N° 3711
Conflit sur renvoi du tribunal de grande instance de Caen
Société coopérative agricole Agrial c/ Office national interprofessionnel des grandes cultures (ONIGC)
Séance du 6 juillet 2009Lecture du 6 juillet 2009
Vu l'expédition du jugement du 6 novembre 2007 par lequel le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Caen, saisi de la demande de la société Agrial tendant à l'annulation de titres de perception émis à son encontre par l'Office national interprofessionnel des grandes cultures (ONIGC), a renvoyé au Tribunal, par application de l'article 34 du décret du 26 octobre 1849 modifié, le soin de décider sur la question de compétence ;
Vu l'arrêt du 27 décembre 2005 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes a décliné la compétence administrative pour connaître du litige ;
Vu le mémoire présenté pour l'ONIGC tendant à ce que la juridiction de l'ordre administratif soit désignée pour connaître du litige l'opposant à la société Agrial, par le motif que le contrat qui servait de fondement aux titres de perception était de nature administrative ;
Vu le mémoire présenté par la société Agrial qui reprend ses observations soumises au juge judiciaire selon lesquelles la juridiction judiciaire est compétente pour connaître du litige ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ;
Vu la loi du 24 mai 1872 ;
Vu le décret du 26 octobre 1849 modifié ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Christian Vigouroux, membre du Tribunal,- les observations de la SCP Boutet, avocat de l'ONIGC, - les conclusions de M. Jean-Dominique Sarcelet, commissaire du gouvernement ;
Considérant que par contrat des 25 mars et 11 avril 1991, l'Office national interprofessionnel des céréales (ONIC), devenu l'Office national interprofessionnel des grandes cultures (ONIGC), a confié à la coopérative centrale agricole de Normandie (Coop Can), aux droits de laquelle vient la société Agrial, le stockage de céréales acquises au titre de ses missions ; que l'ONIGC ayant constaté un dépassement par la société de la date ultime d'enlèvement des quantités stockées à concurrence de 304 tonnes en 1993, s'est prévalu des clauses contractuelles et a notifié plusieurs titres de perception à la société qui a contesté en être redevable ;
Considérant que l'ONIGC a pour mission, dans le cadre de la politique agricole commune déterminée par les instances communautaires, d'organiser la profession et de renforcer l'efficacité économique des filières dont il a la charge, notamment par des opérations d'achat et de revente ; qu'à l'occasion de ces missions de service public, il conclut avec des opérateurs privés des contrats de stockage des céréales ;
Considérant que le contrat conclu entre l'ONIGC et la société Agrial qui avait pour seul objet une prestation de stockage de céréales d'intervention, n'avait pas pour effet d'associer cette dernière à l'exécution du service public dont l'ONIGC a la charge ;
Considérant que les clauses de ce contrat qui réservaient à l'ONIGC selon différentes modalités, un pouvoir de contrôle des opérations de stockage et d'accès aux locaux et mettaient à la charge de la société Agrial certaines obligations, ne sont pas étrangères aux prévisions des articles 1915 et suivants du code civil relatifs au contrat de dépôt ; que les stipulations relatives à la modification et à la réalisation du contrat n'ont pas de caractère exorbitant du droit commun ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le litige relève de la compétence de la juridiction judiciaire ;
D E C I D E :
Article 1er : La juridiction de l'ordre judiciaire est compétente pour connaître du litige opposant la société Agrial à l'Office national interprofessionnel des grandes cultures (ONIGC).
Article 2 : Le jugement du juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Caen du 6 novembre 2007 est déclaré nul et non avenu. La cause et les parties sont renvoyées devant ce juge.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés, qui est chargé d'en assurer l'exécution.