Attendu qu'en 1978, Bernard Y... a, pour les risques décès, invalidité et infirmité, adhéré à une assurance de groupe souscrite par l'Association générale de prévoyance militaire (AGPM) auprès de la Mutuelle d'entraide et de prévoyance militaire vie (MEPM) et a désigné ses parents comme bénéficiaires du capital-décès ; qu'il a épousé, en mai 1983, Pascale X... et procédé, le 22 juin de la même année, à la modification de son assurance en désignant son épouse comme première bénéficiaire du capital-décès, et à défaut ses enfants à naître, tandis que, le même jour, cette dernière adhérait pour les mêmes risques à la même assurance en désignant comme premier bénéficiaire du capital-décès son conjoint, et à défaut ses enfants à naître, étant précisé que le couple a eu deux enfants nés en 1984 et 1987 et que les primes des deux assurances ont été prélevées sur le même compte joint des époux ;
Attendu que le 7 octobre 1991, Bernard Y... a, par une lettre recommandée dont le cachet postal mentionnait 17 heures, notifié à l'AGPM qu'il désignait ses parents comme premiers bénéficiaires du capital-décès et qu'il a trouvé la mort dans un accident de la route quelques heures après ; que Mme Pascale Y... a fait opposition au paiement du capital-décès entre les mains de ses ex-beaux parents en contestant la validité de leur désignation en qualité de bénéficiaire ; que le premier juge, estimant que la stipulation d'attribution du capital-décès au conjoint constituait une donation indirecte pouvant être révoquée pendant toute la durée du mariage, a attribué le capital-décès aux parents du défunt ; que l'arrêt attaqué a infirmé le jugement et attribué le capital-décès à Mme Pascale Y... ;
Sur le moyen unique, en ses trois branches, du pourvoi principal des époux Y... :
Attendu que les époux Y... reprochent à la cour d'appel, d'une part, d'avoir méconnu le principe de la contradiction, d'autre part, d'avoir écarté le caractère de donation indirecte de la stipulation d'attribution du capital-décès au profit du conjoint, enfin, d'avoir violé l'article 1096 du Code civil qui autorise la révocation d'une donation indirecte entre époux, même en cas d'acceptation du bénéfice de l'assurance par le conjoint bénéficiaire ;
Mais attendu, d'abord, que la cour d'appel, qui s'est fondée sur des faits et des moyens invoqués dans les conclusions d'appel de Mme Pascale Y..., n'a pas méconnu le principe de la contradiction ;
Attendu, ensuite, que la cour d'appel a constaté que les assurances des époux étaient contractées dans l'intérêt de la famille et que la désignation de chaque conjoint en qualité de bénéficiaire du capital-décès avait pour contrepartie la désignation de l'autre, de sorte qu'aucune donation indirecte n'était réalisée faute d'intention libérale ; qu'enfin, en relevant la volonté commune des époux quant à la désignation du bénéficiaire, la cour d'appel a, par là même, caractérisé l'acceptation par Mme Y... de sa désignation comme bénéficiaire de l'assurance de son époux, ce qui avait pour effet de la rendre irrévocable ; qu'ainsi l'arrêt est légalement justifié sur ce point ;
Mais sur le moyen unique pris en sa première branche du pourvoi incident de l'AGPM et de la MEPM :
Vu l'article 4 du nouveau Code de procédure civile ;
Attendu que, pour condamner l'AGPM et la MEPM à verser à Mme Pascale Y... les intérêts du capital-décès à compter de la date de l'assignation, la cour d'appel a énoncé qu'elles n'ont jamais proposé de la déposer entre les mains d'un tiers désigné en qualité de séquestre ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que l'AGPM et la MEPM avaient proposé de verser le capital entre les mains d'un séquestre, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de leurs conclusions ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il soit nécessaire de statuer sur la seconde branche du pourvoi incident :
CASSE ET ANNULE, mais en ses seules dispositions ayant condamné l'AGPM et la MEPM à payer les intérêts du capital-décès à compter de la date de l'assignation, l'arrêt rendu le 6 juillet 1995, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Lyon, autrement composée.