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17/06/2025 | FRANCE | N°C2501011

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 17 juin 2025, C2501011


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :


N° E 25-82.352 F-D


N° 01011




ODVS
17 JUIN 2025




REJET




M. BONNAL président,
















R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________




AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________




ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 17 JUIN 2025






M. [D] [U] a for

mé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Versailles, en date du 12 mars 2025, qui, dans la procédure d'extradition suivie contre lui à la demande du gouvernement turc, a rejeté sa demande de ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

N° E 25-82.352 F-D

N° 01011

ODVS
17 JUIN 2025

REJET

M. BONNAL président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 17 JUIN 2025

M. [D] [U] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Versailles, en date du 12 mars 2025, qui, dans la procédure d'extradition suivie contre lui à la demande du gouvernement turc, a rejeté sa demande de mise en liberté.

Un mémoire a été produit.

Sur le rapport de M. Cavalerie, conseiller, les observations de la SAS Zribi et Texier, avocat de M. [D] [U], et les conclusions de M. Bigey, avocat général, après débats en l'audience publique du 17 juin 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Cavalerie, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, conseiller de la chambre, et Mme Dang Van Sung, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.

2. Le 2 août 2022, le gouvernement de la République de Turquie a formé contre M. [D] [U] une demande d'extradition fondée sur un mandat d'arrêt décerné le 12 novembre 2021 pour l'exercice de poursuites pénales concernant des faits de tentative d'homicide volontaire commis le 1er mai 2013 à [Localité 1] en Turquie.

3. M. [U] a été interpellé et placé en rétention le 29 juillet 2022. Déféré le lendemain, il a été placé sous écrou extraditionnel.

4. La demande d'extradition lui a été notifiée le 27 septembre 2022. M. [U] a déclaré s'y opposer et ne pas renoncer au principe de spécialité.

5. Par arrêt du 19 octobre 2022, la chambre de l'instruction a donné un avis favorable à son extradition. M. [U] a formé un pourvoi contre cet arrêt dont il s'est désisté.

6. Le décret d'extradition le concernant a été signé le 11 septembre 2023 et notifié à l'intéressé le 20 septembre suivant. Le 11 octobre 2023, M. [U] a formé un recours devant le Conseil d'Etat contre ce décret. La procédure est toujours en cours, le ministère de la justice ayant déposé ses observations le 24 janvier 2024.

7. M. [U] a formé une demande de mise en liberté.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

8. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté la demande de mise en liberté de M. [U], alors « que lorsque la chambre de l'instruction est saisie d'une demande de mise en liberté formée par une personne placée sous écrou extraditionnel, les débats et le prononcé de l'arrêt doivent avoir lieu en chambre du conseil ; qu'en se prononçant par un arrêt rendue en audience publique après des débats tenus en audience publique, la chambre de l'instruction a violé les articles 199, 696-19, 591 et 802 du Code de procédure pénale. »

Réponse de la Cour

9. Il se déduit des termes de l'article 696-19 du code de procédure pénale qui renvoie aux dispositions de l'article 199 du même code que, si la personne placée sous écrou extraditionnel qui sollicite sa mise en liberté est majeure, les débats se déroulent et l'arrêt est rendu en audience publique, sauf décision contraire de la chambre de l'instruction rendue sur opposition du ministère public, de la personne ou de son avocat.

10. Le moyen ne saurait donc être accueilli.

Sur le deuxième moyen

Enoncé du moyen

11. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté la demande de mise en liberté de M. [U], alors :

« 1°/ que saisie d'une demande de mise en liberté formée par une personne placée sous écrou extraditionnel, la chambre de l'instruction doit s'assurer du caractère raisonnable de la durée de la détention provisoire au regard de l'article 5, 1, f de la Convention européenne des droits de l'homme ; que l'autorité judiciaire doit contrôler à cette occasion, la durée de l'incarcération, en tenant compte notamment des éventuels recours exercés par la personne et des délais dans lesquels les autorités juridictionnelles et administratives ont statué ; que ce contrôle exige que l'autorité judiciaire fasse droit à la demande de mise en liberté lorsque la durée totale de la détention, dans le cadre de la procédure d'extradition, excède un délai raisonnable ; que la chambre de l'instruction a relevé que M. [U] est sous écrou extraditionnel depuis le 30 juillet 2022 soit depuis deux ans et 7 mois à la date où il statuait ; qu'en énonçant, pour rejeter la demande de mise en liberté de M. [U], et retenir que la durée de sa détention était raisonnable, que la chambre de l'instruction avait rendu un arrêt sur l'extradition le 19 octobre 2022, qu'il avait fait un pourvoi contre cette décision dont il s'était désisté et avait engagé diverses procédures administratives pour faire échec, selon elle, aux autorités turques, sans examiner les délais dans lesquels l'ensemble des autorités administratives et juridictionnelles ont statué, tant au stade de l'édiction du décret d'extradition que sur les délais d'instruction du recours formé à son encontre par M. [U], pour apprécier le caractère raisonnable ou déraisonnable de la durée de l'écrou extraditionnel, la chambre de l'instruction a méconnu l'article 5, 1, f de la Convention européenne des droits de l'homme ;

2°/ qu'en se bornant à apprécier le caractère raisonnable de la durée de la détention de M. [U] au regard du délai dans lequel la chambre de l'instruction a prononcé son avis, sans rechercher si la procédure d'extradition avait été menée avec la diligence requise de manière globale, alors que l'intéressé était placé sous écrou extraditionnel depuis deux ans et sept mois, la chambre de l'instruction a méconnu l'article 5, 1, f de la Convention européenne des droits de l'homme et n'a pas justifié sa décision ;

3°/ que la circonstance qu'une personne, placée sous écrou extraditionnelle, forme des recours juridictionnels, ne saurait exclure à elle seule le caractère déraisonnable de la durée de sa détention ; que la chambre de l'instruction a relevé que M. [U] est sous écrou extraditionnel depuis le 30 juillet 2022 soit depuis deux ans et 7 mois à la date où il statuait ; qu'en énonçant, pour rejeter la demande de mise en liberté de M. [U], et retenir que le délai était raisonnable, que la chambre de l'instruction avait rendu un arrêt sur l'extradition le 19 octobre 2022, qu'il avait fait un pourvoi contre cette décision dont il s'était désisté et avait engagé diverses procédures administratives pour faire échec, selon elle, aux autorités turques, lors même que l'exercice de recours par la personne placée sous écrou extraditionnel ne saurait exclure le caractère déraisonnable de la durée de sa privation de liberté, la chambre de l'instruction a méconnu l'article 5, 1, f de la Convention européenne des droits de l'homme ;

4°/ que, en tout état de cause, saisie d'une demande de mise en liberté formée par une personne placée sous écrou extraditionnel, la chambre de l'instruction doit s'assurer du caractère raisonnable de la durée de la détention provisoire au regard de l'article 5, 1, f de la Convention européenne des droits de l'homme ; que l'autorité judiciaire doit contrôler à cette occasion, la durée de l'incarcération, en tenant compte notamment des éventuels recours exercés par la personne et des délais dans lesquels les autorités juridictionnelles et administratives ont statué ; que ce contrôle exige que l'autorité judiciaire fasse droit à la demande de mise en liberté lorsque la durée totale de la détention, dans le cadre de la procédure d'extradition, excède un délai raisonnable ; que la chambre de l'instruction a relevé que M. [U] est sous écrou extraditionnel depuis le 30 juillet 2022 soit depuis deux ans et 7 mois à la date où il statuait ; qu'en énonçant, pour rejeter la demande de mise en liberté de M. [U], et retenir que le délai était raisonnable, que la chambre de l'instruction avait rendu un arrêt sur l'extradition le 19 octobre 2022, qu'il avait fait un pourvoi contre cette décision dont il s'était désisté et avait engagé diverses procédures administratives pour faire échec, selon elle, aux autorités turques, sans davantage s'en expliquer, la chambre de l'instruction n'a pas justifié sa décision et a méconnu l'article 593 du code de procédure pénale ;

5°/ que dans son mémoire, M. [U] soutenait qu'il devait être remis en liberté, dès lors que, ayant obtenu le statut de réfugié par une décision du 7 mai 2024, il n'existait aucune perspective d'éloignement vers la Turquie, qui était prohibé ; qu'en s'abstenant de répondre à cette articulation essentielle de son mémoire, la chambre de l'instruction a méconnu l'article 593 du code de procédure pénale ;

6°/ que saisie d'une demande de mise en liberté formée par une personne placée sous écrou extraditionnel, la chambre de l'instruction doit s'assurer du caractère raisonnable de la durée de la détention provisoire au regard de l'article 5, 1, f de la Convention européenne des droits de l'homme ; que l'autorité judiciaire doit contrôler à cette occasion, la durée de l'incarcération, en tenant compte notamment des éventuels recours exercés par la personne et des délais dans lesquels les autorités juridictionnelles et administratives ont statué ; que ce contrôle exige que l'autorité judiciaire fasse droit à la demande de mise en liberté lorsque la durée totale de la détention, dans le cadre de la procédure d'extradition, excède un délai raisonnable ; que dans ce cadre, elle doit rechercher s'il existe des perspectives d'éloignement, dans un futur quantifiable et un délai raisonnable ; qu'ainsi, le juge doit tenir compte de ce que la personne a le statut de réfugié, qui fait obstacle à son éloignement ; qu'en s'abstenant de tenir compte de ce que M. [U] a obtenu le statut de réfugié par une décision de la CNDA du 7 mai 2024 et qu'en conséquence, il ne pouvait pas être éloigné vers la Turquie, pour apprécier le caractère déraisonnable de la durée de sa détention, la chambre de l'instruction a méconnu les articles 5, 1, f de la Convention européenne des droits de l'homme, 3 de la Convention européenne d'extradition du 13 décembre 1957 1er et 33 de la Convention de Genève et a, en s'abstenant de répondre à cette articulation essentielle de son mémoire, méconnu l'article 593 du code de procédure pénale. »

Réponse de la Cour

12. Pour rejeter la demande de mise en liberté de M. [U] et considérer que la durée de l'écrou extraditionnel n'excède pas, depuis le 30 juillet 2022, un délai raisonnable, l'arrêt attaqué énonce que l'intéressé s'est désisté de son pourvoi formé à l'encontre de l'avis favorable à son extradition donné par la chambre de l'instruction le 19 octobre 2022, tandis qu'il a formé un recours devant le Conseil d'Etat contre le décret d'extradition qui lui a été notifié le 11 octobre 2023.

13. Les juges précisent que, dans le cadre de ce recours, le ministère de la justice a déposé ses observations le 24 janvier 2024.

14. Ils retiennent par ailleurs que l'intéressé n'est titulaire que d'un récépissé de demande de carte de séjour et que la décision relative à l'octroi du statut de réfugié n'est pas définitive.

15. En statuant ainsi, la chambre de l'instruction n'a méconnu aucun des textes visés au moyen.

16. En effet, elle a suffisamment justifié, au regard des circonstances de l'espèce tenant en particulier aux recours exercés par la personne réclamée, que la procédure dans son ensemble a été conduite avec diligence et sans retard injustifié, et que la durée de la détention de M. [U] n'excède pas en l'état le délai raisonnable nécessaire pour atteindre le but poursuivi.

17. Le moyen ne saurait donc être accueilli.

Sur le troisième moyen

Enoncé du moyen

18. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté la demande de mise en liberté de M. [U], alors « que lorsque la chambre de l'instruction statue sur une demande de mise en liberté présentée par un étranger placé sous écrou extraditionnel, elle ne doit se référer qu'aux garanties offertes par l'intéressé en vue de satisfaire à la demande de l'Etat requérant ; que dans ce cadre, elle doit examiner si une assignation à résidence ou un placement sous contrôle judiciaire sont envisageables ; qu'en ne procédant pas à cette recherche, la chambre de l'instruction a violé les articles 593 et 696-19 du code de procédure pénale. »

Réponse de la Cour

19. Pour rejeter la demande de mise en liberté de M. [U], l'arrêt attaqué énonce que les garanties de représentation de celui qui fait une demande de mise en liberté dans le cadre d'une demande d'extradition doivent être appréciées tant au regard de l'Etat requérant que de l'Etat requis.

20. Les juges relèvent que l'intéressé est sans domicile personnel et que les diverses domiciliations et attestations fournies n'établissent que sa mobilité et la précarité de sa situation sur le territoire français.

21. En statuant ainsi, la chambre de l'instruction a fait l'exacte application des textes visés au moyen.

22. En effet, l'article 696-19 du code de procédure pénale ne renvoyant pas aux articles 137-3 et 144 de ce code, la chambre de l'instruction, lorsqu'elle statue sur une demande de mise en liberté présentée par un étranger placé sous écrou extraditionnel, ne doit se référer qu'aux garanties offertes par l'intéressé en vue de satisfaire à la demande de l'Etat requérant.

23. Dès lors, le moyen doit être également rejeté.

24. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept juin deux mille vingt-cinq.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : C2501011
Date de la décision : 17/06/2025
Sens de l'arrêt : Rejet

Références :

Décision attaquée : Chambre de l'instruction de la cour d'appel de Versailles, 12 mars 2025


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 17 jui. 2025, pourvoi n°C2501011


Composition du Tribunal
Président : M. Bonnal (président)
Avocat(s) : SAS Zribi et Texier

Origine de la décision
Date de l'import : 01/07/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2025:C2501011
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