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10/07/2025 | FRANCE | N°24VE02987

France | France, Cour administrative d'appel de VERSAILLES, Pôle etrangers, 10 juillet 2025, 24VE02987


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler l'arrêté du 24 juillet 2024 par lequel la préfète de l'Essonne a procédé au retrait de sa carte de résident, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il sera éloigné.



Par un jugement n° 2407150 du 11 octobre 2024, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Versailles

a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



Par une requête et des pièces complé...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler l'arrêté du 24 juillet 2024 par lequel la préfète de l'Essonne a procédé au retrait de sa carte de résident, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il sera éloigné.

Par un jugement n° 2407150 du 11 octobre 2024, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des pièces complémentaires, enregistrées les 15 et 23 novembre 2024, M. B..., représenté par Me Akman, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer un récépissé, sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les dispositions de l'article L. 424-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ont été méconnues, dès lors que sa présence en France ne représente pas une menace grave pour l'ordre public ;

- l'arrêté contesté méconnait les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Pour un mémoire en défense enregistré le 11 mars 2025, la préfète de l'Essonne conclut au rejet de la requête.

La préfète fait valoir que les moyens ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention internationale des droits de l'enfant ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Dorion,

- et les observations de Me Akman pour M. B....

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant russe né le 21 janvier 1993, entré en France le 23 mars 2010, a été reconnu réfugié par une décision du 20 décembre 2013 de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) et mis en possession d'une carte de résident valable jusqu'au 26 octobre 2024. Par une décision du 28 novembre 2019, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) lui a retiré le bénéfice du statut de réfugié après qu'il ait été contrôlé en sortie de l'espace Schengen en direction de la Russie en possession d'un passeport délivré par les autorités russes le 9 janvier 2014. Par l'arrêté contesté du 24 juillet 2024, la préfète de l'Essonne a procédé au retrait de sa carte de résident, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. M. B... relève appel du jugement du 11 octobre 2024 par lequel le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 424-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'il est mis fin au statut de réfugié par décision définitive de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou par décision de justice ou lorsque l'étranger renonce à ce statut, la carte de résident prévue aux articles L. 424-1 et L. 424-3 est retirée. / L'autorité administrative statue sur le droit au séjour des intéressés à un autre titre dans un délai fixé par décret en Conseil d'Etat. / Sous réserve de menace grave à l'ordre public ou que l'intéressé ne soit pas retourné volontairement dans le pays qu'il a quitté ou hors duquel il est demeuré de crainte d'être persécuté, la carte de résident ne peut être retirée en application du premier alinéa quand l'étranger est en situation régulière depuis au moins cinq ans. "

3. Il est constant que, pour retirer la carte de résident dont M. B... était titulaire depuis plus de cinq ans, la préfète s'est fondée sur la circonstance que l'OFPRA a mis fin à la protection en qualité de réfugié dont il bénéficiait, au motif qu'il avait été contrôlé en sortie de l'espace Schengen le 22 janvier 2016, vers la Russie, puis le 7 mars 2016 en provenance de Moscou, avec un passeport délivré par les autorités russes le 9 janvier 2014, postérieurement à la date de reconnaissance de son statut de réfugié, alors qu'il avait été reconnu réfugié en raison de ses craintes de persécutions par ces autorités. Il s'ensuit qu'alors même que la présence en France de l'intéressé ne représenterait pas une menace pour l'ordre public, la préfète de l'Essonne, qui pouvait procéder au retrait de la carte de résident de M. B... au seul motif que l'intéressé est retourné volontairement en Russie, n'a pas fait une inexacte application des dispositions de l'article L. 424-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. "

5. M. B... fait valoir qu'il est entré sur le territoire français à l'âge de dix-sept ans, le 23 mars 2010, accompagné de son père et sa mère, ainsi que de l'ensemble de sa fratrie, et que sont présents en France son épouse et ses quatre enfants nés en France, dont trois sont porteurs d'un handicap. Il ressort toutefois des pièces du dossier que son épouse, de même nationalité, fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français et il ne peut être regardé comme établi par les quelques pièces médicales produites au dossier que les enfants du requérant, dont trois sont atteintes de surdité, ne pourraient bénéficier d'une prise en charge adaptée hors de France, notamment dans le pays dont ils ont la nationalité et dans lequel le requérant est retourné encore récemment. S'il soutient qu'il travaille à mi-temps, il ne produit aucune pièce à l'appui de cette allégation. En outre, il a fait l'objet d'une condamnation à 400 euros d'amende pour conduite d'un véhicule sans permis et apparait au fichier du traitement des antécédents judiciaires pour des faits de refus par le conducteur d'un véhicule d'obtempérer à une sommation de s'arrêter et de port sans motif légitime d'arme blanche ou incapacitante de catégorie D commis le 7 février 2018. Dans ces conditions, en procédant au retrait de la carte de résident de M. B... et en lui faisant obligation de quitter le territoire français, la préfète de l'Essonne n'a pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales n'est pas fondé.

6. Aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990, publiée par décret du 8 octobre 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. "

7. Dans les circonstances de fait rappelées au point 5 du présent arrêt, dès lors que rien ne s'oppose à ce que la vie familiale des enfants de M. B... et de leurs parents se poursuive hors de France, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant doit être écarté.

8. En dernier lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. "

9. Au soutien de son moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, M. B... se prévaut de sa vie privée et familiale et de la circonstance que trois de ses enfants, nées les 7 juillet 2015, 14 mai 2017 et 16 septembre 2018, sont atteintes d'une surdité profonde. Toutefois, ainsi qu'il a été dit, il ne ressort pas des attestations peu circonstanciées produites au dossier que les enfants du requérant ne pourraient pas bénéficier hors de France d'une prise en charge adaptée. Par suite, le moyen ne peut qu'être écarté.

10. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande. La requête doit par suite être rejetée, y compris ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte et celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre d'État, ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée à la préfète de l'Essonne.

Délibéré après l'audience du 26 juin 2025, à laquelle siégeaient :

Mme Dorion, présidente,

Mme Bruno-Salel, présidente-assesseure,

M. Ablard, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 juillet 2025.

La présidente-assesseure,

C. Bruno-SalelLa présidente-rapporteure,

O. Dorion

La greffière,

C. Yarde

La République mande et ordonne au ministre d'État, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 24VE02987


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de VERSAILLES
Formation : Pôle etrangers
Numéro d'arrêt : 24VE02987
Date de la décision : 10/07/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme DORION
Rapporteur ?: Mme Odile DORION
Rapporteur public ?: M. de MIGUEL
Avocat(s) : AKMAN

Origine de la décision
Date de l'import : 20/08/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-07-10;24ve02987 ?
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