LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
FD
COUR DE CASSATION
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Arrêt du 26 juin 2025
Cassation
Mme MARTINEL, président
Arrêt n° 660 F-D
Pourvoi n° P 23-14.433
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 26 JUIN 2025
La caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 2], dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° P 23-14.433 contre l'arrêt n° RG : 20/01755 rendu le 9 février 2023 par la cour d'appel de Caen (chambre sociale, section 3), dans le litige l'opposant à la [3] ([3]), société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 4], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Lapasset, conseiller, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 2], et l'avis de Mme Tuffreau, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 21 mai 2025 où étaient présentes Mme Martinel, président, Mme Lapasset, conseiller rapporteur, Mme Renault-Malignac, conseiller doyen, et Mme Gratian, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Caen, 9 février 2023), la caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 2] (la caisse) a, le 21 janvier 2019, pris en charge au titre de la législation professionnelle, l'affection déclarée, le 26 juillet 2018, par l'un des salariés de la [3] (l'employeur).
2. L'employeur a saisi, à fin d'inopposabilité à son égard de cette décision, une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa seconde branche
Enoncé du moyen
3. La caisse fait grief à l'arrêt de déclarer inopposable à l'employeur la décision de prise en charge, au titre de la législation professionnelle, de la maladie déclarée le 26 juillet 2018, alors « que si, au cours de l'instruction, la fixation par le médecin conseil d'une date de première constatation médicale antérieure à la date du certificat médical initial entraîne une modification, dans les correspondances de la caisse, de la date AT/MP et du numéro de dossier, cette circonstance n'est pas, en elle-même, de nature à porter atteinte principe du contradictoire dès lors que l'employeur ne peut se méprendre sur l'objet de l'instruction et de la décision et dès lors qu'il est mis en mesure de prendre connaissance des éléments susceptibles de lui faire grief, en ce compris l'avis du médecin conseil fixant la date de première constatation médicale ; que l'arrêt relève que seule la décision de prise en charge mentionne une date de la maladie, correspondant à la date de la première constatation médicale, au 18 juillet 2018 et le numéro de dossier 180718769 et que la caisse ne pouvait modifier la date de première constatation médicale sans en avoir préalablement informé l'employeur ; qu'en statuant ainsi sans rechercher si toute atteinte au principe du contradictoire n'était pas exclue dès lors que l'ensemble des correspondances de la caisse indiquent l'identité de l'assuré, son numéro de sécurité sociale, un numéro d'identifiant ainsi que la nature de l'affection et que la caisse a invité l'employeur à consulter le dossier, antérieurement à la prise en charge, en ce compris l'avis du médecin conseil fixant la date de première constatation médicale, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article R. 441-14 du code de la sécurité sociale. »
Réponse de la Cour
Vu l'article R. 441-14, alinéa 3, du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue du décret n° 2009-938 du 29 juillet 2009, applicable au litige :
4. Selon ce texte, dans le cas où elle a procédé à une instruction conformément au dernier alinéa de l'article R. 441-11 du même code, la caisse communique à la victime ou à ses ayants droit et à l'employeur au moins dix jours francs avant de prendre sa décision, par tout moyen permettant d'en déterminer la date de réception, l'information sur les éléments recueillis et susceptibles de leur faire grief ainsi que la possibilité de venir consulter le dossier qui comprend, en application de l'article R. 441-13 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue du décret n° 2016-756 du 7 juin 2016, les informations parvenues à la caisse de chacune des parties et, au titre des éléments médicaux relatifs à la victime, les divers certificats médicaux détenus par la caisse.
5. Pour dire inopposable à l'employeur la décision de prise en charge, l'arrêt relève que les dispositions de l'article L 461-1 du code de la sécurité sociale prévoient, pour les maladies professionnelles déclarées à compter du 1e juillet 2018, qu'est assimilée à la date de l'accident, la date de première constatation médicale de la maladie et que cette date constitue le point de départ des prestations susceptibles d'être versées à l'assuré, notamment les indemnités journalières. Il ajoute que la caisse ne pouvait donc modifier la date de première constatation médicale et prendre une décision de reconnaissance du caractère professionnel de la maladie sans en avoir préalablement informé l'employeur.
6. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que l'employeur avait été informé de la clôture de l'instruction et de la possibilité de consulter le dossier jusqu'à la date à laquelle la caisse entendait prendre sa décision, le mettant ainsi en mesure de prendre connaissance des éléments susceptibles de lui faire grief et de faire valoir ses observations avant cette décision, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief du pourvoi, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 9 février 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Caen ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Rouen ;
Condamne la [3] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne la [3] à payer à la caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 2] la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé publiquement le vingt-six juin deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.