LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
CH10
COUR DE CASSATION
______________________
Arrêt du 12 juin 2025
Cassation
Mme MARTINEL, président
Arrêt n° 594 F-D
Pourvoi n° N 22-23.283
Aide juridictionnelle totale en demande
au profit de M. [O].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 22 septembre 2022.
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 12 JUIN 2025
M. [N] [O], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° N 22-23.283 contre l'arrêt rendu le 27 octobre 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 6 - chambre 1), dans le litige l'opposant à l'association Aglaë et Bucéphale, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Bonnet, conseiller référendaire, les observations de Me Bardoul, avocat de M. [O], et l'avis de M. Adida-Canac, avocat général, après débats en l'audience publique du 6 mai 2025 où étaient présentes Mme Martinel, président, Mme Bonnet, conseiller référendaire rapporteur, Mme Durin-Karsenty, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 27 octobre 2021), le 26 juin 2019, M. [O] a interjeté appel du jugement du 28 mars 2017 d'un conseil de prud'hommes dans le litige l'opposant à l'association Aglaë et Bucéphale.
2. Le 6 juillet 2019, M. [O] a interjeté appel une seconde fois du même jugement.
3. Le conseiller de la mise en état a ordonné la jonction des affaires enregistrées sous deux numéros différents, et dit n'y avoir lieu à caducité de la déclaration d'appel, par une ordonnance du 22 octobre 2020 rendue sur incident, que l'association Aglaë et Bucéphale a déférée à la cour d'appel.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
4. M. [O] fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable la déclaration d'appel enregistrée sous le numéro RG 19/07797 et de prononcer l'extinction de l'instance d'appel et le dessaisissement de la Cour, alors « que lorsqu'elle est saisie d'un déféré contre une ordonnance du conseiller de la mise en état, la cour d'appel ne peut examiner que les demandes formées devant elle et antérieurement devant le conseiller de la mise en état ; qu'en déclarant irrecevable la déclaration d'appel enregistrée sous le numéro RG 19/07797 quand cette demande n'avait pas été formulée dans la requête en déféré ni même devant le conseiller de la mise en état qui n'avait pas statué sur cette fin de non-recevoir dans son dispositif, la cour d'appel a violé les articles 4, 5 et 916 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 4 et 916 du code de procédure civile :
5. Pour dire la seconde déclaration d'appel irrecevable faute d'intérêt à interjeter appel, l'arrêt retient, après avoir relevé que M. [O] indique avoir été confronté à un dysfonctionnement sur RPVA lors de la première déclaration d'appel, que la seconde déclaration est identique à la première et n'a donc aucune fonction de régularisation.
6. En statuant ainsi, alors que l'irrecevabilité de l'appel n'avait pas été invoquée par les parties devant le conseiller de la mise en état, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Et sur le second moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
7. M. [O] fait grief à l'arrêt de prononcer la caducité de la déclaration d'appel enregistrée sous le numéro RG 19/07442 de M. [O] et de prononcer l'extinction de l'instance d'appel et le dessaisissement de la Cour, alors « qu'en application de l'article 908 du code de procédure civile, à peine de caducité de la déclaration d'appel, relevée d'office, l'appelant dispose d'un délai de trois mois à compter de la déclaration d'appel pour conclure ; que sous les mêmes sanctions, en application de l'article 911 du code de procédure civile, les conclusions sont notifiées aux avocats des parties dans le délai de leur remise au greffe de la cour ou signifiées au plus tard dans le mois suivant l'expiration des délais prévus à ces articles aux parties qui n'ont pas constitué avocat ; que les conclusions d'appelant exigées par l'article 908 sont toutes celles remises au greffe et notifiées dans les délais prévus par ce texte, qui déterminent l'objet du litige porté devant la cour d'appel ; que ledispositif des conclusions de l'appelant remises dans le délai de l'article 908, doit ainsi comporter, en vue de l'infirmation ou de l'annulation du jugement frappé d'appel, des prétentions sur le litige ; que ne peut ainsi être prononcée la caducité d'une déclaration d'appel sur le fondement des articles 908 et 911 du code de procédure civile si des conclusions ont été remises et notifiées dans les conditions prévues par lesdits articles dès lors qu'elles déterminent l'objet du litige en comportant, en particulier, en vue de l'infirmation ou de l'annulation du jugement faisant l'objet de la déclaration d'appel, des prétentions sur ledit litige quand bien même lesdites conclusions auraient été remises et notifiées en mentionnant le numéro de répertoire d'une autre déclaration d'appel portant sur le même jugement ; que la cour d'appel a constaté que M. [O] avait formé deux déclarations d'appel relatives au même jugement une première enregistrée sous le numéro de répertoire 19/07442 et une seconde portant le numéro 19/7797 ; qu'en déclarant caduque la déclaration enregistrée sous le numéro RG 19/07442 pour prononcer l'extinction de l'instance d'appel et le dessaisissement de la cour au motif que dans le dossier n° 19/07442, l'appelant n'avait jamais remis de conclusions d'appelant au greffe ni ne les avait notifiées à son contradicteur en application des articles 908 et 911 du code de procédure civile et en retenant que la notification éventuelle de conclusions dans le dossier 19/7797 ne saurait pallier leur absence dans le premier dossier, ni entraîner une quelconque régularisation procédurale quand sans tenir compte du numéro de répertoire mentionné lors de la remise au greffe et de la notification des conclusions, la cour d'appel devait seulement rechercher si des conclusions déterminant l'objet du litige et comportant, à ce titre, en vue de l'infirmation ou de l'annulation du jugement objet des deux déclarations d'appel des prétentions sur le litige avaient été remises et notifiées dans les conditions prévues aux articles 908 et 911 du code de procédure civile, la cour d'appel a violé lesdits textes. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 914 et 916 du code de procédure civile :
8. Il résulte de ces textes que l'appelant dispose, à peine de caducité de la déclaration d'appel, d'un délai de trois mois à compter de la déclaration d'appel pour remettre au greffe ses conclusions déterminant l'objet du litige et les notifier aux avocats des parties dans le délai de leur remise au greffe de la cour d'appel.
9. Pour infirmer l'ordonnance et constater la caducité de la déclaration d'appel, l'arrêt, après avoir relevé que M. [O] avait adressé au greffe ses premières conclusions le 6 septembre 2019 sous le numéro de RG 19/07797, retient qu'il n'a jamais remis de conclusions d'appelant au greffe ni ne les a notifiées à son contradicteur en application des articles 908 et 911 du code de procédure civile, et que la notification éventuelle de conclusions dans le dossier 19/7797 ne saurait pallier leur absence dans le premier dossier, ni entraîner une quelconque régularisation procédurale.
10. En statuant ainsi, alors qu'elle constatait que l'appelant avait remis ses conclusions dans le délai requis par l'article 908 précité à compter de la déclaration d'appel, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 27 octobre 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;
Condamne l'association Aglaë et Bucéphale aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne l'association Aglaë et Bucéphale à payer à Me Bardoul la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé publiquement le douze juin deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.