladite créance se prescrit dans le délai de deux mois suivant la réception du titre exécutoire ou, à défaut, du premier acte procédant de ce titre ou de la notification d'un acte de poursuite ". Il en résulte que le non-respect de l'obligation d'informer le débiteur sur les voies et les délais de recours, prévue par la première de ces dispositions, ou l'absence de preuve qu'une telle information a été fournie, est de nature à faire obstacle à ce que le délai de forclusion, prévu par la seconde, lui soit opposable.
4. Toutefois, le principe de sécurité juridique, qui implique que ne puissent être remises en cause sans condition de délai des situations consolidées par l'effet du temps, fait obstacle à ce que puisse être contestée indéfiniment une décision administrative individuelle qui a été notifiée à son destinataire, ou dont il est établi, à défaut d'une telle notification, que celui-ci a eu connaissance. En une telle hypothèse, si le non-respect de l'obligation d'informer l'intéressé sur les voies et les délais de recours, ou l'absence de preuve qu'une telle information a bien été fournie, ne permet pas que lui soient opposés les délais de recours fixés par le code général des collectivités territoriales, le destinataire de la décision ne peut exercer de recours juridictionnel au-delà d'un délai raisonnable.
5. S'agissant des titres exécutoires, sauf circonstances particulières dont se prévaudrait son destinataire, le délai raisonnable ne saurait excéder un an à compter de la date à laquelle le titre, ou à défaut, le premier acte procédant de ce titre ou un acte de poursuite a été notifié au débiteur ou porté à sa connaissance.
6. La règle énoncée ci-dessus, qui a pour seul objet de borner dans le temps les conséquences de la sanction attachée au défaut de mention des voies et délais de recours, ne porte pas atteinte à la substance du droit au recours, mais tend seulement à éviter que son exercice, au-delà d'un délai raisonnable, ne mette en péril la stabilité des situations juridiques et la bonne administration de la justice, en exposant les défendeurs potentiels à des recours excessivement tardifs. Il appartient, dès lors, au juge administratif d'en faire application au litige dont il est saisi, quelle que soit la date des faits qui lui ont donné naissance.
S'agissant de l'opposabilité du délai de deux mois prévu par les dispositions de l'article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales :
7. Il résulte de l'instruction que le SATO a reçu notification, le 26 janvier 2009, du titre de recettes émis le 22 janvier 2009 par le centre hospitalier Laënnec de Creil pour avoir paiement de la somme de 107 989 euros, comme l'atteste le cachet d'arrivée apposé sur la copie conforme formant avis de sommes à payer qui lui a été adressée par le comptable public. D'une part, le recto de ce document constituant l'ampliation prévue par les dispositions du 4° de l'article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales, dont une copie est produite par le SATO, ne renvoyait au verso qu'en ce qui concerne l'indication des modalités de paiement et non de contestation du titre de recettes. Ainsi, en se bornant à affirmer que l'ensemble des titres de recettes qu'il émet sont tous édités selon le même modèle comportant au verso l'indication des voies et délais de recours, comme celui émis le 1er juillet 2009 et produit par le SATO lui-même, et à se prévaloir d'un courriel émanant du trésorier de la trésorerie municipale de Creil, selon lequel seul le destinataire détient l'exemplaire unique de l'avis de sommes à payer qui lui est adressé, le GHPSO ne peut être regardé comme établissant que les mentions prévues par l'article R. 421-5 du code de justice administrative figuraient sur la notification du titre de recettes du 22 janvier 2009. D'autre part, il ne résulte pas de l'instruction, et n'est d'ailleurs pas allégué, que le titre de recettes du 22 janvier 2009 aurait donné lieu à une décision expresse de rejet d'un recours gracieux assortie de l'indication des voies et délais de recours ou à l'envoi d'un acte de poursuites comportant cette indication, la mise en demeure de payer envoyée par le comptable public le 27 décembre 2012 ne constituant qu'un préalable aux poursuites adressée au débiteur conformément au 5° de l'article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales. Dès lors, le délai de recours de deux mois prévu par les dispositions du 2° de ce même article n'est pas opposable.
S'agissant du délai raisonnable imparti au SATO pour contester le titre de recettes du 22 janvier 2009 :
8. Ainsi qu'il a été dit au point 7, le SATO a reçu notification du titre de recettes du 22 janvier 2009 le 26 janvier 2009. Le point de départ du délai raisonnable au-delà duquel il ne pouvait exercer de délai de recours juridictionnel doit donc être fixé à cette date.
9. Pour soutenir que le recours contentieux qu'il a introduit le 28 février 2013 l'a été dans un délai raisonnable excédant en l'espèce un an, le SATO fait valoir que sa situation juridique n'a été fixée que lorsqu'il a reçu, le 28 décembre 2012, la mise en demeure de payer qui lui a été adressée par le comptable public le 27 décembre 2012. Il résulte de l'instruction qu'à la suite de l'intervention de la direction départementale des affaires sanitaires et sociales de l'Oise, saisie par un courrier du SATO du 2 mars 2009, le centre hospitalier Laënnec de Creil a informé l'association, par un courrier du 24 juin 2009 puis au cours d'une réunion du 28 septembre 2009, que si l'entrée en vigueur du système de tarification à l'activité, et la disparition corrélative de la dotation de fonctionnement qui avait permis la conclusion des conventions de mise à disposition de 2001 et de 2004, avaient rendu celles-ci caduques, l'allocation par l'agence régionale de l'hospitalisation de Picardie d'une nouvelle dotation de 100 000 euros permettrait tant la poursuite de leur coopération, que l'apurement progressif de la dette antérieure. Le centre hospitalier Laënnec de Creil a également fait connaître au SATO, à ces occasions, que, dans l'attente, il demandait au comptable public de suspendre le recouvrement des titres de recettes du 22 janvier 2009 et du 1er juillet 2009. Une nouvelle convention prévoyant au profit du SATO la mise à disposition à temps partiel, par le centre hospitalier Laënnec de Creil, d'un médecin et d'une infirmière a, dans ce cadre, été signée le 6 novembre 2009. Ainsi, compte tenu des perspectives sérieuses de résolution gracieuse du différend que lui laissait entrevoir le GHPSO, le SATO justifie de circonstances particulières de nature à influer sur la durée du délai raisonnable dans lequel il pouvait former une action contentieuse contre le titre de recettes du 22 janvier 2009. Cependant, par un courrier du 13 janvier 2012, envoyé en réaction à la demande par l'association d'une somme de 15 115,50 euros au titre de la convention de 2009, le GHPSO, venant aux droits du centre hospitalier Laënnec de Creil, lui a rappelé qu'elle restait débitrice pour les mises à dispositions antérieures d'une somme de 203 000 euros. Pour apprécier la durée du délai raisonnable de recours, il y a donc lieu de tenir compte de ce qu'à l'issue de deux années et demie durant lesquelles l'établissement a entretenu une ambiguïté sur l'éventualité d'une mise en recouvrement du titre recettes en litige, celle-ci ne pouvait plus être écartée par le SATO à compter de la réception, le 19 janvier 2012, du courrier du 13 janvier 2012.
10. Par ailleurs, le directeur du SATO n'étant pas habilité, en vertu des statuts de l'association, à former en son nom un recours gracieux, et ne justifiant à cet effet d'aucun mandat exprès, les courriers adressés sous sa signature au centre hospitalier Laënnec de Creil et au comptable public le 2 mars 2009 n'avaient pas le caractère d'un recours gracieux de nature à interrompre le délai raisonnable de recours juridictionnel ou susceptible, en tant que tel, d'être pris en compte pour déterminer la durée de ce délai. Il ne résulte pas de l'instruction qu'un autre recours gracieux, régulièrement formé, aurait été adressé au centre hospitalier Laënnec de Creil par le SATO.
11. Dans ces conditions, le délai raisonnable imparti au SATO pour exercer son recours contre le titre de recettes du 22 janvier 2009 était expiré, non seulement lorsque le tribunal administratif a été saisi, le 28 février 2013, soit plus de quatre ans après le 26 janvier 2009, date à laquelle l'association a eu connaissance du titre de recettes, mais encore et en tout état de cause, lorsque qu'elle a reçu, le 28 décembre 2012, la mise en demeure de payer ce titre de recettes, laquelle comportait la mention erronée qu'il disposait encore à cet effet d'un délai de recours de deux mois. Ainsi, sa demande dirigée contre le titre de recettes du 22 janvier 2009 était tardive et, par suite, irrecevable.
12. Il résulte de tout ce qui précède que le GHPSO est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal a fait droit à la demande du SATO tendant à l'annulation du titre de recettes du 22 janvier 2009.
Sur l'appel incident :
En ce qui concerne les conclusions d'appel incident relatives au titre de recettes du 1er juillet 2009 :
13. Il ressort des pièces du dossier que le titre de recettes daté du 1er juillet 2009, reçu par le SATO le 15 juillet 2009, comportait l'indication des voies et délais de recours. Par ailleurs, le courrier du 27 juillet 2009 adressé par le SATO au centre hospitalier Laënnec de Creil, qui ne comportait pas de demande d'annulation du titre de recettes, mais une simple demande d'explication, et qui a donné lieu à une rencontre entre les deux organismes, ne constituait pas un recours gracieux de nature à interrompre le délai de recours contentieux de deux mois prévu par les dispositions de l'article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales. Ainsi, les conclusions tendant à l'annulation de ce titre de recettes, enregistrées le 28 février 2013 au greffe du tribunal administratif d'Amiens, étaient tardives et, par suite, irrecevables.
14. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir opposées par le GHPSO, que le SATO n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal a rejeté sa demande en annulation du titre de recettes du 1er juillet 2009.
En ce qui concerne les conclusions d'appel incident relatives au paiement d'une somme de 15 115,50 euros :
15. La demande de paiement d'une somme de 15 115,50 euros adressée par le SATO au centre hospitalier Laënnec de Creil est relative à l'exécution d'une convention de mise à disposition signée le 6 novembre 2009. Elle soulève un litige distinct de celui, objet de l'appel principal, relatif à la créance en vue desquels les titres de recettes du 22 janvier 2009 et du 1er juillet 2009 ont été émis, dont l'objet était le remboursement des rémunérations versées à des personnels mis à disposition du SATO en vertu de conventions de mise à disposition signées le 10 janvier 2001 et le 3 mai 2004. Il s'ensuit, à supposer que le SATO puisse être regardé comme ayant demandé l'annulation du jugement du tribunal administratif d'Amiens en tant qu'il a rejeté sa demande en paiement de la somme de 15 115,50 euros, que de telles conclusions d'appel incident sont irrecevables.
Sur les conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
16. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du GHPSO, qui n'est pas la partie perdante, la somme que le SATO demande au titre des frais exposés par lui tant en première instance qu'en appel et non compris dans les dépens.
17. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge du SATO les frais exposés par le GHPSO tant en première instance qu'en appel et non compris dans les dépens, sur le fondement de ces mêmes dispositions.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1300511 du 17 décembre 2015 du tribunal administratif d'Amiens est annulé en tant qu'il prononce l'annulation du titre de recettes d'un montant de 107 989 euros, émis le 22 janvier 2009 par le centre hospitalier Laënnec de Creil à l'encontre du Service d'Aide aux Toxicomanes de l'Oise et qu'il met à la charge du groupe hospitalier public du Sud de l'Oise la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 2 : Le surplus des conclusions présentées par les parties est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au groupe hospitalier public du Sud de l'Oise et à l'association " le Service d'Aide aux Toxicomanes ".
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N°16DA00402