Sur le moyen unique pris en sa troisième branche :
Attendu, selon l'arrêt infirmatif attaqué (Caen, 10 novembre 1988), qu'une collision s'est produite sur une route entre l'automobile de M. X..., ayant pour passagers ses deux enfants Carole et Siegfried et M. Bertola, et celle de M. Y... circulant en sens inverse ; que les occupants des véhicules furent blessés, les conducteurs mortellement ; que M. Bertola et la société Geslin-Bertola ont demandé réparation de leur préjudice à Mme X..., prise tant en son nom personnel que comme administrateur légal de ses enfants mineurs Myriam, Carole et Siegfried, (les consorts X...) et à son assureur, la mutuelle des assurances artisanales de France (la MAAF) ; que celle-ci a assigné les héritiers de M. Y... et leur assureur, la caisse mutuelle de réassurance agricole de la Manche (CMRA) pour voir déclarer M. Y... responsable du dommage de M. Bertola ; que les consorts X... ont demandé réparation de leurs dommages à la CMRA et aux héritiers Y... ; que les membres de la famille Y... (les consorts Y...) ont demandé à leur tour réparation de leur dommage aux consorts X... et à la MAAF ;
Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt d'avoir dit que Mlle Carole X... ne pouvait prétendre à aucune réparation du préjudice moral éprouvé à la suite du décès de son père en raison de la faute commise par celui-ci, alors qu'en omettant de rechercher si la faute de M. X... était imprévisible et irrésistible, la cour d'appel aurait privé sa décision de base légale au regard des articles 4 et 6 de la loi du 5 juillet 1985 ;
Mais attendu que la cour d'appel retient, dans l'exercice de son pouvoir souverain d'apprécier les éléments de preuve, que le point de choc se situe sur la voie de circulation de M. Y... et énonce qu'aucune faute ne peut être relevée à l'encontre de ce conducteur, tandis que M. X... avait commis une faute en circulant sur le côté gauche de la chaussée dans son sens de circulation ;
Que, de ces constatations et énonciations, la cour d'appel a pu déduire, sans avoir à rechercher si la faute de M. X... était imprévisible et irrésistible, que cette faute excluait son droit à indemnisation et que le préjudice subi par Mlle X... du fait du décès de son père ne pouvait être indemnisé ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le moyen pris en sa deuxième branche :
Vu l'article 3 de la loi du 5 juillet 1985 ;
Attendu que les victimes non conducteurs de véhicules terrestres à moteur sont indemnisées des dommages résultant des atteintes à leur personne, sauf si elles ont commis une faute inexcusable, cause exclusive de l'accident ;
Attendu que l'arrêt exclut l'indemnisation du préjudice corporel de Mlle X..., en raison de la faute commise par M. X... ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle constatait que Mlle X... était passagère d'un des véhicules, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la première branche du moyen :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a exclu l'indemnisation du préjudice corporel de Mlle X..., l'arrêt rendu le 10 novembre 1988, entre les parties, par la cour d'appel de Caen ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Rouen .