LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
ZB1
COUR DE CASSATION
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Arrêt du 18 juin 2025
Cassation partielle
Mme MARIETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 665 F-D
Pourvoi n° E 24-17.097
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 18 JUIN 2025
M. [L] [T], domicilié [Adresse 3], a formé le pourvoi n° E 24-17.097 contre l'arrêt rendu le 22 novembre 2023 par la cour d'appel de Reims (chambre sociale), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société Brucelle Charles, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], prise en qualité de liquidateur judiciaire de la SARL Taxis Bridoux Fils,
2°/ à l'Unedic délégation AGS-CGEA d'[Localité 4], dont le siège est [Adresse 2],
défenderesses à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Redon, conseiller référendaire, les observations de la SARL Cabinet François Pinet, avocat de M. [T], de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de la société Brucelle Charles, ès qualités, après débats en l'audience publique du 20 mai 2025 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Redon, conseiller référendaire rapporteur, M. Barincou, conseiller, et Mme Aubac, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Reims, 22 novembre 2023), M. [T] a été engagé en qualité d'ambulancier à compter du 14 octobre 2013 par la société Taxi Bridoux fils.
2. Cette société a été placée en liquidation judiciaire le 17 octobre 2019, la société Charles Brucelle étant désignée en qualité de liquidateur.
3. Licencié pour motif économique le 9 avril 2020, le salarié a saisi la juridiction prud'homale pour contester cette rupture.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le second moyen, pris en sa quatrième branche
Enoncé du moyen
5. Le salarié fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande tendant à ce que soit fixée au passif de la liquidation judiciaire de l'employeur une somme à titre de dommages-intérêts pour violation des règles relatives aux critères d'ordre de licenciement, alors « qu'il appartient à l'employeur en cas de contestation sur l'application des critères d'ordre des licenciements de communiquer au juge les éléments objectifs sur lesquels il s'est appuyé pour arrêter son choix ; qu'en statuant comme elle l'a fait, cependant qu'il appartenait au liquidateur judiciaire de communiquer les éléments objectifs sur lesquels il s'était appuyé pour arrêter son choix des salariés à licencier et, ainsi, de justifier que son choix s'était régulièrement porté sur lui, la cour d'appel a renversé la charge de la preuve et violé l'article L. 1233-5 du code du travail en sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2017-1718 du 20 décembre 2017. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 1233-5 du code du travail :
6. Il résulte de ce texte qu'il appartient à l'employeur, en cas de contestation sur l'application des critères d'ordre, de communiquer au juge les données objectives, précises et vérifiables sur lesquelles il s'est appuyé pour arrêter, selon les critères définis, son choix quant aux personnes licenciées.
7. Pour rejeter la demande du salarié de dommages-intérêts pour violation des règles relatives aux critères d'ordre de licenciement, l'arrêt retient qu'il ne conteste pas le nombre de points qui lui ont été attribués selon les critères d'ordre et se borne à affirmer qu'un de ses collègues a obtenu moins de points que lui sans toutefois fournir aucun élément au juge à ce sujet.
8. En statuant ainsi, en faisant peser la charge de la preuve sur le salarié qui contestait l'application des critères d'ordre, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute M. [T] de sa demande pour violation des règles relatives aux critères d'ordre du licenciement et en ce qu'il statue sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 22 novembre 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Reims ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Amiens ;
Condamne la société Brucelle Charles, en qualité de liquidateur judiciaire de la société Taxis Bridoux fils, aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Brucelle Charles, ès qualités, et la condamne à payer à M. [T] la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé publiquement le dix-huit juin deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.