LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 1
MY1
COUR DE CASSATION
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Arrêt du 18 juin 2025
Cassation partielle
Mme CHAMPALAUNE, président
Arrêt n° 443 F-D
Pourvoi n° R 23-21.657
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 18 JUIN 2025
La société Crédit logement, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° R 23-21.657 contre l'arrêt rendu le 5 juillet 2023 par la cour d'appel de Colmar (1re chambre civile, section A), dans le litige l'opposant :
1°/ à M. [K] [J], domicilié [Adresse 3],
2°/ à la société Crédit lyonnais, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1],
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Bruyère, conseiller, les observations de la SARL Matuchansky, Poupot, Valdelièvre et Rameix, avocat de la société Crédit logement, de la SAS Buk Lament-Robillot, avocat de M. [J], de la SARL Matuchansky, Poupot, Valdelièvre et Rameix, avocat de la société Crédit lyonnais, après débats en l'audience publique du 6 mai 2025 où étaient présents Mme Champalaune, président, M. Bruyère, conseiller rapporteur, Mme Guihal, conseiller doyen, et Mme Vignes, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Colmar, 5 juillet 2023), selon offre acceptée le 11 septembre 2010, la société Crédit lyonnais (le prêteur) a consenti un prêt immobilier à M. [J] (l'emprunteur).
2. Le prêteur a notifié à l'emprunteur la déchéance du terme du prêt.
3. Après avoir mis l'emprunteur en demeure, la société Crédit logement a assigné l'emprunteur en paiement des sommes payées au prêteur en invoquant sa qualité de caution.
4. Une cour d'appel a déclaré son action et ses demandes irrecevables pour défaut de qualité à agir.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
5. La société Crédit logement fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevables, pour défaut de qualité à agir, son action et ses demandes tendant à voir condamner l'emprunteur à lui payer la somme principale de 1 078 482,37 euros, avec intérêts au taux légal sur la somme de 1 051 649,74 euros à compter du 12 février 2019, alors « que l'existence du droit invoqué par le demandeur n'est pas une condition de recevabilité de son action mais de son succès ; qu'il résulte des constatations de l'arrêt attaqué que la société Crédit logement, qui s'était portée caution du remboursement du prêt immobilier de 1,25 millions d'euros souscrit par l'emprunteur auprès du prêteur, justifiait, par deux quittances du 18 juin 2015 et du 20 avril 2016, des paiements qu'elle avait effectués entre les mains du Crédit lyonnais en lieu et place de l'emprunteur, désigné sur ces quittances comme débiteur principal des sommes payées ; que la cour d'appel a néanmoins déclaré la société Crédit logement irrecevable, pour défaut de qualité, à agir contre l'emprunteur en remboursement de ces sommes, sur le fondement du recours personnel de la caution après paiement, au motif que les quittances mentionnaient des paiements effectués par la société Crédit logement au titre d'un engagement de caution du 23 juin 2010, dont l'existence n'était pas établie et dont il n'était pas prouvé qu'il avait pour objet de garantir une dette de l'emprunteur ; que la cour d'appel s'est ainsi fondée sur l'inexistence prétendue du droit substantiel qu'invoquait la société Crédit logement à l'encontre de l'emprunteur, pour en déduire que cette société n'avait pas qualité pour agir et que son action était par conséquent irrecevable ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les articles 30, 31 et 32 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu l' article 31 du code de procédure civile :
6. En application de ce texte, l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé.
7. Pour déclarer irrecevable l'action de la société Crédit logement, l'arrêt énonce qu'elle agit en sa qualité de caution, résultant de son engagement du 26 août 2010, pour obtenir le remboursement de sommes qu'elle a versées au titre d'un autre engagement de caution, daté du 23 juin 2010, et dont elle ne prouve pas l'existence, ni d'ailleurs qu'il avait pour objet de garantir une dette de l'emprunteur.
8. En statuant ainsi, alors que l'intérêt à agir n'est pas subordonné à la démonstration préalable du bien-fondé de l'action, et que la qualité de caution de la société Crédit logement n'est pas une condition de recevabilité de l'action mais de son succès, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
Portée et conséquences de la cassation
9. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation du chef de dispositif de l'arrêt déclarant irrecevables, pour défaut de qualité à agir, l'action et les demandes de la société Crédit Logement, entraîne la cassation des chefs de dispositif rejetant la demande de dommages et intérêts de la société Crédit logement pour appel et résistance abusifs, condamnant la société Crédit logement à supporter les dépens de première instance et d'appel, et condamnant la société Crédit logement à payer à M. [J] la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, qui s'y rattachent par un lien de dépendance nécessaire.
Mise hors de cause
10. Il y a lieu de mettre hors de cause la société Crédit lyonnais, dont la présence n'est pas nécessaire devant la cour d'appel de renvoi.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare irrecevables, pour défaut de qualité à agir, l'action et les demandes de la société Crédit logement, rejette la demande de dommages et intérêts de la société Crédit logement pour appel et résistance abusifs, condamne la société Crédit logement à supporter les dépens de première instance et d'appel, condamne la société Crédit logement à payer à M. [J] la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 5 juillet 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Colmar ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Metz ;
Met hors de cause la société Crédit lyonnais ;
Condamne M. [J] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé publiquement le dix-huit juin deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.