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06/02/2002 | FRANCE | N°00-60488

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 06 février 2002, 00-60488


Sur le moyen unique :

Attendu que, par requête en date du 6 octobre 2000, Mme C..., MM. Z..., A..., D..., B... et le Comité d'établissement du Crédit commercial de France de Nice ont saisi le tribunal d'instance afin de voir annuler les élections des administrateurs salariés du Crédit commercial de France (CCF) intervenues entre le 20 août et le 21 septembre 2000 et, subsidiairement, annuler l'élection de Mme Evelyne Y... et déclarer irrégulière la liste " indépendants 1 " au motif que certaines irrégularités auraient été commises ;

Attendu qu'il est fait grief a

u jugement attaqué (tribunal d'instance du 8e arrondissement de Paris, 11 dé...

Sur le moyen unique :

Attendu que, par requête en date du 6 octobre 2000, Mme C..., MM. Z..., A..., D..., B... et le Comité d'établissement du Crédit commercial de France de Nice ont saisi le tribunal d'instance afin de voir annuler les élections des administrateurs salariés du Crédit commercial de France (CCF) intervenues entre le 20 août et le 21 septembre 2000 et, subsidiairement, annuler l'élection de Mme Evelyne Y... et déclarer irrégulière la liste " indépendants 1 " au motif que certaines irrégularités auraient été commises ;

Attendu qu'il est fait grief au jugement attaqué (tribunal d'instance du 8e arrondissement de Paris, 11 décembre 2000) d'avoir rejeté cette demande, alors, selon le moyen :

1° que les salariés qui, en raison des pouvoirs qu'ils détiennent, peuvent être assimilés au chef d'entreprise, sont exclus du droit d'être électeurs, quelle que soit l'institution représentative en cause ; que le tribunal d'instance, qui se contente d'affirmer, pour admettre l'égibilité du directeur de succursale, M. X..., que celui-ci n'a aucun pouvoir d'embauche, disciplinaire, ou de licenciement, sans s'expliquer sur l'existence et la portée de la délégation de pouvoirs en date du 23 juillet 1998, produite aux débats, par laquelle le directeur des affaires bancaire en France du CCF conférait au directeur de la succursale de Reims tous ses pouvoirs de direction, de contrôle, de discipline en matière de conditions de travail, de repos et de congés concernant le personnel relevant de son autorité, le tribunal d'instance a ainsi privé sa décision de base légale au regard de l'article 97-2 de la loi du 24 juillet 1966 ;

2° que, si l'affichage des listes électorales n'est pas une obligation d'ordre public de telle sorte qu'il est possible de prévoir dans un protocole d'accord préélectoral que les listes seront simplement " tenues à la disposition des électeurs ", encore faut-il que le lieu et les modalités choisies permettent à tous les salariés d'avoir librement accès auxdites listes ; qu'en se bornant à relever, pour écarter la contestation soulevée à ce sujet par les salariés électeurs, que les listes électorales avaient été tenues à la disposition des électeurs conformément aux dispositions du protocole d'accord préélectoral sans rechercher si le fait que ces listes ne puissent être consultées qu'à la direction des relations sociales du CCF, située à La Défense, n'empêchait pas les électeurs, notamment des établissements de province, d'exercer librement leur droit de consultation, le tribunal d'instance a privé de nouveau sa décision de base légale au regard de l'article 97-2 de la loi du 24 juillet 1966, ensemble l'article 28 du Code électoral ;

3° que les salariés faisaient valoir que la période de vote par correspondance ayant été fixée entre le 22 août et le 20 septembre 2000, les opérations électorales avaient ainsi débuté avant la date prévue pour l'établissement des listes électorales définitives, fixée au 6 septembre 2000 ; que le tribunal d'instance, qui n'a pas répondu à ce moyen de nature à établir l'existence d'une nouvelle irrégularité entâchant le scrutin, a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

4° que le vote par correspondance, en vertu des principes généraux du droit électoral, ne peut être utilisé que dans des circonstances exceptionnelles ; que, pour valider en l'espèce l'organisation d'un vote par correspondance pour l'ensemble du personnel, prévue par le protocole d'accord préélectoral, le tribunal d'instance a retenu que ce procédé se justifiait par la nécessité de centraliser les résultats d'un scrutin intéressant pour près de 6 000 salariés dispersés sur le territoire en 40 établissements et 248 implantations géographiques ; qu'en se fondant sur de tels motifs qui ne caractérisent pas les circonstances exceptionnelles autorisant à recourir de façon généralisée à un système de vote dérogatoire, le tribunal d'instance a violé l'article 97-2 de la loi du 24 juillet 1966 ;

5° que les salariés électeurs soutenaient, d'une part, que l'instauration d'un vote par correspondance pour l'ensemble du personnel avait entraîné une baisse de la participation électorale en comparaison des précédentes élections, d'autre part, que l'envoi dans le collège " technicien " de 119 enveloppes sans cartes d'émargement ou avec une carte non signée, sur un nombre de 1 864 votants, et dans le collège " cadres " de 59 enveloppes sans carte d'émargement, avait eu une incidence sur les résultats du scrutin aussi bien dans le 1er collège où l'une des listes de présence avait obtenu un élu pour un écart de 26 voix que dans le second collège où un siège avait été attribué avec un écart de 8 voix ; que le tribunal d'instance, qui écarte la possibilité que l'utilisation du vote par correspondance ait pu fausser les résultats du scrutin, sans s'expliquer sur le faible écart existant entre les suffrages recueillis par les listes en présence, a, encore une fois, privé sa décision de base légale au regard de l'article 97-2 de la loi du 24 juillet 1966, entaché sa décision d'un défaut de réponse à conclusions en violation de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

6° qu'enfin, en vertu des principes généraux du droit électoral applicables aux élections des administrateurs salariés dans les sociétés anonymes, le secret et la sincérité du scrutin sont garantis par le droit de contrôle reconnu aux électeurs, seuls chargés de veiller au bon déroulement des opérations de vote et de participer au dépouillement des votes ; qu'en décidant néanmoins que la mise en place, au siège d'une société de prestataires de services privés et sous la seule présence des bureaux de vote et d'une " Commission d'élection ", d'un système de dépouillement automatique des votes était licite, le tribunal d'instance a violé l'article 97-2 de la loi du 24 juillet 1966, ensemble l'article 65 du Code électoral ;

Mais attendu, d'abord, qu'il résulte de l'article L. 513-1 du Code du travail que seuls les cadres détenant sur un service, un département ou un établissement de l'entreprise, une délégation particulière d'autorité établie par écrit permettant de les assimiler à un chef d'entreprise, sont exclus de l'électorat et de l'éligibilité aux fonctions de représentants du personnel pour la durée d'exercice de cette délégation particulière ; que, dès lors, le tribunal d'instance, qui a relevé que M. X... n'était responsable que d'une succursale et qu'il n'avait pas de pouvoir d'embaucher, de sanctionner ni de licencier, a pu décider qu'il pouvait être valablement électeur et éligible ;

Attendu, ensuite, que le tribunal d'instance a justement relevé que les électeurs avaient été mis à même de consulter les listes électorales ;

Attendu, encore, que le tribunal d'instance, qui n'avait pas à répondre à des conclusions inopérantes, après avoir constaté qu'il n'était pas contesté que les listes électorales avaient été tenues à la disposition des électeurs conformément aux dispositions du protocole d'accord électoral, a retenu que l'utilisation du vote par correspondance, qui avait été prévu par ledit protocole adopté à l'unanimité, se justifiait par la nécessité de centraliser de la façon la plus sûre les résultats d'un scrutin intéressant près de six mille électeurs dispersés sur tout le territoire national en quarante établissements et deux cent quarante-huit implantations géographiques et que le matériel utilisé garantissait le secret du vote ;

Attendu, enfin, qu'après avoir relevé que les votes et spécialement les opérations d'émargement et de dépouillement avaient eu lieu sous le contrôle effectif de deux bureaux de vote composés d'électeurs et d'une commission électorale comprenant les représentants de chaque liste en présence, que toutes les garanties prévues par le protocole préélectoral avaient été respectées, le tribunal d'instance a pu décider que l'intervention d'un tiers, chargé d'opérations purement matérielles n'avait affecté ni la sincérité ni la loyauté des élections ;

D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Par ces motifs :

REJETTE le pourvoi.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 00-60488
Date de la décision : 06/02/2002
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Analyses

1° ELECTIONS PROFESSIONNELLES - Société anonyme - Conseil d'administration - Représentants des salariés - Liste électorale - Inscription - Conditions - Salarié de l'entreprise - Définition.

1° SOCIETE ANONYME - Conseil d'administration - Représentants des salariés - Opérations électorales - Modalités d'organisation et de déroulement - Liste électorale - Inscription - Conditions - Salarié de l'entreprise - Définition.

1° Le tribunal d'instance qui relève que le salarié dont l'éligibilité en tant qu'administrateur faisait l'objet d'une contestation n'était responsable que d'une succursale et qu'il n'avait pas le pouvoir d'embaucher, de sanctionner ni de licencier, peut décider que l'intéressé est valablement électeur et éligible aux dites fonctions.

2° ELECTIONS PROFESSIONNELLES - Société anonyme - Conseil d'administration - Représentants des salariés - Opérations électorales - Modalités d'organisation et de déroulement - Vote par correspondance - Organisation - Condition.

2° ELECTIONS PROFESSIONNELLES - Société anonyme - Conseil d'administration - Représentants des salariés - Opérations électorales - Modalités d'organisation et de déroulement - Protocole d'accord préélectoral - Conclusion - Règle d'unanimité - Domaine d'application 2° SOCIETE ANONYME - Conseil d'administration - Représentants des salariés - Opérations électorales - Modalités d'organisaiton et de déroulement - Vote par correspondance - Organisation - Condition.

2° L'utilisation du vote par correspondance pour l'ensemble du personnel peut, dès lors qu'il est prévu par un protocole préélectoral adopté à l'unanimité, se justifier par la nécessité de centraliser de la façon la plus sûre les résultats d'un scrutin intéressant près de six mille électeurs dispersés sur tout le territoire national en quarante établissements et deux cent quarante-huit implantations géographiques, le matériel utilisé garantissant par ailleurs le secret du vote.

3° ELECTIONS PROFESSIONNELLES - Société anonyme - Conseil d'administration - Représentants des salariés - Opérations électorales - Modalités d'organisation et de déroulement - Régularité - Contrôle - Bureau de vote - Composition - Portée.

3° SOCIETE ANONYME - Conseil d'administration - Représentants des salariés - Opérations électorales - Modalités d'organisation et de déroulement - Régularité - Contrôle - Bureau de vote - Composition - Portée.

3° Après avoir relevé que les votes et spécialement les opérations d'émargement et de dépouillement ont eu lieu sous le contrôle effectif de deux bureaux de vote composés d'électeurs et d'une commission électorale comprenant les représentans de chaque liste en présence, que toutes les garanties prévues par le protocole ont été respectées, le tribunal d'instance peut décider que l'intervention d'un tiers chargé d'opérations purement matérielles n'a affecté ni la sincérité ni la loyauté des élections.


Références :

1° :
Code du travail L513-1

Décision attaquée : Tribunal d'instance de Paris 8e, 11 décembre 2000


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 06 fév. 2002, pourvoi n°00-60488, Bull. civ. 2002 V N° 58 p. 54
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2002 V N° 58 p. 54

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Waquet, conseiller doyen faisant fonction. .
Avocat général : Avocat général : Mme Barrairon.
Rapporteur ?: Rapporteur : M. Coeuret.
Avocat(s) : Avocats : la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, la SCP Masse-Dessen, Georges et Thouvenin, la SCP Vier et Barthélemy.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2002:00.60488
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