Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Elysée Cosmétiques a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler le titre exécutoire émis à son encontre le 31 décembre 2010 par la région Lorraine en vue de recouvrer la somme de 50 259,50 euros.
Par un jugement n° 1101275 du 19 novembre 2013, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 17 janvier 2014, et un mémoire en réplique enregistré le 8 mai 2015, la société Elysée Cosmétiques, représentée par MeC..., demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 19 novembre 2013 ;
2°) d'annuler le titre exécutoire émis le 31 décembre 2010 et de la décharger de la somme de 50 259,50 euros ;
3°) de mettre à la charge de la région Lorraine la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le titre exécutoire litigieux ne mentionne pas les voies et délais de recours et ne comporte pas de signature ;
- il ne mentionne ni l'identité, ni la qualité de son auteur, en méconnaissance de l'article 4 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations ;
- l'administration ne saurait se prévaloir de ce que ces mentions figureraient sur le bordereau-journal, lequel ne lui a pas été communiqué ;
- le titre exécutoire litigieux a été pris en méconnaissance du 4ème alinéa de l'article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales ;
- il appartenait aux premiers juges de soulever d'office le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte attaqué ;
- l'administration ne justifie pas de la compétence de l'auteur de l'acte attaqué ;
- la région Lorraine ne justifie pas du montant de la somme réclamée dès lors que seule une somme de 35 165 euros a été perçue par la société selon son compte-rendu d'exécution du plan de formation ;
- celui-ci a été transmis à l'administration, accompagné des pièces demandées ;
- la convention de formation professionnelle liant les parties ne prévoit pas de restitution de la subvention litigieuse dans l'hypothèse d'un défaut ou d'un retard de transmission des pièces justificatives ;
- la créance dont se prévaut la région est éteinte, faute d'avoir été déclarée dans le délai de deux mois à compter de la publication du jugement d'ouverture de la procédure de sauvegarde ou d'avoir fait l'objet d'un relevé de forclusion.
Par un mémoire en défense enregistré le 22 janvier 2015, et un mémoire enregistré le 16 septembre 2015, la région Lorraine, représentée par la société d'avocats Seban et associés, conclut au rejet de la requête et à la condamnation de la société requérante à lui verser la somme de 3 450 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La région Lorraine fait valoir que :
- le défaut de mention des voies et délais de recours dans la décision attaquée est sans incidence sur sa légalité ;
- le bordereau-journal du titre exécutoire mentionne l'identité, la qualité et la signature de son auteur ;
- les moyens de légalité externe sont irrecevables, faute d'avoir été soulevés devant les premiers juges ;
- l'auteur de l'acte attaqué est compétent ;
- la loi n° 2005-845 du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises a supprimé le principe selon lequel les créances sur les entreprises en liquidation sont éteintes en l'absence de déclaration dans le délai réglementaire ;
- le moyen tiré de ce que la créance litigieuse serait éteinte est inopérant ;
- l'administration justifie de ce que la société requérante a perçu la somme dont le remboursement lui est demandé.
Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt est susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de ce que les moyens de légalité externe, qui ne sont pas d'ordre public, selon lesquels la décision attaquée ne comporte ni la signature, ni l'identité, ni la qualité de son auteur sont irrecevables, dès lors qu'ils relèvent d'une cause juridique différente des moyens de légalité interne soulevés dans la requête introductive d'instance présentée devant le tribunal administratif.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de commerce ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Guérin-Lebacq,
- les conclusions de M. Collier, rapporteur public,
- et les observations de MeA..., pour la région Lorraine.
1. Considérant que la région Lorraine a émis le 31 décembre 2010 un titre exécutoire à l'encontre de la société Elysée Cosmétiques, pour un montant de 50 259,50 euros, en vue de recouvrer le trop perçu d'une subvention versée à cette société au cours de l'année 2007 ; que la société Elysée Cosmétiques relève appel du jugement du 19 novembre 2013 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ce titre exécutoire ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Considérant que si le titre exécutoire litigieux notifié à la société requérante ne mentionne ni l'identité, ni la qualité de son auteur, et ne comporte pas la signature de celui-ci, ces circonstances n'étaient pas à elles seules de nature à faire apparaître, en l'état du dossier soumis au premiers juges, que la décision attaquée était entachée d'incompétence ; que dans ces conditions, la société Elysée Cosmétiques, laquelle ne contestait en première instance que le bien-fondé de la créance, n'est pas fondée à soutenir que le tribunal administratif aurait omis, à tort, de soulever d'office le moyen d'ordre public tiré de l'incompétence de l'auteur du titre exécutoire émis à son encontre ;
Sur le bien fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne la régularité du titre exécutoire :
3. Considérant, en premier lieu, que par un arrêté du 9 juillet 2010, le président du conseil régional de Lorraine a donné délégation à MmeB..., directrice du secteur du budget, pour signer, notamment, les mandats et bordereaux de dépenses et de recettes du budget de la région ; qu'ainsi, le moyen tiré de ce que l'acte attaqué serait entaché d'incompétence doit être écarté ;
4. Considérant, en second lieu, que la société Elysée Cosmétiques n'avait, en première instance, présenté que des moyens de légalité interne contre le titre exécutoire litigieux ; qu'ainsi, elle n'est pas recevable, en appel, à soutenir que l'acte attaqué omettrait de mentionner les voies et délais de recours, la signature de son auteur, ainsi que l'identité et la qualité de celui-ci, dès lors que ces moyens de légalité externe ne sont pas d'ordre public et reposent sur une cause juridique différente de celle qui fondait ses moyens soulevés devant les premiers juges ;
En ce qui concerne le bien-fondé de la créance :
5. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 622-21 du code de commerce : " I.- Le jugement d'ouverture [de la procédure de sauvegarde] interrompt ou interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers dont la créance n'est pas mentionnée au I de l'article L. 622-17 et tendant : 1° A la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent ; 2° A la résolution d'un contrat pour défaut de paiement d'une somme d'argent. / II.- Il arrête ou interdit également toute procédure d'exécution de la part de ces créanciers tant sur les meubles que sur les immeubles ainsi que toute procédure de distribution n'ayant pas produit un effet attributif avant le jugement d'ouverture. / III.- Les délais impartis à peine de déchéance ou de résolution des droits sont en conséquence interrompus (...) " ; qu'en application de l'article L. 622-26 du même code, à défaut de déclaration dans les délais prévus aux articles R. 622-21 et suivants, " les créanciers ne sont pas admis dans les répartitions et les dividendes à moins que le juge-commissaire ne les relève de leur forclusion s'ils établissent que leur défaillance n'est pas due à leur fait ou qu'elle est due à une omission volontaire du débiteur " ;
6. Considérant que les dispositions précitées du code de commerce, d'où résulte l'obligation qui s'impose aux personnes publiques comme à tous les autres créanciers de déclarer leurs créances dans les conditions et délais fixés, n'ont pas pour effet d'empêcher l'émission d'un titre de perception exécutoire, lequel a pour objet de liquider et rendre exigible la dette dont est redevable un particulier à l'égard d'une personne publique et intervient sans préjudice des suites que la procédure judiciaire, engagée à l'égard du débiteur en application des dispositions dudit code, est susceptible d'avoir sur le recouvrement de la créance en cause ; que, par suite, la société Elysée Cosmétiques n'est pas fondée à invoquer à l'appui de ses conclusions tendant à l'annulation du titre exécutoire attaqué la circonstance qu'une procédure de sauvegarde a été ouverte à son encontre par un jugement du tribunal de grande instance de Sarreguemines du 24 mars 2009, lequel est sans incidence sur la validité de ce titre exécutoire ; qu'elle n'est pas fondée non plus à invoquer la forclusion qui serait intervenue en application de l'article L. 622-26 du code du commerce ;
7. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 2 de la convention de formation professionnelle signée le 20 novembre 2006 entre la société Elysée Cosmétiques et le président du conseil régional de Lorraine : " La région Lorraine apporte au bénéficiaire une aide financière d'un montant total de 163 955 euros pour le financement de ses plans de formation 2006 et 2007 (...) " ; qu'en application de la décision de la commission permanente du conseil régional en date du 29 septembre 2006, le montant de la subvention prévue pour l'année 2007 s'établit à 100 519 euros ; qu'aux termes de l'article 3 de la convention du 20 novembre 2006 : " En exécution de la présente convention, le bénéficiaire s'engage : (...) à réaliser ou à faire réaliser les plans de formation prévus en annexe (...) au plus tard le 31 décembre de l'année correspondante à chacun de ces plans / (...) à produire dès la fin de chacun des plans de formation et dans un délai maximum de 3 mois le compte-rendu d'exécution des actions conventionnées, accompagné des pièces justificatives attestant de sa participation financière et des émargements des stagiaires " ;
8. Considérant, d'une part, que la société requérante soutient que l'administration ne justifie pas lui avoir versé une subvention de 50 259,50 euros, alors que son compte-rendu d'exécution du plan de formation pour l'année 2007 mentionne un montant de 35 165 euros ; que toutefois, il résulte de l'instruction, notamment des courriers échangés avec les services de la région Lorraine après l'émission du titre exécutoire litigieux et des documents comptables produits en défense par l'administration, que la moitié de la subvention prévue au titre de l'année 2007, soit 50 259,50 euros, lui a été versée en exécution de la convention du 20 novembre 2006 ;
9. Considérant, d'autre part, qu'il résulte des stipulations citées au point 7 que l'octroi de cette subvention était subordonné à la réalisation, par la société Elysée Cosmétiques, des plans de formation prévus au titre de l'année 2007, dûment justifiée dans les conditions prévues à l'article 3 de la convention du 20 novembre 2006 ; que la société requérante se borne à faire état d'un compte-rendu d'exécution, sans produire ni les pièces justificatives de sa participation financière, telles les factures établies par les organismes de formation, ni les listes d'émargement des stagiaires attestant de leur participation aux formations ; qu'elle n'apporte à l'instance aucun élément de nature à établir que ces justificatifs auraient été transmis à l'administration dans les conditions prévues par la convention du 20 novembre 2006 ; qu'en outre, le compte-rendu d'exécution dont elle se prévaut ne se réfère que très partiellement aux plans de formation annexés à la convention ; qu'ainsi, la société requérante ne justifie pas avoir réalisé les plans de formation prévus pour l'année 2007 ; que, par suite, l'administration pouvait légalement émettre à son encontre un titre exécutoire en vue d'obtenir la restitution de la subvention ;
10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Elysée Cosmétiques n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société requérante une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la région Lorraine et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la société Elysée Cosmétiques est rejetée.
Article 2 : la société Elysée Cosmétiques versera à la région Lorraine une somme de 1 500 (mille cinq cents) euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Elysée Cosmétiques et à la région Lorraine.
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N° 14NC00182