La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

16/11/2015 | FRANCE | N°C4036

France | France, Tribunal des conflits, 16 novembre 2015, C4036


Vu, enregistré au secrétariat du Tribunal le 10 septembre 2015, le dossier de la procédure opposant M. et Mme E...à l'Etat ;

Vu le déclinatoire de compétence adressé le 10 juin 2015 au greffe de la cour d'appel de Paris par le préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris ;

Vu l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 2 juillet 2015 qui a rejeté le déclinatoire de compétence et ordonné la réouverture des débats afin de permettre aux parties civiles de conclure sur le fondement de leur demande en indemnisation ;

Vu l'arrêté du 19 août 2015 par lequel l

e préfet a élevé le conflit ;

Vu, enregistrées le 7 septembre 2015 au greffe de la c...

Vu, enregistré au secrétariat du Tribunal le 10 septembre 2015, le dossier de la procédure opposant M. et Mme E...à l'Etat ;

Vu le déclinatoire de compétence adressé le 10 juin 2015 au greffe de la cour d'appel de Paris par le préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris ;

Vu l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 2 juillet 2015 qui a rejeté le déclinatoire de compétence et ordonné la réouverture des débats afin de permettre aux parties civiles de conclure sur le fondement de leur demande en indemnisation ;

Vu l'arrêté du 19 août 2015 par lequel le préfet a élevé le conflit ;

Vu, enregistrées le 7 septembre 2015 au greffe de la cour d'appel, les observations présentées par l'agent judiciaire de l'Etat et tendant à la confirmation de l'arrêté de conflit au motif que le litige oppose un agent public titulaire à l'Etat afin d'obtenir la réparation des conséquences dommageables d'un accident de service survenu à l'occasion de l'exercice de ses fonctions ;

Vu, enregistrées le 8 septembre 2015 au greffe de la cour d'appel, les observations présentées par M. et MmeE..., agissant tant en leur nom propre qu'en leur qualité de tuteurs de leur fils Hakim, et tendant à l'irrecevabilité de l'arrêté de conflit et, subsidiairement, à la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire pour connaître des conséquences dommageables d'un accident causé par un véhicule ;

Vu, enregistrées le 15 octobre 2015, les observations du ministre des finances et des comptes publics tendant à la compétence des juridictions de l'ordre administratif au motif que le litige porte sur un accident de service opposant l'Etat aux consortsE..., peu important la circonstance que cet accident implique un véhicule appartenant à l'Etat ;

Vu les pièces desquelles il résulte que la saisine du Tribunal a été notifiée au ministre de la défense qui n'a pas produit de mémoire ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ;

Vu la loi du 24 mai 1872 ;

Vu le décret n° 2015-233 du 27 février 2015 ;

Vu la loi n° 57-1424 du 31 décembre 1957 ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Yves Maunand , membre du Tribunal,

- les observations de la SCP Meier-Bourdeau, Lecuyer pour le ministre des finances et des comptes publics,

- les conclusions de Mme Nathalie Escaut, rapporteur public ;

Considérant que, dans la nuit du 12 au 13 novembre 2009, alors qu'il se trouvait en mission extérieure à Kaboul (Afghanistan), le sergent-chef HakimE..., passager du véhicule conduit par le capitaine M'A..., a été grièvement blessé au cours d'une collision avec un camion civil afghan ; que, par jugement du 25 septembre 2012, le tribunal correctionnel de Paris a relaxé M. M'A... du chef de blessures involontaires aggravées et, statuant sur l'action civile par application des dispositions de l'article 470-1 du code de procédure pénale, a ordonné une expertise médicale et condamné l'agent judiciaire de l'Etat à payer diverses provisions à M. D...E...et Mme C...B...épouseE..., parties civiles, agissant tant en leur nom personnel qu'en leur qualité de tuteurs de leur fils Hakim ; que l'agent judiciaire de l'Etat a interjeté appel de cette décision et le préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris, a présenté un déclinatoire de compétence qui a été accueilli par un arrêt du 2 juillet 2013 ; que cet arrêt a été cassé par un arrêt de la chambre criminelle de la Cour de cassation du 23 septembre 2014 ; que, devant la cour d'appel de renvoi, le préfet a déposé le 10 juin 2015 un nouveau déclinatoire de compétence qui a été rejeté par arrêt du 2 juillet 2015 ; que le préfet a pris un arrêté de conflit le 19 août 2015, remis au greffe de la cour d'appel le 24 août 2015, contestant la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire pour connaître des demandes formées par M. et Mme E...agissant en qualité de tuteur de leur fils ;

Sur la régularité de la procédure de conflit :

Considérant, en premier lieu, que l'arrêt du 2 juillet 2015 n'ayant pas été régulièrement signifié au préfet, le délai de quinze jours qui lui est imparti par l'article 22 du décret du 27 février 2015 pour élever le conflit n'a pas couru ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 18 de ce décret, "Le conflit peut être élevé tant qu'il n'a pas été statué sur la compétence par une décision passée en force de chose jugée." ; qu'il s'ensuit qu'il peut être élevé pour la première fois en cause d'appel ainsi que devant la juridiction statuant sur renvoi après cassation ;

Considérant, en troisième lieu, que si les prescriptions des dispositions des deuxième et troisième alinéas de l'article 19 du décret du 27 février 2015 n'ont pas pu être mises en oeuvre en raison du dépôt tardif du déclinatoire de compétence et si le président n'a pas été saisi d'une demande de réduction du délai de quinze jours, il ressort des énonciations de l'arrêt que les parties ont été en mesure de présenter leurs observations sur le déclinatoire de compétence ;

Sur la régularité de l'arrêt de la cour d'appel de Paris ;

Considérant qu'il résulte de l'article 22 du décret du 27 février 2015 que la juridiction qui rejette le déclinatoire de compétence ne peut statuer sur le fond avant l'expiration du délai de quinze jours laissé au préfet pour, s'il l'estime opportun, élever le conflit et de l'article 26 de ce décret qu'elle doit surseoir à statuer dès la réception de l'arrêté de conflit ; qu'il s'ensuit que l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 2 juillet 2015 doit être déclaré nul et non avenu en tant qu'il ordonne la réouverture des débats sur le fond, après avoir rejeté le déclinatoire présenté par le préfet et refusé de surseoir à statuer ;

Sur la compétence :

Considérant, d'une part, qu'un agent public titulaire, victime d'un accident de service à l'occasion de l'exercice de ses fonctions causé par un autre agent public, peut exercer contre la collectivité publique qui l'emploie une action tendant à la réparation des conséquences dommageables de cet accident ; que cette action relève de la compétence des juridictions de l'ordre administratif, et ce alors même que l'accident a été causé par un véhicule ;

Considérant, d'autre part, que, s'il entend agir contre l'auteur de l'accident de la circulation sur le fondement de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1957 et former une action en responsabilité contre la personne publique substituée à son agent, cette action ressortit à la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire ;

Considérant, en l'espèce, que M. et Mme E...recherchent, tant en leur qualité de tuteurs de leur fils Hakim qu'en leur nom personnel, la responsabilité de l'Etat, substituée à celle de son agent, à la suite des dommages causés par celui-ci dans l'exercice de ses fonctions et découlant de l'action d'un véhicule ; qu'il s'ensuit que l'action qu'ils exercent au nom de leur fils relève, comme celle qu'ils exercent sur le même fondement en leur nom propre, de la compétence de la juridiction de l'ordre judiciaire ; que, par suite, c'est à tort que le conflit a été élevé ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt de la cour d'appel de Paris du 2 juillet 2015 est annulé en tant qu'il ordonne la réouverture des débats sur le fond et renvoie l'affaire à une audience ultérieure.

Article 2 : L'arrêté de conflit pris le 19 août 2015 par le préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris est annulé.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. et MmeE..., au préfet et au ministre des finances et des comptes publics.


Synthèse
Numéro d'arrêt : C4036
Date de la décision : 16/11/2015
Type d'affaire : Administrative

Analyses

COMPÉTENCE - COMPÉTENCES CONCURRENTES DES DEUX ORDRES DE JURIDICTION - CAS D'UN ACCIDENT DE SERVICE CAUSÉ À UN AGENT PUBLIC TITULAIRE PAR UN VÉHICULE CONDUIT PAR UN AGENT PUBLIC - ACTION EN RÉPARATION DE LA VICTIME - 1) ACTION CONTRE L'EMPLOYEUR PUBLIC AU TITRE DE L'APPLICATION DE LA LÉGISLATION SUR LES ACCIDENTS DE SERVICE - COMPÉTENCE DE LA JURIDICTION ADMINISTRATIVE [RJ1] - 2) ACTION EN RESPONSABILITÉ POUR FAUTE CONTRE L'AUTEUR DE L'ACCIDENT OU L'EMPLOYEUR PUBLIC - COMPÉTENCE DE LA JURIDICTION JUDICIAIRE SUR LE FONDEMENT DE LA LOI DU 31 DÉCEMBRE 1957 [RJ2].

17-04 1) D'une part, un agent public titulaire, victime d'un accident de service à l'occasion de l'exercice de ses fonctions causé par un autre agent public, peut exercer contre la collectivité publique qui l'emploie une action tendant à la réparation des conséquences dommageables de cet accident. Cette action relève de la compétence des juridictions de l'odre administratif, et ce alors même que l'accident a été causé par un véhicule.... ,,2) D'autre part, s'il entend agir, contre l'auteur de l'accident de la circulation sur le fondement de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1957 et former une action en responsabilité contre la personne publique substituée à son agent, cette action ressortit à la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire.

FONCTIONNAIRES ET AGENTS PUBLICS - STATUTS - DROITS - OBLIGATIONS ET GARANTIES - GARANTIES ET AVANTAGES DIVERS - PROTECTION EN CAS D'ACCIDENT DE SERVICE - CAS D'UN ACCIDENT DE SERVICE CAUSÉ À UN AGENT PUBLIC TITULAIRE PAR UN VÉHICULE CONDUIT PAR UN AGENT PUBLIC - ACTION EN RÉPARATION DE LA VICTIME - 1) ACTION CONTRE L'EMPLOYEUR PUBLIC AU TITRE DE L'APPLICATION DE LA LÉGISLATION SUR LES ACCIDENTS DE SERVICE - COMPÉTENCE DE LA JURIDICTION ADMINISTRATIVE [RJ1] - 2) ACTION EN RESPONSABILITÉ POUR FAUTE CONTRE L'AUTEUR DE L'ACCIDENT OÙ L'EMPLOYEUR PUBLIC - COMPÉTENCE DE LA JURIDICTION JUDICIAIRE SUR LE FONDEMENT DE LA LOI DU 31 DÉCEMBRE 1957.

36-07-10-01 1) D'une part, un agent public titulaire, victime d'un accident de service à l'occasion de l'exercice de ses fonctions causé par un autre agent public, peut exercer contre la collectivité publique qui l'emploie une action tendant à la réparation des conséquences dommageables de cet accident. Cette action relève de la compétence des juridictions de l'odre administratif, et ce alors même que l'accident a été causé par un véhicule.... ,,2) D'autre part, s'il entend agir, contre l'auteur de l'accident de la circulation sur le fondement de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1957 et former une action en responsabilité contre la personne publique substituée à son agent, cette action ressortit à la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire.

PROCÉDURE - TRIBUNAL DES CONFLITS - CONFLIT POSITIF - ARRÊTÉ DE CONFLIT - 1) DÉLAI DE 15 JOURS POUR ÉLEVER LE CONFLIT (ART - 22 DU DÉCRET DU 27 FÉVRIER 2015) - CONDITION - SIGNIFICATION RÉGULIÈRE DU JUGEMENT - 2) POSSIBILITÉ D'ÉLEVER LE CONFLIT EN APPEL - Y COMPRIS APRÈS CASSATION - EXISTENCE.

54-09-01-01 1) L'article 22 du décret n° 2015-233 du 27 février 2015 octroie au préfet, pour élever le conflit, un délai de 15 jours à compter de la réception du jugement ayant rejeté son déclinatoire de compétence. Ce délai ne court pas si le jugement ne lui est pas régulièrement signifié.,,,2) Il résulte de l'article 18 du décret n° 2015-233 du 27 février 2015 que le conflit peut être élevé pour la première fois en cause d'appel ainsi que devant la juridiction statuant sur renvoi après cassation.

PROCÉDURE - TRIBUNAL DES CONFLITS - CONFLIT POSITIF - DÉCLINATOIRE DE COMPÉTENCE - PROCÉDURE CONTRADICTOIRE - MÉCONNAISSANCE DU DÉLAI DE 15 JOURS POUR PRODUIRE DES OBSERVATIONS ÉCRITES (ART - 19 DU DÉCRET DU 27 FÉVRIER 2015) - CONSÉQUENCES.

54-09-01-02 Si l'article 19 du décret n° 2015-233 du 27 février 2015 prévoit que le déclinatoire de compétence est communiqué aux parties qui ont 15 jours pour faire connaître leurs observations écrites, la méconnaissance de ces dispositions est sans incidence sur la régularité de l'élévation du conflit si, en l'espèce, les parties ont été en mesure de présenter leurs observations sur le déclinatoire de compétence.


Références :

[RJ1]

Cf. TC, 8 juin 2009, Consorts Royer c/ Commune du Cannet, n° 3697, p. 584 ;

Cass. civ. 2e, 8 décembre 2011, n° 10-24.907, Bull. II n° 227., ,

[RJ2]

Cf. Cass. crim., 23 septembre 2013, n° 13-85.311, Bull. crim. n° 196.


Composition du Tribunal
Président : M. Arrighi de Casanova
Rapporteur ?: M. Yves Maunand
Rapporteur public ?: Mme Escaut

Origine de la décision
Date de l'import : 22/09/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:TC:2015:C4036
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award