LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
AF1
COUR DE CASSATION
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Arrêt du 12 juin 2025
Cassation
Mme MARTINEL, président
Arrêt n° 583 F-D
Pourvoi n° W 22-24.832
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 12 JUIN 2025
La société Horizon Mif immo, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° W 22-24.832 contre l'arrêt rendu le 3 novembre 2022 par la cour d'appel de Versailles (16e chambre civile), dans le litige l'opposant :
1°/ à Mme [R] [X], épouse [M],
2°/ à M. [T] [M],
tous deux, domiciliés [Adresse 2],
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Caillard, conseiller, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de la société Horizon Mif immo, de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de M. et Mme [M], et l'avis de M. Adida-Canac, avocat général, après débats en l'audience publique du 6 mai 2025 où étaient présentes Mme Martinel, président, Mme Caillard, conseiller rapporteur, Mme Durin-Karsenty, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 3 novembre 2022), le 9 mai 2019, la société Horizon Mif immo (la société) a, sur le fondement d'un acte notarié de prêt du 27 avril 2017 garanti par les cautionnements solidaires de M. et Mme [M], fait pratiquer une saisie-attribution au préjudice de ces derniers, qui ont saisi un juge de l'exécution d'une contestation.
2. Par un arrêt du 19 novembre 2020, une cour d'appel a ordonné la mainlevée de cette saisie.
3. Le 25 juin 2021, M. et Mme [M] ont fait pratiquer une saisie- attribution au préjudice de la société, sur le fondement de cet arrêt, pour obtenir la restitution des sommes saisies lors de la précédente mesure d'exécution.
4. La société a contesté cette saisie devant le juge de l'exécution en invoquant la compensation entre cette créance de M. et Mme [M] et sa propre créance à leur encontre, résultant de l'acte notarié du 27 avril 2017.
5. Par un jugement du 9 mars 2022, le juge de l'exécution a déclaré irrecevable la demande de compensation formée par la société et a débouté cette dernière. La société a relevé appel du jugement.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
6. La société fait grief à l'arrêt, en confirmant le jugement, de déclarer irrecevable la demande de compensation formée par elle et de la débouter de toutes ses demandes, alors :
« 1°/ que seules les énonciations figurant au dispositif de la décision bénéficient de l'autorité de la chose jugée ; qu'en décidant que la demande de compensation formée par la société se heurtait à l'autorité de la chose jugée de l'arrêt de la cour d'appel de Versailles du 19 novembre 2020 au motif qu'il résulte de cet arrêt que la société ne bénéficie d'aucune créance à l'encontre de M. et Mme [M] en leur qualité de caution, après avoir constaté que l'arrêt de la cour d'appel du 19 novembre 2020 n'a tranché, dans son dispositif, ni la validité du cautionnement notarié, ni l'existence d'une créance de la société à l'encontre de M. et Mme [M] en leur qualité de caution, la cour d'appel a violé l'article 1355 du code civil, ensemble l'article 480 du code de procédure civile ;
2°/ que l'autorité de la chose jugée s'attache au seul dispositif de la décision à l'exclusion de ses motifs, fussent-ils le soutien nécessaire du dispositif ; qu'ainsi, seules les énonciations figurant explicitement dans le dispositif de la décision peuvent se voir reconnaître l'autorité de la chose jugée ; qu'en décidant que la mainlevée de la saisie, en l'absence d'une quelconque régularité retenue par l'arrêt de la cour d'appel du 19 novembre 2020, n'a pu être ordonnée que compte tenu de l'absence de créances de la société à l'encontre de M. et Mme [M], la cour d'appel qui a attribué l'autorité de la chose jugée au motif de l'arrêt de la cour d'appel du 19 novembre 2020, a violé l'article 480 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 1355 du code civil et 480 du code de procédure civile :
7. Il résulte de ces textes que l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui fait l'objet d'un jugement et a été tranché dans son dispositif.
8. Pour confirmer le jugement ayant déclaré irrecevable la demande de compensation formée par la société et ayant débouté cette dernière, l'arrêt retient que si l'autorité de la chose jugée s'attache seulement au dispositif et non aux motifs, elle s'étend à ce qui a été implicitement jugé comme étant la conséquence nécessaire du dispositif et qu'en l'espèce, la mainlevée de la saisie, en l'absence d'une quelconque irrégularité retenue par cette décision, n'a pu être ordonnée par l'arrêt de la cour d'appel du 19 novembre 2020 que compte tenu de l'absence de créance de la société à l'encontre de M. et Mme [M] en leur qualité de caution.
9. L'arrêt ajoute que cette décision, pour ordonner la mainlevée de la saisie, a retenu l'absence de validité de la seconde prorogation du cautionnement du 23 octobre 2018, M. et Mme [M] n'étant pas signataires de cet acte.
10. L'arrêt en déduit que la demande de compensation de la société s'oppose à l'autorité de la chose jugée de l'arrêt du 19 novembre 2020.
11. En statuant ainsi, alors que l'arrêt du 19 novembre 2020 n'avait tranché, dans son dispositif, ni la validité du cautionnement notarié, ni l'existence d'une créance à l'encontre des cautions et que les motifs de l'arrêt ne pouvaient avoir l'autorité de la chose jugée, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Portée et conséquences de la cassation
12. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation du chef de dispositif de l'arrêt ayant confirmé le jugement en toutes ses dispositions entraîne la cassation de tous les autres chefs de dispositif de l'arrêt, qui s'y rattachent par un lien de dépendance nécessaire.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 3 novembre 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles autrement composée ;
Condamne M. et Mme [M] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. et Mme [M] et les condamne in solidum à payer à la société Horizon Mif immo la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé publiquement le douze juin deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.