LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
COMM.
HM
COUR DE CASSATION
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Arrêt du 25 juin 2025
Cassation partielle
M. VIGNEAU, président
Arrêt n° 358 F-D
Pourvoi n° F 22-17.090
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 25 JUIN 2025
1°/ L'entreprise [O] [Z], dont le siège est [Adresse 1],
2°/ la société WRA, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 3], en la personne de M. [C] [H], agissant en qualité de liquidateur judiciaire de l'entreprise individuelle de [O] [Z],
ont formé le pourvoi n° F 22-17.090 contre l'arrêt rendu le 3 mars 2022 par la cour d'appel de Douai (chambre 2, section 2), dans le litige les opposant à la société Axis experts conseil, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], venant aux droits de la société Audit comptabilité conseils (A2C) Nord, défenderesse à la cassation.
Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Tréfigny, conseiller, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de l'entreprise [O] [Z] et de la société WRA, ès qualités, de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Axis experts conseil, venant aux droits de la société Audit comptabilité conseils (A2C) Nord, après débats en l'audience publique du 13 mai 2025 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Tréfigny, conseiller rapporteur, M. Mollard, conseiller doyen, et Mme Labat, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Douai, 3 mars 2022), la société Audit comptabilité conseils Nord (la société A2C Nord), devenue la société Axis experts conseil, a conclu avec Mme [Z] un contrat d'apporteur d'affaires soumis à trois conditions suspensives.
2. Parmi ces conditions suspensives était prévue l'entrée de Mme [Z] au capital de la société A2C Nord avant une certaine date, ce qui ne s'est pas réalisé.
3. La société A2C Nord a assigné Mme [Z] en remboursement de la somme de 10 000 euros qu'elle lui avait versée à titre d'avance à la signature du contrat. Celle-ci a demandé à titre reconventionnel la condamnation de la société A2C Nord à réparer le préjudice que lui aurait causé la « disparition » du contrat.
4. Par jugement du 30 mai 2023, le tribunal de commerce de Dunkerque a mis l'entreprise individuelle de Mme [Z] en liquidation judiciaire et désigné la société WRA, prise en la personne de M. [H], en qualité de liquidateur, laquelle est intervenue volontairement, ès qualités, à l'instance.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
5. La société WRA, ès qualités, fait grief à l'arrêt de refuser de constater la nullité du contrat d'apporteur d'affaires du 20 décembre 2016 et de rejeter les demandes de compensation et réparation, alors « que constitue une condition potestative entachant la convention de nullité la condition liée à l'entrée de l'un des cocontractants dans le capital de l'autre dès lors que les conditions de cette entrée dans le capital ne sont pas précisées ; qu'en l'espèce, selon les constatations mêmes de l'arrêt, le contrat d'apporteur d'affaires était assorti de la condition suspensive suivante : "L'entrée de l'apporteur d'affaires dans le capital de la société au plus tard le 31 janvier 2018" ; qu'à défaut d'autres précisions, la condition tenant à l'entrée de Mme [Z] dans le capital de la société A2C Nord caractérisait bien une condition potestative ; qu'en décidant le contraire, les juges du fond ont violé l'article 1304-2 nouveau du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 1304-2 du code civil :
6. Aux termes de ce texte, est nulle l'obligation contractée sous une condition dont la réalisation dépend de la seule volonté du débiteur.
7. Pour rejeter les demandes de Mme [Z] en dommages et intérêts et compensation, l'arrêt, après avoir constaté que le contrat d'apporteur d'affaires était conclu sous la condition suspensive de « [l]'entrée de l'apporteur d'affaires dans le capital de la société au plus tard le 31 janvier 2018 », retient qu'il n'est pas démontré que la réalisation de cette condition était à la seule discrétion de la société A2C Nord.
8. En se déterminant ainsi, sans indiquer de quel acte de volonté, autre que celui de la société A2C Nord ou de Mme [Z], ou de quelle circonstance dépendait la réalisation de la condition tenant à l'entrée de Mme [Z] au capital de la société A2C Nord, la cour d'appel, qui n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle, n'a pas donné de base légale à sa décision.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce que, confirmant le jugement entrepris, il rejette les demandes de Mme [Z] en compensation ou dommages et intérêts, l'arrêt rendu le 3 mars 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Douai autrement composée ;
Condamne la société Axis experts conseil aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Axis experts conseil et la condamne à payer à la société WRA, prise en la personne de M. [H], en qualité de liquidateur de l'entreprise individuelle de Mme [Z], la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé publiquement le vingt-cinq juin deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.