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30/06/2008 | FRANCE | N°T0803669

France | France, Tribunal des conflits, 30 juin 2008, T0803669


TRIBUNAL DES CONFLITS
N° 3669

Conflit sur renvoi du tribunal de grande instance de Fort-de-FranceSociété Usine du marinc/ Préfet de la Martinique

M. Philippe BélavalRapporteur

M. Jean-Dominique SarceletCommissaire du Gouvernement

Séance du 30 juin 2008Lecture du 30 juin 2008
LE TRIBUNAL DES CONFLITS

Vu l'expédition du jugement du 18 septembre 2007 par lequel le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Fort-de-France, saisi d'une demande de la société Usine du marin tendant à ce qu'il soit enjoint à l'Etat de lui octroyer le co

ncours de la force publique en vue d'exécuter les décisions de l'autorité judiciaire ayant ordo...

TRIBUNAL DES CONFLITS
N° 3669

Conflit sur renvoi du tribunal de grande instance de Fort-de-FranceSociété Usine du marinc/ Préfet de la Martinique

M. Philippe BélavalRapporteur

M. Jean-Dominique SarceletCommissaire du Gouvernement

Séance du 30 juin 2008Lecture du 30 juin 2008
LE TRIBUNAL DES CONFLITS

Vu l'expédition du jugement du 18 septembre 2007 par lequel le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Fort-de-France, saisi d'une demande de la société Usine du marin tendant à ce qu'il soit enjoint à l'Etat de lui octroyer le concours de la force publique en vue d'exécuter les décisions de l'autorité judiciaire ayant ordonné l'expulsion des personnes occupant sans droit ni titre le terrain dont elle est propriétaire sur le territoire de la commune de Sainte-Anne, a renvoyé au Tribunal, par application de l'article 34 du décret du 26 octobre 1849 modifié, le soin de décider sur la question de compétence ;
Vu le jugement du 21 décembre 2006 par lequel le tribunal administratif de Fort-de-France a statué sur ce litige ;
Vu le mémoire présenté pour la société Usine du marin, tendant à ce que la juridiction administrative soit déclarée compétente pour connaître du litige et à ce que le jugement du juge de l'exécution du tribunal administratif de Fortet#8209;deet#8209;France en date du 21 décembre 2006 soit déclaré nul et non avenu, par les motifs que le juge administratif doit pouvoir adresser à l'administration des injonctions de prendre des mesures d'exécution des décisions de l'autorité judiciaire, sous peine de porter atteinte au droit à un procès équitable reconnu par l'article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que la décision de l'autorité judiciaire suffit à mettre à la charge de l'Etat une obligation d'exécution, sans qu'il soit besoin d'adresser une demande en ce sens à l'autorité administrative ; que le juge du référé administratif peut d'ores et déjà adresser directement une injonction à l'administration lorsqu'une liberté fondamentale, tel le droit de propriété, est en cause ;
Vu le mémoire présenté au nom de l'Etat par le préfet de la région Martinique tendant, d'une part, à ce que la juridiction judiciaire soit déclarée compétente pour connaître du litige et à ce que le jugement en date du 18 septembre 2007 du juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Fort-de-France soit déclaré nul et non avenu, et, d'autre part, à ce que la société Usine du marin soit condamnée à verser à l'Etat la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 75 I de la loi du 10 juillet 1991, par les motifs qu'il n'y a pas de conflit de compétence en l'espèce dès lors que le litige dont la société Usine du marin a saisi le juge de l'exécution du tribunal de grande instance, qui tendait à l'exécution des décisions de l'autorité judiciaire, n'est pas identique à celui dont elle avait saisi le tribunal administratif, qui tendait à ce qu'il soit enjoint au préfet de lui accorder le concours de la force publique pour procéder à l'expulsion des occupants du terrain ; que le juge de l'exécution a procédé à une inexacte appréciation de la décision du tribunal administratif qui, saisi sur un fondement autre que celui des articles L. 911-1, L. 911-2 ou L. 521-2 du code de justice administrative, ne pouvait que rejeter la demande dont il était saisi ; qu'il lui appartient d'assurer l'exécution de la décision prise par l'autorité judiciaire sur un litige distinct de celui relatif à l'octroi de la force publique ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ;
Vu la loi du 24 mai 1872 ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;
Vu le décret du 26 octobre 1849 modifié par le décret du 25 juillet 1960 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Philippe Bélaval, membre du Tribunal ;les observations de la SCP Parmentier, Didier, avocat de la société Usine du marin, et de la SCP Thouin-Palat, avocat du Préfet de la Martinique ;- les conclusions de M. Jean-Dominique Sarcelet, commissaire du gouvernement ;
Considérant que le Tribunal des conflits n'est valablement saisi que s'il y a identité de question ou même litige au sens des articles 17 et 34 du décret du 26 octobre 1849 ;
Considérant que la société Usine du marin est propriétaire, sur le territoire de la commune de Sainte-Anne (Martinique), d'un bien immobilier sur lequel sont installées des personnes sans droit ni titre à occuper ce bien ; que le tribunal de grande instance de Fort-de-France a, par un jugement du 13 février 1990, confirmé par un arrêt de la cour d'appel de Fortet#8209;deet#8209;France en date du 19 juin 1992, ordonné l'expulsion de ces occupants ; que la société a alors saisi le préfet de la Martinique en vue d'obtenir le concours de la force publique afin d'exécuter cette expulsion ; que devant le refus du préfet, la société a saisi le tribunal administratif de Fort-de-France d'une demande tendant, d'une part, à l'indemnisation du préjudice résultant pour elle du refus du préfet et, d'autre part, à ce qu'il soit enjoint à l'Etat de prendre les mesures nécessaires à l'exécution du jugement confirmé du tribunal de grande instance ; que par un jugement du 21 décembre 2006, le tribunal administratif, après avoir fait droit à la demande d'indemnisation, a rejeté les conclusions à fin d'injonction dont il était saisi en se fondant sur la circonstance que lesdites conclusions n'entraient dans aucun des cas où le juge administratif peut adresser des injonctions à l'administration ; que s'il a indiqué au surplus que le juge administratif est incompétent pour assurer l'exécution des décisions de l'ordre judiciaire, cette affirmation n'est pas le soutien nécessaire du dispositif du jugement et ne participe pas de l'autorité de chose jugée dont celui-ci est revêtu ; qu'il restait loisible après ce jugement à la société Usine du marin de saisir le juge administratif du litige l'opposant à l'Etat sur le refus du préfet de prêter le concours de la force publique à l'exécution du jugement dont elle était bénéficiaire dans les conditions permettant à ce juge d'y statuer ; que c'est par suite à tort que le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Fort-de-France, saisi par la société Usine du marin d'une demande tendant à ce qu'il soit ordonné à l'Etat d'octroyer le concours de la force publique pour faire exécuter le jugement du tribunal et s'estimant à bon droit incompétent pour statuer sur cette demande, a estimé qu'un désaccord sur la compétence était né et, faisant application des dispositions de l'article 34 ajouté au décret du 26 octobre 1849 par le décret du 25 juillet 1960, a saisi le Tribunal des conflits ;
Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner la société Usine du marin à verser à l'Etat la somme que celui-ci demande sur le fondement de l'article 75 I de la loi du 10 juillet 1991 ;
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du 18 septembre 2007 du juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Fort-de-France est annulé en tant qu'il renvoie la cause et les parties devant le Tribunal des conflits.
Article 2 : La cause et les parties sont renvoyées devant le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Fort-de-France.
Article 3 : Les conclusions présentées au nom de l'Etat par le préfet de la région Martinique sur le fondement de l'article 75 I de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée au garde des sceaux, ministre de la justice, qui est chargé d'en assurer l'exécution.


Synthèse
Numéro d'arrêt : T0803669
Date de la décision : 30/06/2008

Analyses

SEPARATION DES POUVOIRS - Conflit - Conflit négatif de juridictions - Obligation de renvoi au Tribunal des conflits en prévention de conflit négatif - Domaine d'application - Décision juridictionnelle d'incompétence non susceptible de recours - Définition

Le Tribunal des conflits n'est pas valablement saisi par le juge judiciaire, qui s'est à bon droit estimé incompétent pour statuer sur une demande tendant à ce qu'il soit ordonné à l'Etat d'octroyer le concours de la force publique pour faire exécuter un jugement d'expulsion d'occupants sans droit ni titre d'une propriété privée, dès lors que le tribunal administratif a rejeté la demande d'injonction au motif qu'elle n'entrait dans aucune des hypothèses dans lesquelles il est susceptible d'en délivrer, alors qu'il restait loisible au demandeur de saisir le juge administratif du litige l'opposant à l'Etat dans les conditions permettant à ce juge de statuer sur le refus du préfet de prêter le concours de la force publique à l'exécution du jugement


Références :

loi des 16-24 août 1790

décret du 16 fructidor an III

articles 17 et 34 du décret du 26 octobre 1849 modifié par le décret du 25 juillet 1960

loi du 24 mai 1872

code de justice administrative

Décision attaquée : Tribunal administratif de Fort-de-France, 18 septembre 2007

A rapprocher :Tribunal des conflits, 12 décembre 2005, n° 05-03.459, Bull. 2005, T. conflits, n° 41


Composition du Tribunal
Président : M. Martin
Avocat général : M. Sarcelet (commissaire du gouvernement)
Rapporteur ?: M. Bélaval
Avocat(s) : SCP Parmentier et Didier, SCP Thouin-Palat

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:TC:2008:T0803669
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