LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
ZB1
COUR DE CASSATION
______________________
Arrêt du 25 juin 2025
Cassation partielle
M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 720 F-D
Pourvois n°
H 23-16.589
E 23-17.576 JONCTION
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 25 JUIN 2025
I) La Fédération française du bâtiment, dont le siège est [Adresse 7], a formé le pourvoi n° H 23-16.589 contre l'arrêt rendu le 20 avril 2023 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 2), dans le litige l'opposant :
1°/ à l'APNAB (Association paritaire nationale pour le développement de la négociation collective dans l'artisanat du bâtiment), association, dont le siège est [Adresse 3],
2°/ au syndicat Union fédérale de l'industrie et de la construction UNSA (UFIC UNSA), dont le siège est [Adresse 5],
3°/ au syndicat Confédération de l'artisanat et des petites entreprises du bâtiment (CAPEB), dont le siège est [Adresse 4],
4°/ au syndicat fédération générale Force ouvrière construction, dont le siège est [Adresse 2],
5°/ à la Fédération nationale des salariés de la construction bois ameublement CGT (FNSCBA CGT), dont le siège est [Adresse 9],
6°/ au syndicat Fédération nationale construction et bois CFDT, dont le siège est [Adresse 8],
7°/ au syndicat CFE-CGC-BTP, dont le siège est [Adresse 1],
8°/ au syndicat fédération Bati-Mat-TP-CFTC, dont le siège est [Adresse 6],
défendeurs à la cassation.
II) La fédération générale Force ouvrière construction, syndicat, a formé le pourvoi n° E 23-17.576 contre le même arrêt rendu, dans le litige l'opposant à :
1°/ la Fédération française du bâtiment, association,
2°/ l'APNAB (Association paritaire nationale pour le développement de la négociation collective dans l'artisanat du bâtiment), association,
3°/ l'union fédérale de l'industrie et de la construction UNSA, syndicat,
4°/ la Confédération de l'artisanat et des petites entreprises du bâtiment, (CAPEB), syndicat,
5°/ la Fédération nationale des salariés de la construction bois ameublement CGT, (FNSCBA CGT),
6°/ la Fédération nationale construction et bois CFDT, syndicat,
7°/ la CFE-CGC BTP, syndicat,
8°/ la fédération Bati-Mat-TP-CFTC, syndicat,
défenderesses à la cassation.
La demanderesse au pourvoi n° H 23-16.589 invoque, à l'appui de son recours, deux moyens de cassation.
La demanderesse au pourvoi n° E 23-17.576 invoque, à l'appui de son recours, deux moyens de cassation.
Les dossiers ont été communiqués au procureur général.
Sur le rapport de M. Rinuy, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la Fédération française du bâtiment, de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de la fédération générale Force ouvrière construction, de la SAS Boucard-Capron-Maman, avocat du syndicat Confédération de l'artisanat et des petites entreprises du bâtiment, de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de l'APNAB, de la SCP Krivine et Viaud, avocat de la Fédération nationale des salariés de la construction bois ameublement CGT, de la SCP Le Guerer, Bouniol-Brochier, Lassalle-Byhet, avocat du syndicat CFE-CGC-BTP, après débats en l'audience publique du 4 juin 2025 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Rinuy, conseiller rapporteur, Mme Sommé, conseillère, et Mme Piquot, greffière de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Jonction
1. En raison de leur connexité, les pourvois n° H 23-16.589 et E 23-17.576 sont joints.
Faits et procédure
2. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 20 avril 2023), statuant en matière de référé,
la Confédération de l'artisanat et des petites entreprises du bâtiment (CAPEB) a conclu, le 25 janvier 1994, avec les organisations syndicales CFDT, CGT,CGT-FO, CFE-CGC et CFTC, un accord « relatif à la protection des salariés d'entreprise du bâtiment occupant jusqu'à dix salariés, appelés à participer aux réunions paritaires et aux réunions des organismes paritaires chargés de gérer des institutions du bâtiment » (l'accord), en vue de favoriser la négociation collective dans l'artisanat du bâtiment. Cet accord a fait l'objet d'un arrêté d'extension le 10 juin 1994.
3. Les signataires de l'accord ont conclu trois avenants, les 4 mai 1995, 14 novembre 1995 et 20 octobre 2003, qui ont été étendus par arrêtés du 22 juillet 1996 pour les deux premiers et du 24 octobre 2008 pour le troisième.
4. L'avenant n° 1 du 4 mai 1995 a pour objet de définir les modalités d'organisation de la négociation collective à tous les échelons territoriaux pour les entreprises occupant jusqu'à dix salariés et d'assurer le financement du droit de la négociation collective. Ont ainsi été créées des commissions paritaires et l'Association paritaire nationale pour le développement de la négociation collective dans l'artisanat du bâtiment (l'APNAB), dont le conseil d'administration est présidé en alternance par un membre de l'un des collèges, employeur ou salarié, avec une rotation pour que chaque organisation assure cette fonction à tour de rôle.
5. A la suite de la mise en oeuvre des nouvelles règles de représentativité, suivant arrêté du 21 décembre 2017, deux organisations patronales, la CAPEB et l'association Fédération française du bâtiment (FFB), ont été reconnues représentatives dans le secteur des entreprises du bâtiment employant jusqu'à dix salariés.
6. Par lettre du 26 juillet 2019 adressée au syndicat FO, qui assurait la présidence de l'APNAB, la FFB a fait acte d'adhésion à l'accord collectif du 25 janvier 1994 et à ses avenants n° 1, 2 et 3.
7. Estimant être confrontée à une situation de blocage résultant de l'absence d'arrêté de représentativité rendu par le ministre du travail dans le champ de l'accord et du refus de la CAPEB ayant pris la présidence de l'APNAB à compter du 1er janvier 2021 de l'associer au fonctionnement de l'association, l'UFIC UNSA, par acte du 27 avril 2021 a fait assigner la FFB, la CAPEB, la fédération générale FO construction (FGFO construction), la CFE-CGC-BTP, la Fédération nationale construction et bois CFDT (FNCB CFDT), la fédération Bati-Mat-TP-CFTC et l'APNAB en raison du trouble manifestement illicite résultant de dysfonctionnements graves de l'APNAB et de son exclusion des réunions de l'instance, aux fins de désignation d'un mandataire ad hoc.
8. La FFB a demandé de suspendre les délibérations prises au cours des réunions de l'APNAB les 27 janvier, 1er avril, 27 avril, 19 mai, 9 juin et 29 septembre 2021, faute pour elle d'avoir été convoquée et d'avoir pu participer aux délibérations prises, d'enjoindre à l'APNAB de la convoquer et de l'intégrer aux réunions de l'instance pour qu'elle puisse participer à son fonctionnement et de désigner un administrateur provisoire pour l'APNAB.
9. La FGFO construction a demandé de suspendre les décisions prises lors des assemblées générales et conseils d'administration des 27 janvier, 1er avril, 27 avril, 19 mai et 6 juin 2021 et de désigner un administrateur provisoire ou subsidiairement un mandataire ad hoc.
Examen des moyens
Sur le premier moyen du pourvoi n° E 23-17.576 de la FGFO construction et le second moyen du même pourvoi, pris en sa deuxième branche
10. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le premier moyen du pourvoi n° H 23-16.589 de la FFB, en ce qu'il fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de désignation d'un administrateur provisoire au sein de l'APNAB et sur le second moyen du même pourvoi, réunis
Enoncé des moyens
11. Par son premier moyen, la FFB fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes visant à suspendre l'ensemble des délibérations de l'APNAB prises au cours des réunions des 27 janvier, 1er avril, 27 avril, 19 mai, 9 juin et 29 septembre 2021 et à lui faire injonction de la convoquer à l'ensemble des réunions de ses instances, et en conséquence, de rejeter sa demande de désignation d'un administrateur provisoire au sein de l'APNAB, alors :
« 1°/ que participent de plein droit aux instances de l'APNAB les organisations représentatives dans le champ de l'accord du 25 janvier 1994 relatif à la protection des salariés d'entreprise du bâtiment occupant jusqu'à dix salariés, appelés à participer aux réunions paritaires et aux réunions des organismes paritaires chargés de gérer des institutions du bâtiment ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que par arrêté du 21 décembre 2017, la FFB avait été reconnue dans la branche du bâtiment dans le secteur des entreprises employant jusqu'à dix salariés, ce qui correspondait au champ de l'accord du 25 janvier 1994 et que par ordonnance du 7 octobre 2019, le juge des référés de Paris avait enjoint à la CAPEB, secrétaire de la commission paritaire instituée par l'accord du 25 janvier 1994, de convoquer la FFB aux réunions prévues le 8 octobre 2019 ; que la cour d'appel a ensuite relevé que la FFB avait, par courrier du 26 juillet 2019, fait acte d'adhésion à l'accord du 25 janvier 1994 et à ses avenants 1, 2 et 3 et il était constant qu'elle avait par courrier du même jour adhéré à l'APNAB ; que la cour d'appel a rappelé que la Cour de cassation avait jugé le 10 février 2021que c'était à bon droit que l'intervention volontaire de la FFB avait été jugé recevable, l'action concernant les conditions de révision d'un avenant à un accord collectif étendu dans une branche au sein de laquelle la FFB était représentative et que la haute juridiction avait souligné, dans un arrêt du 17 mars 2021, que participaient aux instances de l'APNAB "les organisations syndicales représentatives dans le champ de l'accord" ; que la cour d'appel a enfin observé que par arrêt du 11 février 2021, la cour d'appel de Paris avait précisé "il sera relevé néanmoins que suite à la lettre d'adhésion de la FFB du 26 juillet 2019, la CAPEB a indiqué à la FFB qu'elle se déclarait prête à engager des échanges en vue de déterminer la part de la représentation de la FFB dans les instances de l'APNAB. Un accord entre la CAPEB et la FFB est par suite susceptible d'être trouvé pour définir la part respective de ces organisations professionnelles dans le champ d'application de l'accord du 25 janvier 1994, cet accord étant de nature à faciliter la négociation à intervenir avec les organisations syndicales de salariés" et que cette difficulté était cependant toujours d'actualité ; qu'en affirmant cependant, pour rejeter les demandes de la FFB visant à suspendre l'ensemble des délibérations de l'APNAB prises au cours des réunions du 27 janvier 2021, 1er avril 2021, 27 avril 2021, 19 mai 2021, 9 juin 2021 et du 29 septembre 2021 auxquelles elle n'avait pas été convoquée ou seulement en qualité d' "observateur muet", et à faire injonction à l'APNAB de la convoquer à l'ensemble des réunions de ses instances, que si en dépit des demandes réitérées de la FFB, l'assemblée générale de l'APNAB n'avait toujours pas statué sur la demande d'adhésion de la FFB, et ce trois ans et demi après la demande d'adhésion initiale, cette absence d'avis ne saurait constituer un trouble manifestement illicite dès lors que "ni la FFB ni l'UFIC UNSA n'ont engagé de démarches utiles visant à assurer leur représentativité", quand la FFB, déjà reconnue représentative dans le champ de l'accord du 25 janvier 1994, n'avait aucune démarche à engager pour assurer sa représentativité ni au demeurant pour participer aux instances de l'APNAB, la cour d'appel a violé l'accord susvisé et ses avenants, ensemble l'article 835 du code de procédure civile ;
2°/ que participent de plein droit aux instances de l'APNAB les organisations représentatives dans le champ de l'accord du 25 janvier 1994 relatif à la protection des salariés d'entreprise du bâtiment occupant jusqu'à dix salariés, appelés à participer aux réunions paritaires et aux réunions des organismes paritaires chargés de gérer des institutions du bâtiment ; que cette participation n'est pas subordonnée à un avis de l'assemblée générale de l'APNAB, quoiqu'en disent les statuts de celle-ci ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que par arrêté du 21 décembre 2017, la FFB avait été reconnue dans la branche du bâtiment dans le secteur des entreprises employant jusqu'à dix salariés, ce qui correspondait au champ de l'accord du 25 janvier 1994 ; qu'en affirmant, pour rejeter les demandes de la FFB visant à suspendre l'ensemble des délibérations de l'APNAB prises au cours des réunions du 27 janvier 2021, 1er avril 2021, 27 avril 2021, 19 mai 2021, 9 juin 2021 et du 29 septembre 2021 auxquelles elle n'avait pas été convoquée ou seulement en qualité d' "observateur muet", et à faire injonction à l'APNAB de la convoquer à l'ensemble des réunions de ses instances, que si en dépit des demandes réitérées de la FFB, l'assemblée générale de l'APNAB n'avait toujours pas statué sur la demande d'adhésion de la FFB trois ans et demi après la demande d'adhésion initiale, cette absence d'avis ne constituait pas un trouble manifestement illicite, pas plus que l'absence de convocation de la FFB aux réunions des instances de l'APNAB, quand l'avis de l'assemblée générale de l'APNAB n'étant pas requis pour permettre à la FFB de participer à ses instances, la cour d'appel a derechef violé l'accord susvisé et ses avenants, ensemble l'article 835 du code de procédure civile ;
3°/ que participent de plein droit aux instances de l'APNAB les organisations représentatives dans le champ de l'accord du 25 janvier 1994 relatif à la protection des salariés d'entreprise du bâtiment occupant jusqu'à dix salariés, appelés à participer aux réunions paritaires et aux réunions des organismes paritaires chargés de gérer des institutions du bâtiment ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que par arrêté du 21 décembre 2017, la FFB avait été reconnue dans la branche du bâtiment dans le secteur des entreprises employant jusqu'à dix salariés, ce qui correspondait au champ de l'accord du 25 janvier 1994 ; que, pour rejeter les demandes de la FFB visant à suspendre l'ensemble des délibérations de l'APNAB prises au cours des réunions du 27 janvier 2021, 1er avril 2021, 27 avril 2021, 19 mai 2021, 9 juin 2021 et du 29 septembre 2021 et à faire injonction à l'APNAB de la convoquer à l'ensemble des réunions de ses instances, la cour d'appel a retenu, par motifs adoptés, que l'assemblée générale de l'APNAB n'avait pas statué sur la demande d'adhésion de la FFB, que la cour d'appel de Paris, dans sa décision du 11 février 2021, avait retenu l'existence d'une contestation sérieuse s'opposant à l'examen de la demande en référé de la FFB sur les modalités de sa participation aux réunions et instances de l'APNAB, que si la FFB n'était pas convoquée aux réunions en qualité de membre de l'association, elle avait néanmoins été conviée suite à son insistance à participer en tant qu' "observateur" aux réunions de l'assemblée générale de l'APNAB, soit à l'AGE du 27 avril 2021 puis aux AGO du 19 mai et du 9 juin 2021 et que s'agissant des AG des 27 janvier et 1er avril 2021, elles n'avaient pas pu se tenir faute de réunir le quorum statuaire ; qu'en statuant de la sorte, la cour d'appel a statué par des motifs impropres à exclure l'existence d'un trouble manifestement illicite résultant de l'exclusion de la FFB des réunions, instances et du fonctionnement de l'APNAB et justifiant tant la suspension des délibérations prises dans ces conditions que la nécessité de faire injonction à l'APNAB de convoquer la FFB à l'ensemble des réunions de ses instances, et a privé sa décision de base légale au regard de l'accord susvisé et de ses avenants, ensemble l'article 835 du code de procédure civile. »
12. Par son second moyen, la FFB fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de désignation d'un administrateur provisoire au sein de l'APNAB, alors :
« 1°/ que la désignation d'un administrateur provisoire est justifiée en présence de circonstances rendant impossible le fonctionnement normal de l'association et menaçant celle-ci d'un péril imminent, ce qui est notamment le cas lorsqu'elle ne remplit pas son objet statutaire ; qu'en l'espèce, l'objet statutaire de l'APNAB est d'assurer le financement du droit à la négociation collective dans les entreprises du bâtiment occupant jusqu'à dix salariés ; qu'à l'appui de sa demande de désignation d'un administrateur provisoire de l'APNAB, la FFB faisait notamment valoir que l'APNAB ne remplissait pas son objet statutaire en l'excluant du bénéfice des dispositions de l'accord du 25 janvier 1994 bien qu'elle soit représentative dans le champ de cet accord, et que le fonctionnement de l'APNAB rompait l'égalité entre les organisations patronales représentatives dans le champ de cet accord ; qu'elle ajoutait que l'APNAB refusait de répondre à ses demandes concernant le montant de ses droits en application de l'accord du 25 janvier 1994 et que les versements récents au titre de l'année 2019 au titre du financement du paritarisme avaient été effectués en violation des règles statutaires régissant le fonctionnement de l'APNAB ; qu'elle soutenait enfin que l'allégation d'une consignation des sommes revenant à la FFB était un leurre dès lors qu'aucune pièce n'était venue corroborer cette affirmation, reposant sur les seules affirmations de la CAPEB, concernant au demeurant uniquement l'année 2019, que le tableau des versements effectués par l'APNAB au 30 septembre 2021 - communiqué par un syndicat dans le cadre d'une procédure parallèle - révélait qu'au titre de la collecte pour 2018 et pour 2019, aucune somme n'était séquestrée pour la FFB et qu'en tout état de cause, aucune information n'était donnée sur les sommes revenant à la FFB pour les années 2020, 2021 et 2022, et qu'ainsi la totalité de la part revenant au collège employeur était versée à la CAPEB, en violation des dispositions conventionnelles et statutaires régissant l'APNAB, de l'arrêté d'extension de l'avenant n° 3 à l'accord du 25 janvier 1994 qui précisait que ''la part versée au titre du financement du paritarisme doit être répartie entre l'ensemble des organisations syndicales d'employeurs reconnues représentatives dans le champ d'application du présent avenant'' et du pluralisme syndical ; qu'elle concluait que ces perturbations graves avaient notamment pour conséquence de contrevenir aux dispositions d'ordre public sur l'égalité entre les organisations représentatives et d'empêcher l'association de réaliser son objet social ; que pour rejeter la demande de nomination d'un administrateur provisoire, la cour d'appel a énoncé qu'il existait une réelle situation de crise au sein de l'APNAB mais qu'en dépit de ce contexte conflictuel acéré, la CAPEB, assurant la présidence de l'APNAB depuis le 1er janvier 2021, avait convoqué des assemblées générales qui s'étaient tenues, et aux termes desquelles des décisions avaient été prises, des sommes avaient été versées aux syndicats au titre de la collecte de fonds ce qui était conforme à son objet social, que l'assemblée générale du 27 janvier 2021 avait dû être reconvoquée à deux reprises, faute de quorum, et s'était tenue utilement le 27 avril 2021, qu'il en était de même de l'assemblée générale extraordinaire du même jour qui avait approuvé la modification du règlement intérieur et des statuts, que le bureau avait été renouvelé, les comptes approuvés après rapports de gestion du commissaire aux compte, que les états de la collecte étaient présentés, de même que les versements des parts correspondantes, que ces constatations démontraient la capacité de l'association à fonctionner normalement en dépit des difficultés récurrentes et que dès lors la preuve n'était pas rapportée de circonstances rendant impossible le fonctionnement normal de l'association et la menaçant de péril imminent, qui imposerait d'écarter les organes de gestion naturels de l'APNAB ; qu'en statuant de la sorte, sans rechercher, comme elle y était invitée, si les versements récents au titre de l'année 2019 aux syndicats n'avaient été effectués en violation des règles statutaires régissant le fonctionnement de l'APNAB, si la totalité de la part revenant au collège employeur n'avait pas été versée à la CAPEB en violation de l'égalité entre les organisations patronales représentatives dans le champ de cet accord, et si l'APNAB n'avait pas refusé de répondre aux demandes de la FFB concernant le montant de ses droits en application de l'accord du 25 janvier 1994, tous éléments de nature à établir que l'APNAB ne remplissait pas son objet statutaire, et donc à justifier la désignation d'un administrateur provisoire, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 834 du code de procédure civile ;
2°/ que tout jugement doit être motivé ; qu'en l'espèce, la FFB soutenait qu'elle n'avait jamais été informée d'une consignation des sommes lui revenant au titre de l'accord du 25 janvier 1994 et ne disposait d'aucun élément permettant de prouver que les sommes avaient bien été consignées, qu'il était étonnant que le juge des référés ait pris pour "argent comptant" l'affirmation selon laquelle une partie des sommes revenant à la FFB auraient été séquestrées sur un compte bancaire dans la mesure où aucune pièce n'était venue corroborer cette affirmation, que cette affirmation était un leurre, qu'à lire les éléments communiqués lors de la précédente procédure de référé, à savoir des échanges entre FO et la CAPEB, le montant consigné pour la FFB pour 2019 était de 670 942 euros, et qu'au regard du montant en jeu, le juge des référés ne pouvait se contenter des affirmation de la CAPEB pour les tenir pour acquises ; qu'elle ajoutait qu'en tout état de cause, ces éléments ne concernaient que l'année 2019, aucune information n'étant donnée sur les sommes revenant à la FFB pour les années 2020, 2021 et 2022, et que le tableau des versements effectués par l'APNAB au 30 septembre 2021, communiqué par un syndicat dans le cadre d'une procédure parallèle et produit par la FFB en appel, révélait qu'au titre de la collecte pour 2018 et pour 2019, aucune somme n'était séquestrée pour la FFB et la totalité de la part revenant au collège employeur était versée à la CAPEB de sorte que l'argument développé en première instance et devant le juge des référés tenant au fait que les fonds appartenant à la FFB seraient séquestrés pour justifier du bon fonctionnement de l'APNAB était mensonger, qu'il n'existait ainsi aucun séquestre et que la totalité des fonds du collège employeur avaient été distribués à la CAPEB par l'APNAB sous la présidence de la CAPEB ; qu'en énonçant, par motifs adoptés, que la cour d'appel de Paris, dans son arrêt du 11 février 2021, avait noté que 50 % de la part revenant aux organisations patronales avaient été bloqués provisoirement sur un compte séquestre au nom de la FFB et que si la FFB indiquait être exclue du versement des fonds collectés par l'APNAB, ceux-ci étaient néanmoins bloqués sur un compte séquestre, sans s'expliquer sur la contestation élevée sur ce point par la FFB, et en particulier sans constater que la consignation était démontrée pour les années 2020, 2021 et 2022 et le cas échéant préciser d'où elle le tirait, et sans examiner la pièce nouvelle produite en appel par la FFB pour démontrer l'absence de consignation y compris pour 2018 et 2019, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
13. Selon une jurisprudence constante de la Cour de cassation, la désignation judiciaire d'un administrateur provisoire est une mesure exceptionnelle qui suppose rapportée la preuve de circonstances rendant impossible le fonctionnement normal de la personne morale et la menaçant d'un péril imminent (Soc., 23 octobre 2012, pourvoi n° 11-24.609, Bull. 2012, V, n° 271).
14. Ayant constaté qu'en dépit d'un contexte conflictuel, la CAPEB, qui assure la présidence de l'APNAB depuis le 1er janvier 2021, a convoqué des assemblées générales qui se sont tenues, et à l'issue desquelles des décisions ont été prises et des sommes ont été versées aux syndicats au titre de la collecte de fonds, ce qui est conforme à son objet social, que l'assemblée générale, après avoir été convoquée à deux reprises faute de quorum, s'est tenue utilement le 27 avril 2021, qu'il en est de même de l'assemblée générale extraordinaire du même jour qui a approuvé la modification du règlement intérieur et des statuts, que le bureau a été renouvelé, les comptes approuvés après rapport de gestion du commissaire aux comptes et que les états de la collecte sont présentés, de même que les versements des parts correspondantes, la cour d'appel, qui en a déduit que la preuve n'était pas rapportée de circonstances rendant impossible le fonctionnement normal de l'association et la menaçant d'un péril imminent qui imposerait d'écarter les organes de gestion de l'APNAB, a légalement justifié sa décision.
Mais sur le premier moyen du pourvoi n° H 23-16.589 de la FFB, pris en sa première branche, en ce qu'il fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes visant à suspendre l'ensemble des délibérations de l'APNAB prises au cours des réunions des 27 janvier, 1er avril, 27 avril, 19 mai, 9 juin et 29 septembre 2021 et à lui faire injonction de la convoquer à l'ensemble des réunions de ses instances
Enoncé du moyen
15. La FFB fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes visant à suspendre l'ensemble des délibérations de l'APNAB prises au cours des réunions des 27 janvier, 1er avril, 27 avril, 19 mai, 9 juin et 29 septembre 2021 et à lui faire injonction de la convoquer à l'ensemble des réunions de ses instances, alors « que participent de plein droit aux instances de l'APNAB les organisations représentatives dans le champ de l'accord du 25 janvier 1994 relatif à la protection des salariés d'entreprise du bâtiment occupant jusqu'à dix salariés, appelés à participer aux réunions paritaires et aux réunions des organismes paritaires chargés de gérer des institutions du bâtiment ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que par arrêté du 21 décembre 2017, la FFB avait été reconnue dans la branche du bâtiment dans le secteur des entreprises employant jusqu'à dix salariés, ce qui correspondait au champ de l'accord du 25 janvier 1994 et que par ordonnance du 7 octobre 2019, le juge des référés de Paris avait enjoint à la CAPEB, secrétaire de la commission paritaire instituée par l'accord du 25 janvier 1994, de convoquer la FFB aux réunions prévues le 8 octobre 2019 ; que la cour d'appel a ensuite relevé que la FFB avait, par courrier du 26 juillet 2019, fait acte d'adhésion à l'accord du 25 janvier 1994 et à ses avenants 1, 2 et 3 et il était constant qu'elle avait par courrier du même jour adhéré à l'APNAB ; que la cour d'appel a rappelé que la Cour de cassation avait jugé le 10 février 2021que c'était à bon droit que l'intervention volontaire de la FFB avait été jugé recevable, l'action concernant les conditions de révision d'un avenant à un accord collectif étendu dans une branche au sein de laquelle la FFB était représentative et que la haute juridiction avait souligné, dans un arrêt du 17 mars 2021, que participaient aux instances de l'APNAB "les organisations syndicales représentatives dans le champ de l'accord" ; que la cour d'appel a enfin observé que par arrêt du 11 février 2021, la cour d'appel de Paris avait précisé "il sera relevé néanmoins que suite à la lettre d'adhésion de la FFB du 26 juillet 2019, la CAPEB a indiqué à la FFB qu'elle se déclarait prête à engager des échanges en vue de déterminer la part de la représentation de la FFB dans les instances de l'APNAB. Un accord entre la CAPEB et la FFB est par suite susceptible d'être trouvé pour définir la part respective de ces organisations professionnelles dans le champ d'application de l'accord du 25 janvier 1994, cet accord étant de nature à faciliter la négociation à intervenir avec les organisations syndicales de salariés" et que cette difficulté était cependant toujours d'actualité ; qu'en affirmant cependant, pour rejeter les demandes de la FFB visant à suspendre l'ensemble des délibérations de l'APNAB prises au cours des réunions du 27 janvier 2021, 1er avril 2021, 27 avril 2021, 19 mai 2021, 9 juin 2021 et du 29 septembre 2021 auxquelles elle n'avait pas été convoquée ou seulement en qualité d' "observateur muet", et à faire injonction à l'APNAB de la convoquer à l'ensemble des réunions de ses instances, que si en dépit des demandes réitérées de la FFB, l'assemblée générale de l'APNAB n'avait toujours pas statué sur la demande d'adhésion de la FFB, et ce trois ans et demi après la demande d'adhésion initiale, cette absence d'avis ne saurait constituer un trouble manifestement illicite dès lors que "ni la FFB ni l'UFIC UNSA n'ont engagé de démarches utiles visant à assurer leur représentativité", quand la FFB, déjà reconnue représentative dans le champ de l'accord du 25 janvier 1994, n'avait aucune démarche à engager pour assurer sa représentativité ni au demeurant pour participer aux instances de l'APNAB, la cour d'appel a violé l'accord susvisé et ses avenants, ensemble l'article 835 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 2261-4 du code du travail et l'article 835 du code de procédure civile :
16. Aux termes de l'article L. 2261-4 du code du travail, lorsqu'une organisation syndicale de salariés ou une organisation d'employeurs représentatives dans le champ d'application de la convention ou de l'accord adhère à la totalité des clauses d'une convention de branche ou d'un accord professionnel ou interprofessionnel, cette organisation a les mêmes droits et obligations que les parties signataires. Elle peut notamment siéger dans les organismes paritaires et participer à la gestion des institutions créées par la convention de branche ou l'accord professionnel ou interprofessionnel, ainsi que prendre part aux négociations portant sur la modification ou la révision du texte en cause.
17. Pour rejeter les demandes de la FFB de suspendre l'ensemble des délibérations de l'APNAB prises au cours des réunions du 17 janvier 2021 et suivantes et de faire injonction à l'APNAB de la convoquer à l'ensemble des réunions de ses instances, l'arrêt retient que la FFB a adressé le 26 juillet 2019 au président de l'APNAB un courrier sollicitant son adhésion à l'accord collectif du 25 janvier 1994 et à ses avenants n° 1 à 3 et que, s'il n'est pas contesté qu'en dépit des demandes réitérées de la FFB l'assemblée générale de l'APNAB n'a toujours pas statué sur sa demande d'adhésion trois ans et demi après la demande d'adhésion initiale, cette absence d'avis ne saurait constituer un trouble manifestement illicite, alors que la FFB n'a pas engagé de démarches utiles visant à assurer sa représentativité, de sorte que les demandes de suspension des décisions prises par l'APNAB ne peuvent utilement prospérer.
18. En statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que, par arrêté de représentativité du ministre du travail du 21 décembre 2017, la FFB avait été reconnue représentative dans le secteur des entreprises du bâtiment employant jusqu'à dix salariés et que, par acte du 26 juillet 2019, la FFB avait adhéré à l'accord collectif du 25 janvier 1994 et à ses avenants n° 1 à 3, de sorte que l'absence de convocation de la FFB aux instances de l'APNAB constituait un trouble manifestement illicite, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Et sur le second moyen du pourvoi n° E 23-17.576 de la FGFO construction, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
19. La FGFO construction fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande subsidiaire de désignation d'un administrateur ad hoc, alors « que les juges du fond doivent respecter l'objet du litige, tel qu'il est fixé par les prétentions des parties ; que sous un "B" de la page 37 de ses écritures intitulé "les difficultés persistantes de fonctionnement, perturbant le bon fonctionnement de l'association", la FGFO a fait valoir, en page 38 et en gras, "c'est pourquoi la FGFO construction a fait le choix de solliciter la désignation d'un administrateur ad hoc, et donc l'intervention d'un tiers neutre, afin de permettre la reprise du bon fonctionnement de l'APNAB, notamment en convoquant une assemblée générale qui permettra de (...)" ; que pour débouter la FGFO construction de sa demande subsidiaire de désignation d'un administrateur ad hoc, la cour d'appel a dit qu'elle ne développe aucun moyen spécifique, que l'ensemble de sa démonstration tend à démontrer "l'existence de graves difficultés de fonctionnement" qui justifient "l'impérieuse nécessité de désigner un administrateur provisoire" et que la seule référence faite à cette demande subsidiaire figure en page 40 lorsque la FGFO construction rappelle ses prétentions qui figurent au dispositif ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article 4 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 4 du code de procédure civile :
20. Selon ce texte, l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties.
21. Pour rejeter la demande subsidiaire de la FGFO construction de désignation d'un administrateur ad hoc, l'arrêt retient que celle-ci ne développe aucun moyen spécifique au soutien de sa demande, qu'en effet, l'ensemble de sa démonstration tend à démontrer « l'existence de graves difficultés de fonctionnement » qui justifient « l'impérieuse nécessité de désigner un administrateur provisoire » et que la seule référence faite à cette demande subsidiaire figure en page 40 lorsque la FGFO construction rappelle ses prétentions qui figurent au dispositif.
22. En statuant ainsi, alors que, dans ses conclusions d'appel, la FGFO construction soutenait qu'après avoir précédemment fait le choix de solliciter la désignation d'un administrateur ad hoc et donc l'intervention d'un tiers neutre, afin de permettre la reprise du bon fonctionnement de l'APNAB, notamment en convoquant une assemblée générale, c'est dans cette même démarche que s'inscrivaient ses demandes dans le cadre de la présente procédure, en raison des difficultés persistantes de fonctionnement de l'APNAB, la cour d'appel, qui a modifié l'objet du litige, a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette les demandes de la Fédération française du bâtiment visant à suspendre les délibérations de l'Association paritaire pour le développement de la négociation collective dans l'artisanat du bâtiment (l'APNAB) prises au cours des réunions des 27 janvier, 1er avril, 27 avril, 19 mai, 9 juin et 29 septembre 2021, à lui faire injonction de la convoquer à l'ensemble des réunions de ses instances, en ce qu'il rejette la demande de la fédération générale Force ouvrière construction de désignation d'un administrateur ad hoc et en ce qu'il statue sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 20 avril 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;
Condamne l'APNAB, le syndicat Union fédérale de l'industrie et de la construction UNSA (UFIC UNSA), le syndicat Confédération de l'artisanat et des petites entreprises du bâtiment, la Fédération nationale des salariés de la construction bois ameublement CGT, le syndicat fédération nationale construction et bois CFDT, le syndicat CFE-CGC-BTP et le syndicat fédération Bati-Mat-TP-CFTC aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé publiquement le vingt-cinq juin deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.