La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

16/07/1998 | FRANCE | N°96-17807;96-19869

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 16 juillet 1998, 96-17807 et suivant


Joint en raison de leur connexité les pourvois nos 96-19.869 et 96-17.807 ;

Donne acte à M. X..., ès qualités, de sa reprise d'instance ;

Mets hors de cause la société Inter courtage assurances, qui n'est pas concernée par les griefs des pourvois ;

Attendu qu'en 1991 la société Barracuda Industries Nouvelles (BIN) a passé avec la société Europlast un contrat aux termes duquel elle s'engageait à livrer une usine clés en main en République tchèque ; qu'elle a souscrit auprès de 2 coassureurs, la société Uni Europe et la société Ceska Statni Pogistovna, u

ne police d'assurance destinée à couvrir divers risques liés à l'exécution du contrat,...

Joint en raison de leur connexité les pourvois nos 96-19.869 et 96-17.807 ;

Donne acte à M. X..., ès qualités, de sa reprise d'instance ;

Mets hors de cause la société Inter courtage assurances, qui n'est pas concernée par les griefs des pourvois ;

Attendu qu'en 1991 la société Barracuda Industries Nouvelles (BIN) a passé avec la société Europlast un contrat aux termes duquel elle s'engageait à livrer une usine clés en main en République tchèque ; qu'elle a souscrit auprès de 2 coassureurs, la société Uni Europe et la société Ceska Statni Pogistovna, une police d'assurance destinée à couvrir divers risques liés à l'exécution du contrat, et notamment le risque afférent au transport des éléments de l'usine de France en République tchèque, étant observé qu'une clause de cette garantie exigeait que les machines soient emballées dans des caisses " type SEI catégorie 5 ", correspondant à un cahier des charges du syndicat de l'emballage industriel ; que la société BIN a confié la réalisation du transport, y compris des emballages, à la société des transports Guy, laquelle a elle-même souscrit en 1991, auprès de la compagnie Uni-Europe une " police française d'assurance des marchandises transportées par voie de terre du 7 novembre 1990 ", qui couvrait les matériels expédiés par la société BIN, et dont une clause excluait de la garantie de l'assureur les dommages dus à l'absence, l'insuffisance ou l'inadaptation des emballages ; que plusieurs des caisses sont arrivées détériorées en République tchèque et que la société Europlast, qui a refusé la réception, a fait une déclaration de sinistre aux assureurs, lesquels ont contesté leur garantie en faisant valoir que les caisses n'étaient pas du type " SEI catégorie 5 ", et qu'elles avaient une solidité insuffisante ; qu'une action judiciaire a été engagée par la société BIN, restée propriétaire des matériels endommagés du fait du refus de réception de la société Europlast, contre les deux assureurs et la société transports Guy ;

Sur les seconds moyens du pourvoi principal et du pourvoi incident de la société Ceska et du pourvoi incident de la société Uni Europe, qui sont identiques :

Attendu que l'arrêt attaqué a constaté que les deux assureurs, bien que connaissant le caractère fragile de la cargaison et sa valeur, n'avaient demandé la désignation d'un expert qu'en février 1993 alors que le sinistre leur avait été déclaré en novembre 1992, et s'étaient opposé au déplacement des caisses détériorées malgré l'insuffisance de leur protection et leur exposition aux rigueurs de l'hiver bohémien, ce qui avait eu pour conséquence une aggravation des dommages par la corrosion des machines ; que la cour d'appel a pu en déduire, sans encourir les griefs des différents pourvois, que les compagnies Uni Europe et Ceska avaient ainsi commis une faute dont elles devaient réparation, souverainement fixée à la somme de 2 millions de francs, à la société BIN ;

Mais sur les premiers moyens, pris en leur première branche du pourvoi principal et du pourvoi incident de la société Ceska, ainsi que du pourvoi incident de la société Uni Europe :

Vu les articles L. 112-4 et L. 113-1 du Code des assurances ;

Attendu que pour refuser leur garantie au titre de la police d'assurance souscrite par la société BIN, les sociétés Uni Europe et Ceska avaient fait valoir que la condition de cette garantie n'était pas remplie faute d'emploi de caisses " SEI de type 5 ", lors du transport des éléments de l'usine ; que l'arrêt attaqué a écarté ce moyen, au motif qu'aucune exclusion formelle de garantie n'était stipulée dans la police " en cas de non-respect d'un emballage non conforme à la norme officieuse SEI 5 " ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors que la clause relative à l'exigence d'un emballage des machines dans des caisses d'un type déterminé était une condition de la garantie du risque transport et n'obéissait, dès lors, pas au régime des exclusions de garantie, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

Sur le premier moyen, pris en sa première branche du pourvoi principal de la société BIN :

Vu les articles L. 112-4 et L. 113-1 du Code des assurances ;

Attendu que pour écarter la garantie de la compagnie Uni Europe, au titre non du contrat d'assurance souscrit en coassurance par la société BIN, mais du contrat d'assurance distinct souscrit par la société des transports Guy, la cour d'appel a fait application de la clause excluant la garantie de cet assureur pour les dommages subis par les marchandises du fait d'une absence, insuffisance ou inadaptation de l'emballage ;

Attendu qu'en statuant ainsi, sans s'expliquer sur les conclusions de la société BIN, qui contestait le caractère formel, limité et apparent d'une telle clause, laquelle, à la différence de l'autre police d'assurance, n'était pas relative à un emballage d'un type déterminé, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

Sur le même moyen pris, en sa deuxième branche :

Vu les articles L. 112-1 du Code des assurances et 1134 du Code civil ;

Attendu que la cour d'appel, pour écarter la garantie de la compagnie Uni Europe, au titre de la même police d'assurance souscrite par la société des transports Guy, a ajouté qu'il s'agissait d'une assurance de dommage et non de responsabilité ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'une assurance de responsabilité relève de la catégorie juridique des assurances de dommages et que l'assurance litigieuse constituait pour la société Transport Guy une assurance de responsabilité, et pour la société BIN une assurance de choses, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Sur le même moyen, pris en sa troisième branche :

Vu l'article 4 du nouveau Code de procédure civile ;

Attendu que, toujours pour écarter la garantie du même assureur, la cour d'appel a énoncé qu'aucune demande en indemnisation n'était présentée par la société BIN contre la société des transports Guy ;

Attendu qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis des conclusions de la société BIN, qui demandait la condamnation in solidum de la société des transports Guy et de la compagnie Uni Europe ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il soit nécessaire de statuer sur le second moyen de la société BIN :

CASSE ET ANNULE, sauf en ses dispositions condamnant in solidum les compagnies Uni Europe et Ceska Statni Pogistovna à payer à la société BIN une somme de 2 millions de francs, avec intérêts au taux légal à compter de l'arrêt, l'arrêt rendu le 14 mai 1996, entre les parties, par la cour d'appel d'Orléans ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bourges.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 96-17807;96-19869
Date de la décision : 16/07/1998
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Analyses

1° ASSURANCE (règles générales) - Coassurance - Responsabilité des coassureurs - Faute - Transport d'une " usine clef en main " - Demande tardive de désignation d'un expert - Opposition au déplacement des caisses détériorées - Effets - Aggravation des dommages occasionnés au cours du transport à la cargaison.

1° Commettent une faute dont ils doivent réparation les coassureurs du risque afférent au transport d'une " usine clef en main " qui, bien que connaissant le caractère fragile de la cargaison et sa valeur, n'ont demandé la désignation d'un expert que tardivement et se sont opposés au déplacement des caisses détériorées malgré l'insuffisance de leur protection et leur exposition aux rigueurs de l'hiver, ce qui a eu pour conséquence d'aggraver les dommages occasionnés au cours du transport par la corrosion des machines.

2° ASSURANCE (règles générales) - Garantie - Conditions - Garantie subordonnée à la prise de certaines précautions par l'assuré - Risque transport - Emploi d'un emballage d'un type déterminé - Soumission au régime des exclusions de garantie prévu par les articles L - et L - 113-1 du Code des assurances (non).

2° La clause d'un contrat d'assurance qui subordonne le bénéfice de la garantie du risque transport à l'emploi d'un emballage d'un type déterminé, constitue une condition de la garantie et n'obéit dès lors pas au régime des exclusions de garantie prévu par les articles L. 112-4 et L. 113-1 du Code des assurances.

3° ASSURANCE (règles générales) - Garantie - Exclusion - Dispositions de la police - Clause excluant de la garantie risque transport les dommages subis par les marchandises transportées du fait d'une absence - insuffisance ou inadaptation de l'emballage sans référence à un emballage d'un type déterminé.

3° ASSURANCE (règles générales) - Garantie - Exclusion - Exclusion formelle et limitée - Définition - Clause excluant de la garantie risque transport les dommages subis par les marchandises transportées du fait d'une absence insuffisance ou inadaptation de l'emballage sans référence à un emballage d'un type déterminé.

3° La clause d'un contrat d'assurance qui exclut de la garantie du risque transport les dommages subis par les marchandises transportées du fait d'une absence, insuffisance ou inadaptation de l'emballage, sans référence à un emballage d'un type déterminé, s'analyse en une exclusion de garantie qui doit être formelle et limitée et rédigée en caractères très apparents. Dès lors, encourt la cassation l'arrêt qui fait application d'une telle clause, sans répondre aux conclusions de l'assuré qui en contestait le caractère formel, limité et apparent.

4° ASSURANCE RESPONSABILITE - Catégorie juridique - Assurance de dommages.

4° Une assurance de responsabilité relève de la catégorie juridique des assurances de dommages.

5° ASSURANCE (règles générales) - Risque - Risque transport - Assurance de responsabilité pour le transporteur - Assurance de chose pour le propriétaire de la marchandise transportée.

5° L'assurance souscrite par un transporteur en vue de garantir des marchandises qu'il était chargé de transporter constitue pour lui une assurance de responsabilité et pour le propriétaire de ces marchandises une assurance de choses.


Références :

2° :
Code des assurances R112-4, R113-1

Décision attaquée : Cour d'appel d'Orléans, 14 mai 1996

A RAPPROCHER : (2°). Chambre civile 1, 1996-11-26, Bulletin 1996, I, n° 413, p. 287 (rejet)

arrêt cité. A RAPPROCHER : (3°). Chambre civile 1, 1996-12-10, Bulletin 1996, I, n° 442, p. 308 (rejet : arrêt n° 1 ;

cassation : arrêt n° 2 ;

cassation partielle : arrêt n° 3)

arrêt cité.


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 16 jui. 1998, pourvoi n°96-17807;96-19869, Bull. civ. 1998 I N° 246 p. 171
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 1998 I N° 246 p. 171

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Lemontey .
Avocat général : Avocat général : M. Gaunet.
Rapporteur ?: Rapporteur : M. Sargos.
Avocat(s) : Avocats : M. Le Prado, la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, la SCP Coutard et Mayer.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1998:96.17807
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award