LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
CZ
COUR DE CASSATION
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Arrêt du 25 juin 2025
Cassation
Mme MONGE, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 691 F-D
Pourvoi n° Y 23-22.745
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 25 JUIN 2025
La Caisse autonome nationale de sécurité sociale des mines, organisme de prévoyance sociale à régime spécial de la sécurité sociale, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° Y 23-22.745 contre l'arrêt rendu le 29 septembre 2023 par la cour d'appel de Douai (chambre sociale), dans le litige l'opposant à Mme [S] [R], domiciliée [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Cavrois, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la Caisse autonome nationale de sécurité sociale des mines, de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de Mme [R], après débats en l'audience publique du 27 mai 2025 où étaient présents Mme Monge, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Cavrois, conseiller rapporteur, Mme Laplume, conseiller référendaire, ayant voix délibérative, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article L.431-3, alinéa 2, du code de l'organisation judicaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Douai, 29 septembre 2023), Mme [R], après de nombreux contrats à durée déterminée de remplacement sur la période du 2 septembre 1984 au 30 avril 2001, a été engagée en qualité de médecin échelle 1 de la classification professionnelle établie par la convention collective nationale de travail des médecins généralistes de la sécurité sociale minière du 31 mai 1999, le 1er mai 2001, par la Caisse autonome nationale sécurité sociale mine (la CANSSM).
2. Par décision du bureau du conseil d'administration de la CANSSM du 5 janvier 2006, les échelles 1 et 2 ont été supprimées à compter du 1er juin 2006. En application du nouveau statut conventionnel, les médecins engagés par la CANSSM à compter du 1er juin 2006 ont été classés d'office à l'échelle 3.
3. Le 14 août 2019, la salariée a saisi la juridiction prud'homale de demandes en rappel de salaire sur la base de la reconstitution de sa carrière.
Examen du moyen
Sur le premier moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
4. La CANSSM fait grief à l'arrêt de dire que la salariée doit être classée à l'échelle 7 à effet du 1er mars 2012, puis à l'échelle 8 de la classification professionnelle à effet du 1er mars 2017 et qu'elle doit bénéficier du salaire de base garanti attaché à ce classement, de la condamner à payer divers rappels de salaire, outre congés payés afférents, sur la période du 1er août 2016 jusqu'à la date de l'arrêt et de lui ordonner la rectification des bulletins de paie depuis le mois d'août 2016 en rectifiant la classification de la salariée, alors « que le principe d'égalité de traitement ne fait pas obstacle à ce que les salariés embauchés postérieurement à l'entrée en vigueur d'un nouveau barème conventionnel soient appelés dans l'avenir à avoir une évolution de carrière plus rapide dès lors qu'ils ne bénéficient à aucun moment d'une classification ou d'une rémunération plus élevée que celle des salariés embauchés antérieurement à l'entrée en vigueur du nouveau barème et placés dans une situation identique ou similaire ; qu'il appartient au salarié qui invoque une atteinte au principe d'égalité de traitement de soumettre au juge, qui est tenu d'en contrôler concrètement la réalité et la pertinence, les éléments de fait susceptibles de caractériser une inégalité de rémunération ou de traitement entre des salariés placés dans une situation identique ou similaire, afin que l'employeur apporte à son tour la preuve d'éléments objectifs et pertinents justifiant cette différence ; qu'en l'espèce, pour retenir que la salariée était fondée à invoquer une atteinte au principe d'égalité de traitement, la cour d'appel s'est bornée à relever qu'en vertu du nouveau barème conventionnel, ''les anciens salariés [jusqu'alors classés aux échelles 1 et 2] ont été reclassés au stade initial de l'échelle 3, sans que leur ancienneté dans la profession, antérieure à l'embauche et postérieure à celle ci, ait été prise en compte'', tandis que ''les nouveaux salariés ont été positionnés, quant à eux, directement à l'échelle 3 mais en tenant ensuite compte de leur ancienneté dans la profession'', de sorte ''qu'il était parfaitement possible qu'un médecin nouvellement engagé avec, par exemple, 10 années d'expérience révolues et antérieures à son embauche, soit, le 1er juin 2006, classé directement à l'échelle 5 (obtention directe de l'échelon 3 + 10 ans) alors que Mme [R] n'a atteint ce classement que le 1er janvier 2014 avec une ancienneté de 21 ans, 10 mois et 4 jours (?)'' et ''qu'elle a atteint l'échelle 6 le 1er juillet 2018 au terme de 26 ans 4 mois et 4 jours d'ancienneté alors qu'un médecin engagé à compter du 1er juin 2006, exerçant dans une situation identique ou similaire accomplissant un travail de valeur égale, pouvait atteindre directement cette échelle avec une ancienneté seulement de 15 ans de carrière'', la cour d'appel s'est fondée sur une différence de traitement théorique, sans constater que la salariée apportait la preuve qu'un salarié embauché postérieurement au 1er juin 2006 et placé dans une situation identique ou similaire, compte tenu de son parcours professionnel, aurait bénéficié, à un moment quelconque de sa carrière, d'une classification ou d'une rémunération supérieure à la sienne ; que la cour d'appel a en conséquence violé le principe d'égalité de traitement, ensemble l'article 1315 devenu 1353 du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu le principe d'égalité de traitement :
5. Le principe d'égalité de traitement ne fait pas obstacle à ce que les salariés engagés ou promus postérieurement à l'entrée en vigueur d'un nouveau barème conventionnel soient appelés dans l'avenir à avoir une évolution de carrière plus rapide dès lors qu'ils ne bénéficient à aucun moment d'une classification ou d'une rémunération plus élevée que celle des salariés engagés ou promus antérieurement à l'entrée en vigueur du nouveau barème et placés dans une situation identique ou similaire.
6. Il appartient au salarié qui invoque une atteinte au principe d'égalité de traitement de soumettre au juge, qui est tenu d'en contrôler concrètement la réalité et la pertinence, les éléments de fait susceptibles de caractériser une inégalité de rémunération ou de traitement entre des salariés placés dans une situation identique ou similaire, afin que l'employeur apporte à son tour la preuve d'éléments objectifs et pertinents justifiant cette différence.
7. Pour dire que la salariée doit être classée à l'échelle 7 à effet du 1er mars 2012 puis à l'échelle 8 à effet du 1er mars 2017, bénéficier du salaire de base garanti attaché à ce classement et condamner la CANSSM, à payer à la salariée des sommes au titre de ce repositionnement, l'arrêt retient que les mesures prises par la caisse ont eu pour objet et pour effet de supprimer à compter du 1er juin 2006 les échelles 1 et 2 tant pour les anciens salariés que pour les nouveaux de sorte que les anciens salariés qui se trouvaient à ces échelles ont été immédiatement reclassés à effet du 1er juin 2006 à l'échelle 3 et que l'échelle de départ des salariés engagés à partir du 1er juin 2006 a été fixée à l'échelle 3. Il relève que toutefois, les anciens salariés ont été reclassés au stade initial de l'échelle 3, sans que leur ancienneté dans la profession, antérieure à l'embauche et postérieure à celle-ci, ait été prise en compte et cette ancienneté a été neutralisée et a constitué le point d'arrivée de leur classement à l'échelle 3. Il ajoute que les nouveaux salariés ont été positionnés directement à l'échelle 3 mais en tenant ensuite compte de leur ancienneté dans la profession et que leur ancienneté a donc constitué le point de départ d'un nouveau classement supérieur à l'échelle 3 dès lors que la tranche par 5 ans d'ancienneté restait requise pour le passage à l'échelle supérieure et cela jusqu'à l'échelle 8.
8. S'agissant de la salariée, il relève qu'il n'est pas contesté qu'elle a atteint l'échelle 6 le 1er juillet 2018 au terme de 26 ans 4 mois et 4 jours d'ancienneté alors qu'un médecin engagé à compter du 1er juin 2006, exerçant dans une situation identique ou similaire et accomplissant un travail de valeur égale, pouvait atteindre directement cette échelle avec une ancienneté seulement de 15 ans de carrière.
9. Il conclut que non seulement l'accession directe à l'échelle 3 a permis un déroulement de carrière plus rapide au bénéfice des nouveaux salariés, ce qui en soi n'est pas proscrit, étant précisé que ceux engagés antérieurement au 1er juin 2006 qui n'avaient pas atteint 10 ans d'ancienneté en ont aussi bénéficié, mais qu'en outre le nouveau statut a créé une inégalité dans la classification à ancienneté égale au profit des nouveaux, et plus particulièrement au détriment de ceux ayant une longue ancienneté comme l'intéressée.
10. En statuant ainsi, sans constater que des salariés engagés après l'entrée en vigueur du nouveau barème conventionnel et placés dans une situation identique ou similaire avaient bénéficié d'une classification ou d'une rémunération supérieures à celles de l'intéressée, la cour d'appel a violé le principe susvisé.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 29 septembre 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Amiens ;
Condamne Mme [R] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé publiquement le vingt-cinq juin deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.