N° 4001
Conflit sur renvoi du Tribunal administratif de Montreuil
M. Saïd R. c/ Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (FIVA)
M. Alain Ménéménis Rapporteur
M. Michel Girard Rapporteur public
Séance du 13 avril 2015 Lecture du 18 mai 2015
LE TRIBUNAL DES CONFLITS
Vu l'expédition du jugement du 19 décembre 2014 par lequel le tribunal administratif de Montreuil, saisi par M. Said R. d'une demande tendant, d'une part, à ce que le Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (FIVA) soit condamné à lui verser la somme de 5 000 euros convenue à titre transactionnel assortie des intérêts moratoires à compter du 3 novembre 2012 et la somme de 1 000 euros pour « résistance abusive », d'autre part à ce que soit mise à la charge du fonds la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, a renvoyé au Tribunal, par application de l'article 34 du décret du 26 octobre 1849 modifié, alors en vigueur, le soin de décider sur la question de compétence ;
Vu le jugement du 12 mars 2014 par lequel le tribunal d'instance de Tourcoing s'est déclaré incompétent pour connaître de la demande de M. R., au motif que cette demande tend à la contestation d'un titre exécutoire émis par un établissement public administratif et à la mise en cause de la responsabilité de cet établissement ;
Vu le mémoire présenté pour le FIVA, tendant à ce que la juridiction administrative soit déclarée compétente pour connaître de la demande de M. R., par le motif que le litige porte sur la récupération d'un trop perçu que le FIVA, établissement public administratif, est tenu de recouvrer et qu'aucun texte ne donne compétence à la juridiction judiciaire pour connaître d'un tel litige ;
Vu le mémoire présenté par le ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, tendant à ce que la juridiction administrative soit déclarée compétente, par le motif que la créance détenue par le FIVA sur M. R. est de nature administrative ;
Vu les pièces desquelles il résulte que la saisine du Tribunal des conflits a été notifiée à M. R., qui n'a pas produit de mémoire ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ;
Vu la loi du 24 mai 1872 modifiée par la loi n° 2015-177 du 16 février 2015, notamment le III de son article 13 ;
Vu le décret du 26 octobre 1849 modifié ;
Vu le décret n° 2015-233 du 27 février 2015 ;
Vu la loi n° 2000-1257 du 23 décembre 2000 de financement de la sécurité sociale pour 2001, notamment son article 53 ;
Vu le décret n° 2001-963 du 23 octobre 2001 ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Alain Ménéménis, membre du Tribunal, - les observations de Me Le Prado pour le Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante, - les conclusions de M. Michel Girard, rapporteur public ;
Considérant qu'il résulte de l'article 53 de la loi du 23 décembre 2000 de financement de la sécurité sociale pour 2001 et de son décret d'application du 23 octobre 2001 que le Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante est un établissement public administratif chargé de réparer les préjudices subis notamment par les personnes qui ont obtenu la reconnaissance d'une maladie professionnelle occasionnée par l'amiante ; que, lorsqu'il présente une offre d'indemnisation à un demandeur, l'acceptation de cette offre vaut désistement des actions juridictionnelles en indemnisation en cours et rend irrecevable toute action juridictionnelle future en réparation du même préjudice ; qu'aux termes du V de l'article 53 de la loi, « le demandeur ne dispose du droit d'action en justice contre le fonds d'indemnisation que si sa demande d'indemnisation a été rejetée, si aucune offre ne lui a été présentée dans le délai mentionné au premier alinéa du IV ou s'il n'a pas accepté l'offre qui lui a été faite. / Cette action est intentée devant la cour d'appel dans le ressort de laquelle se trouve le domicile du demandeur » ; qu'enfin, le fonds est subrogé, à due concurrence des sommes versées, dans les droits que possède le demandeur contre la personne responsable du dommage ainsi que contre les personnes ou organismes tenus à un titre quelconque d'en assurer la réparation totale ou partielle ;
Considérant qu'il résulte des dispositions du V de l'article 53 de la loi du 23 décembre 2000 citées ci-dessus que les créances et dettes qui trouvent leur origine dans l'accord transactionnel conclu entre le FIVA et le demandeur qui a accepté l'offre d'indemnisation que celui-ci lui a faite doivent être regardées, quel que soit le responsable du dommage, comme des créances et dettes de nature privée ; que, par suite, la juridiction judiciaire, compétente pour connaître des litiges mentionnés par ces dispositions, l'est aussi pour connaître des litiges relatifs au paiement des indemnités convenues et à la répétition d'indemnités indûment versées ;
Considérant que M. R. a demandé au FIVA, en 2003 et à plusieurs reprises ensuite, l'indemnisation des préjudices qu'il a subis du fait d'une maladie professionnelle occasionnée par l'amiante, qu'il a contractée lorsqu'il était ouvrier dans l'industrie textile jusqu'en 1990 et qui s'est peu à peu aggravée à compter de 2003 ; qu'il a accepté les offres d'indemnisation qui lui ont été faites ; qu'alors qu'il avait accepté une nouvelle offre d'un montant de 5 000 euros présentée par le FIVA le 23 novembre 2012, le fonds n'a pas procédé au versement de cette somme, en indiquant à M. R. qu'en raison d'une indemnité versée par ailleurs par l'organisme de sécurité sociale, il était redevable à son égard d'un trop perçu d'environ 10 000 euros, qui avait fait l'objet d'un titre de recette exécutoire, qu'il lui avait notifié le 7 octobre 2013 ; que M. R. a saisi le tribunal d'instance de Tourcoing d'une demande tendant à la condamnation du FIVA à lui verser l'indemnité de 5 000 euros convenue en 2012, ainsi qu'une somme de 1 000 euros pour « résistance abusive » ; que le tribunal d'instance de Tourcoing ayant décliné sa compétence, M. R. a saisi le tribunal administratif de Montreuil, qui a renvoyé au Tribunal, par application de l'article 34 du décret du 26 octobre 1849 modifié, alors en vigueur, le soin de décider sur la question de compétence ;
Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que la juridiction judiciaire est seule compétente pour connaître du litige qui oppose M. R. au FIVA ;
D E C I D E :
Article 1er : La juridiction de l'ordre judiciaire est compétente pour connaître du litige opposant M. R. au FIVA.
Article 2 : Le jugement du tribunal d'instance de Tourcoing du 12 mars 2014 est déclaré nul et non avenu. La cause et les parties sont renvoyées devant ce tribunal.
Article 3 : La procédure suivie devant le tribunal administratif de Montreuil est déclarée nulle et non avenue, à l'exception du jugement rendu par ce tribunal le 19 décembre 2014.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. R., au Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante et au ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes.