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09/03/2015 | FRANCE | N°T1503984

France | France, Tribunal des conflits, 09 mars 2015, T1503984


N° 3984

Conflit sur renvoi de la cour administrative d'appel de Paris
Mme R. c/ Société Autoroutes du Sud de la France

M. Yves Maunand Rapporteur

Mme Nathalie Escaut Commissaire du gouvernement

Séance du 9 février 2015 Lecture du 9 mars 2015

LE TRIBUNAL DES CONFLITS

Vu l'expédition de l'arrêt du 21 octobre 2014 par lequel la cour administrative d'appel de Paris, saisie d'une demande de Mme R. tendant à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Paris du 23 janvier 2013 ayant rejeté sa demande formée contre la société des Au

toroutes du Sud de la France (ASF) en réparation du préjudice résultant de la résiliation de la co...

N° 3984

Conflit sur renvoi de la cour administrative d'appel de Paris
Mme R. c/ Société Autoroutes du Sud de la France

M. Yves Maunand Rapporteur

Mme Nathalie Escaut Commissaire du gouvernement

Séance du 9 février 2015 Lecture du 9 mars 2015

LE TRIBUNAL DES CONFLITS

Vu l'expédition de l'arrêt du 21 octobre 2014 par lequel la cour administrative d'appel de Paris, saisie d'une demande de Mme R. tendant à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Paris du 23 janvier 2013 ayant rejeté sa demande formée contre la société des Autoroutes du Sud de la France (ASF) en réparation du préjudice résultant de la résiliation de la convention du 23 avril 1990, a renvoyé au Tribunal, en application de l'article 34 du décret du 26 octobre 1849 modifié, le soin de décider sur la question de la compétence ;
Vu l'arrêt du 17 février 2010 par lequel la Cour de cassation a décliné la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire ;
Vu le mémoire présenté par Mme R. tendant à la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire par le motif que le contrat, conclu entre deux personnes privées, ne porte pas sur un objet nécessaire pour la construction de l'autoroute ou constituant un simple accessoire à sa réalisation et que la société ASF n'a pas agi en qualité de mandataire de l'Etat ;
Vu le mémoire présenté par la société ASF tendant à la compétence des juridictions de l'ordre administratif et à l'allocation de la somme de 4 000 euros au titre de l'article 75 de la loi du 10 juillet 1991 par le motif que les contrats conclus par un concessionnaire d'autoroute en vue de la réalisation des ouvrages autoroutiers et de leurs accessoires relèvent du juge administratif ;
Vu les pièces desquelles il résulte que la saisine du Tribunal a été notifiée au ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie qui n'a pas produit de mémoire ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ;
Vu la loi du 24 mai 1872 ;
Vu le décret du 26 octobre 1849 modifié ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Yves Maunand, membre du Tribunal, - les observations de la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, Hannotin pour la société Autoroutes du Sud de la France, - les observations de Me Bouthors pour Mme R., - les conclusions de Mme Nathalie Escaut, commissaire du gouvernement ;
Considérant que, dans le cadre des obligations faites aux sociétés concessionnaires d'autoroutes de consacrer une part du montant des travaux de construction d'une liaison autoroutière à des oeuvres d'art, la société ASF a conclu le 23 avril 1990 avec Mme R. une convention lui confiant, moyennant une rémunération forfaitaire, la mission d'établir une série de trois esquisses devant permettre à la société de choisir l'oeuvre à créer, puis la réalisation d'une maquette d'une sculpture monumentale que la société envisageait d'implanter sur une aire de service située sur le futur tracé de l'autoroute A 89 ; que la convention stipulait que la sculpture définitive ne pourrait être réalisée que si la société ASF était choisie comme concessionnaire de l'autoroute A 89 et si l'une des trois esquisses présentées était retenue par elle ; que la désignation de la société ASF en qualité de concessionnaire de l'autoroute A 89 a été approuvée par décret du 7 février 1992 ; qu'après l'achèvement des travaux de construction des ouvrages autoroutiers, la société ASF a informé Mme R., par courrier du 7 juin 2005, de sa décision d'abandonner définitivement le projet ; que, par arrêt du 17 février 2010, la Cour de cassation a décliné la compétence du juge judiciaire saisi par Mme R. d'une demande d'indemnisation des préjudices qu'elle aurait subis du fait de la résiliation du contrat qu'elle allègue ; que, par arrêt du 21 octobre 2014, la cour administrative d'appel de Paris, estimant que le litige relevait de la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire, a saisi le Tribunal des conflits en application de l'article 34 du décret du 26 octobre 1849 modifié ;
Considérant qu'une société concessionnaire d'autoroute qui conclut avec une autre personne privée un contrat ayant pour objet la construction, l'exploitation ou l'entretien de l'autoroute ne peut, en l'absence de conditions particulières, être regardée comme ayant agi pour le compte de l'Etat ; que les litiges nés de l'exécution de ce contrat ressortissent à la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire ;
Considérant, toutefois, que la nature juridique d'un contrat s'appréciant à la date à laquelle il a été conclu, ceux qui l'ont été antérieurement par une société concessionnaire d'autoroute sous le régime des contrats administratifs demeurent régis par le droit public et les litiges nés de leur exécution relèvent des juridictions de l'ordre administratif ;
Considérant que Mme R. poursuit la réparation des préjudices qu'elle aurait subis à la suite de la résiliation de la convention qui l'aurait liée à la société ASF et qui aurait porté sur l'implantation sur une aire de repos d'une oeuvre monumentale à la réalisation de laquelle la société concessionnaire était tenue de consacrer une part du coût des travaux, et qui présentait un lien direct avec la construction de l'autoroute ; que le litige ressortit dès lors à la compétence de la juridiction administrative ;
Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par la société ASF au titre des dispositions de l'article 75 de la loi du 10 juillet 1991 ;
D E C I D E :
Article 1er : La juridiction de l'ordre administratif est compétente pour connaître du litige opposant Mme R. à la société des Autoroutes du Sud de la France.
Article 2 : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris du 21 octobre 2014 est déclaré nul et non avenu. La cause et les parties sont renvoyées devant cette cour.
Article 3 : Les conclusions de la société ASF présentées sur le fondement de l'article 75 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à Mme R., à la société des Autoroutes du Sud de la France et au garde des sceaux, ministre de la justice.


Synthèse
Numéro d'arrêt : T1503984
Date de la décision : 09/03/2015

Analyses

SEPARATION DES POUVOIRS - Compétence judiciaire - Exclusion - Cas - Litige né de l'exécution d'un contrat conclu par une société concessionnaire d'autoroutes avec une autre personne privée - Conditions - Contrat conclu antérieurement sous le régime des contrats administratifs

SEPARATION DES POUVOIRS - Compétence judiciaire - Domaine d'application - Litige né de l'exécution d'un contrat conclu par une société concessionnaire d'autoroutes avec une autre personne privée - Condition

Une société concessionnaire d'autoroutes qui conclut avec une autre personne privée un contrat ayant pour objet la construction, l'exploitation ou l'entretien de l'autoroute ne peut, en l'absence de conditions particulières, être regardée comme ayant agi pour le compte de l'Etat de sorte que les litiges nés de l'exécution de ce contrat ressortissent à la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire. Toutefois, la nature juridique d'un contrat s'appréciant à la date à laquelle il a été conclu, ceux qui l'ont été antérieurement par une société concessionnaire d'autoroutes sous le régime des contrats administratifs demeurent régis par le droit public et les litiges nés de leur exécution relèvent des juridictions de l'ordre administratif. Dès lors, il appartient à la juridiction administrative de connaître de la demande indemnitaire formée par la personne privée cocontractante à la suite de la résiliation du contrat litigieux


Références :

loi des 16-24 août 1790 et décret du 16 fructidor an III

loi du 24 mai 1872

article 34 du décret du 26 octobre 1849 modifié

Décision attaquée : Cour administrative d'appel de Paris, 21 octobre 2014

Sur la jurisprudence antérieure selon laquelle un contrat de travaux conclu par un concessionnaire d'autoroutes relevait « par nature » de la compétence de la juridiction administrative, cf. :Tribunal des conflits, 8 juillet 1963, n° 01804, publié au Recueil Lebon


Composition du Tribunal
Président : M. Arrighi de Casanova
Avocat général : Mme Escaut (commissaire du gouvernement)
Rapporteur ?: M. Maunand
Avocat(s) : Me Bouthors, SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin

Origine de la décision
Date de l'import : 24/02/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:TC:2015:T1503984
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