IRRECEVABILITE et REJET des pourvois formés par :
- X... André, la société manufacture d'impression
X...
(Miva),
contre l'arrêt de la cour d'appel de Grenoble, chambre correctionnelle, en date du 17 septembre 1998, qui, pour pollution de cours d'eau, a condamné le premier à 50 000 francs d'amende, a ordonné une mesure de publication et a prononcé sur les intérêts civils.
LA COUR,
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Sur la recevabilité du pourvoi de la société Miva :
Attendu que la société Miva n'était pas partie en première instance ; qu'ayant néanmoins interjeté appel du jugement rendu le 17 juillet 1997 par le tribunal correctionnel, elle a été mise d'office hors de cause par la juridiction du second degré ; qu'il s'ensuit que son pourvoi n'est pas recevable ;
Sur le pourvoi d'André X... :
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 237-1 à L. 237-5 du Code rural, 427, 485, 512, 520, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a rejeté l'exception de nullité du procès-verbal de l'unité de gendarmerie du Pont de Beauvoisin, clos le 20 janvier 1996 et réceptionné au parquet de Chambéry le 9 février 1996 ;
" aux motifs que les dispositions de l'article L. 237-4 du Code rural ne concernent que les procès-verbaux dressés par les gardes-pêche et ne concernent pas les procédures établies par les officiers et agents de police judiciaire de la gendarmerie nationale qui, outre les dispositions du Code de procédure pénale, ne sont soumis qu'aux règles qui leurs sont propres (arrêt, page 3) ;
" alors que doivent être adressés, à peine de nullité, dans les 3 jours qui suivent leur clôture, au procureur de la République, tous les procès-verbaux constatant les infractions aux dispositions du titre III du Livre II du Code rural, et notamment à l'infraction prévue à l'article L. 232-2 dudit Code, dès lors qu'ils ont été établis par des personnes habilitées, au nombre desquelles figurent, en vertu de l'article L. 237-1 du même Code, les officiers et agents de police judiciaire énumérés aux articles 16, 20 et 21 du Code de procédure pénale ;
" qu'en estimant, au contraire, que seuls sont soumis aux formalités et délai prévus par l'article L. 237-4 et L. 237-5 du Code rural, les procès-verbaux dressés par les gardes-pêche pour en déduire que ces règles édictées à peine de nullité n'étaient pas applicables au procès-verbal de l'unité de gendarmerie du Pont de Beauvoisin, clos le 20 janvier 1996 et réceptionné au parquet de Chambéry le 9 février 1996, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision " ;
Attendu que, s'il est vrai, que les juges du second degré ont faussement interprété la portée de l'article L. 237-5 du Code rural imposant la transmission des procès-verbaux établis en application des dispositions du titre III du Livre II nouveau du Code rural dans le délai de 3 jours suivant leur clôture, à peine de nullité, ces dispositions concernant non pas seulement les gardes-pêche mais tous les officiers et agents de police judiciaire appelés à constater des infractions et à procéder à des enquêtes en application des textes réglementant la pêche en eau douce, la gestion et la protection des ressources piscicoles, l'arrêt n'encourt néanmoins pas la censure dès lors qu'il n'est ni établi ni même allégué par le demandeur que le retard prétendu dans la transmission du procès-verbal de gendarmerie ait porté atteinte à ses intérêts ;
Qu'il s'ensuit que le moyen doit être écarté ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 231-3, L. 231-6, L. 231-7, L. 232-2, L. 237-1 à L. 237-5 du Code rural, 427, 485, 512, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré André X... coupable de rejet en eau douce ou pisciculture de substance nuisible au poisson ou à sa valeur alimentaire ;
" aux motifs qu'il résulte jusqu'à inscription de faux des deux procès-verbaux ci-dessus régulièrement établis et signés respectivement par deux et trois gardes-pêche du Conseil supérieur de la pêche, et des débats devant le premier juge et la cour d'appel, que le 7 septembre 1995, la présence de nombreux poissons morts de toutes espèces a été constatée par les gardes-pêche dans le Guiers jusqu'à son confluent avec l'Ainan, puis dans ce ruisseau jusqu'à hauteur de l'usine Miva qui y est raccordée par un collecteur des différentes eaux usées des ateliers ; que cet établissement ne dispose d'aucun moyen d'épuration, pas même d'un bac, les eaux résiduaires sont déversées directement dans le milieu aquatique ; que les eaux en amont du trajet suivi par les eaux provenant de l'usine sont normales et la faune y est abondante, alors que la bio-masse est réduite au minimum à la station de référence de la Chanéaz, située 700 mètres à l'aval du rejet ; qu'il résulte, par ailleurs, de l'enquête préliminaire ci-dessus de la gendarmerie nationale que, le même jour, l'appareil automatique de prélèvement sur le rejet ne fonctionnait pas, par suite d'une panne, et que la bande de papier d'enregistrement automatique était en bout de rouleau depuis le 7 juin 1995 ; que les gendarmes ne sont pas intervenus pour constater directement la pollution, mais le lendemain pour vérifier les conditions du déversement ; que le collecteur à l'étanchéité douteuse était "rafistolé" de bric et de broc par des films plastiques tenant avec des adhésifs à emballages ainsi qu'il a été constaté par les gardes-pêche venus opérer des prélèvements complémentaires le 30 novembre 1995 ; qu'il résulte, par ailleurs, de l'avis du 18 avril 1996 du directeur général de l'Industrie, de la Recherche et de l'Environnement, que la construction d'une station d'épuration, imposée par arrêté de 1991 prorogé jusqu'en 1993, puis imposée par un arrêté préfectoral du 13 janvier 1995 imposant à la SA Manufacture d'Impression X... un délai d'un an pour y procéder, devait être encore repoussée en raison de difficultés financières de l'entreprise, qui ne peut compter, pour la financer, que sur la solidarité des autres sociétés du groupe et sur ses actionnaires ; que cet investissement était alors évalué à 7 millions de francs, dont un gros tiers environ de subvention possible, un gros tiers d'avance remboursable de l'agence de l'eau, et 2 millions de francs restant à financer ; qu'en cet état, et quand bien même il n'aurait été procédé à aucune expertise judiciaire sur les causes de l'importante mortalité du poisson constatée par les agents verbalisateurs, il est suffisamment établi que la cause de cette mortalité est à rechercher dans les déversements de l'usine Miva appartenant à la SA Manufacture d'Impression X... dont André X... est président et directeur général, dès lors qu'il est constaté par les gardes-pêche que le milieu aquatique est intact en amont du trajet suivi par les rejets de cette usine (arrêt, page 4) ;
" 1° alors que, dans ses conclusions d'appel (pages 13 et suivantes), André X... a fait valoir que les produits et les doses utilisés les 6 et 7 septembre 1995 étaient semblables à ceux utilisés tous les autres jours de l'année, sans avoir occasionné de pollution entraînant une mortalité piscicole, de sorte qu'en cet état, la pollution litigieuse ne pouvait être imputée à l'activité de la société Miva ;
" qu'ainsi, en déclarant le demandeur coupable des faits à lui reprochés, sans répondre à ce chef péremptoire des conclusions du prévenu, qui, à tout le moins, permettait raisonnablement de douter de sa culpabilité, la cour d'appel a violé l'article 593 du Code de procédure pénale ;
" 2° alors que, dans ses écritures d'appel (pages 16 et 17), le demandeur a souligné que les analyses effectuées à la suite des prélèvements opérés le 7 septembre 1995 démontraient la présence d'une dose importante de nitrate et de nitrite dans le prélèvement n° 1, effectué 400 mètres à l'amont de l'usine Miva, de sorte qu'en cet état, la mortalité piscicole avait nécessairement une cause étrangère à l'activité et aux rejets de la société Miva, et provenait probablement de rejet d'engrais agricoles ;
" qu'ainsi, en déclarant le demandeur coupable des faits à lui reprochés, sans répondre à ce chef péremptoire des conclusions du prévenu qui, à tout le moins, permettait raisonnablement de douter de sa culpabilité, la cour d'appel a violé l'article 593 du Code de procédure pénale " ;
Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de Cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie, caractérisé en tous ses éléments, tant matériels qu'intentionnel, le délit dont elle a déclaré le prévenu coupable et a ordonné une expertise avant de se prononcer sur les intérêts civils ;
D'où il suit que le moyen, qui se borne à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être admis ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
I. Sur le pourvoi de la société Manufacture d'Impression X... :
Le DÉCLARE IRRECEVABLE ;
II. Sur le pourvoi d'André X... :
REJETTE le pourvoi.