Vu, enregistrée à son secrétariat le 20 janvier 1992 la lettre par laquelle le Garde des sceaux, ministre de la justice, a transmis au tribunal le dossier de la procédure opposant M. X... et autres à la société "Constructions navales du Littoral" devant le conseil de prud'hommes de Toulon ;
Vu le déclinatoire présenté le 23 octobre 1991 par le préfet du Var, tendant à voir déclarer la juridiction de l'ordre judiciaire incompétente ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ;
Vu la loi du 24 mai 1872 ;
Vu l'ordonnance du 1er juin 1828 modifiée ;
Vu l'ordonnance des 12 et 21 mars 1831 modifiée ;
Vu le décret du 26 octobre 1849 modifié ;
Vu le code du travail ;
Après avoir entendu ;
- le rapport de M. Vught, membre du Tribunal,
- les observations de la S.C.P. Masse-Dessen, Georges Thouvenin, avocat de M. X... et autres,
- les conclusions de M. Jéol, commissaire du gouvernement ;
Considérant que l'action engagée le 20 juin 1991 devant le conseil de prud'hommes de Toulon par M. Pierre X... et 130 autres anciens salariés de la Société des chantiers du Nord et de la Méditerranée (Normed), licenciés pour motif économique à la suite de la mise en redressement judiciaire de cette société et après l'achèvement des travaux qu'ils avaient exécutés pour le compte de la société "Constructions navales du Littoral" (CNL) qui avait pris en location-gérance les activités industrielles de la Normed, était dirigée contre la CNL et la Normed et n'avait pas pour objet de contester les modalités de leur engagement, en 1988, comme ouvriers d'Etat affectés à la direction des constructions et armes navales ; que cette action était fondée sur les droits que les intéressés affirmaient tenir, en ce qui concerne la capitalisation du reliquat de congés de conversion, d'accords collectifs intervenus au sein de l'entreprise Normed dans le cadre du "plan social" établi par celle-ci et tendait au versement, par leurs anciens employeurs, de sommes correspondant à la capitalisation de ce reliquat ; que ces accords, auxquels aucune personne publique n'était partie, avaient le caractère d'actes de droit privé ; que, nonobstant la circonstance que l'Etat avait accordé aux sociétés Normed et CNL certaines garanties financières pour la mise en place de congés de conversion, les sociétés Normed et CNL ne peuvent être regardées comme ayant, en élaborant et en mettant à exécution un "plan social" accompagnant les licenciements, agi pour le compte de l'Etat ou participé à l'exécution d'une mission de service public ; qu'il suit de là que la juridiction judiciaire était compétente pour connaître de l'action engagée par M. X... et autres ; qu'ainsi c'est à tort que le conflit a été élevé ;
Article 1er : L'arrêté de conflit pris le 9 décembre 1991 par le préfet du Var est annulé.
Article 2 : La présente décision sera notifiée au garde des sceaux, ministre de la justice, qui est chargé d'en assurer l'exécution.