LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
ZB1
COUR DE CASSATION
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Arrêt du 11 juin 2025
Cassation partielle
Mme MONGE, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 648 F-D
Pourvoi n° U 24-13.453
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 11 JUIN 2025
La société Nightjet, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° U 24-13.453 contre l'arrêt rendu le 20 décembre 2023 par la cour d'appel de Montpellier (2e chambre sociale), dans le litige l'opposant à M. [E] [K], domicilié [Adresse 2], défendeur à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, cinq moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Deltort, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Nightjet, de la SARL Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. [K], après débats en l'audience publique du 14 mai 2025 où étaient présents Mme Monge, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Deltort, conseiller rapporteur, Mme Thomas-Davost, conseiller référendaire ayant voix délibérative, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article L. 431-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 20 décembre 2023), M. [K] a été engagé en qualité d'ouvrier polyvalent par la société Nightjet à compter du 16 mars 2012.
2. Le 28 janvier 2019, le salarié a été licencié.
3. Le 19 juillet 2019, le salarié a saisi la juridiction prud'homale de demandes en contestation de son licenciement et en paiement de diverses sommes au titre de l'exécution de son contrat de travail.
Examen des moyens
Sur les quatre premiers moyens
4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le cinquième moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
5. L'employeur fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevables ses demandes nouvelles formées en cause d'appel, alors « qu'il résulte des articles 70 et 567 du code de procédure civile, que les demandes reconventionnelles sont recevables en appel lorsqu'elles se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant ; qu'en l'espèce, il résulte de l'arrêt attaqué que la lettre de licenciement, indiquait notamment ''À la fin de votre journée le 11 janvier, vous avez déclaré devoir passer au bureau pour chercher vos cigarettes et vos lunettes. Je vous ai suivi et me suis rendu compte que vous emportiez l'ordinateur alors même que je vous avais demandé de le laisser dans l'entreprise compte tenu des données qu'il contenait et tant qu'elles n'auraient pas été transférées. Vous avez, non sans m'avoir copieusement insulté, quitté l'entreprise. Vous êtes revenu avec votre amie et avez forcé la porte du local pour entrer. Une fois à l'intérieur et pour trouver l'ordinateur, vous avez avec votre amie fouillé les locaux (y compris les chambres) en mode « perquisition » tout en me bousculant, et en proférant menaces et insultes diverses (tu n'es qu'un voleur, un suceur, je connais toute ta famille, je me rattraperai sur ton matériel...). Je vous ai répété que cet ordinateur contenait des données de l'entreprise qui devaient être transférées avant que vous ne l'emportiez. Vous n'avez rien voulu entendre et nous avons, avec l'aide de M. [Y], réussi à vous faire sortir'' ; que la société Nightjet sollicitait en cause d'appel, à titre reconventionnel, sur le fondement de la violation par le salarié de la clause de confidentialité figurant au contrat de travail, le paiement de dommages-intérêts en réparation, d'une part, du préjudice financier subi suite aux agissements fautifs et déloyaux du salarié ayant notamment consisté à s'emparer de toutes les données de l'employeur et à les remettre à son nouvel employeur exerçant la même activité ou une activité similaire dans le secteur de l'événementiel, et, d'autre part, du préjudice moral résultant notamment de l'atteinte portée à son image ; que, pour déclarer ces demandes irrecevables, la cour d'appel a affirmé qu'au regard de l'action initiée par le salarié visant diverses réclamations formées au titre de l'exécution du contrat de travail et du licenciement, lequel avait été prononcé pour faute grave en lien avec la seule altercation du 11 janvier 2019, il y avait lieu de considérer que ces demandes ne se rattachaient pas aux prétentions formées par M. [K] par un lien suffisant ; qu'en statuant ainsi, quand il résultait de la lettre de licenciement que l'altercation du 11 janvier 2019 avait pour origine la volonté du salarié d'emporter un ordinateur sur lequel figuraient des données appartenant à l'entreprise avant qu'elles n'aient été transférées, de sorte que les demandes reconventionnelles se rattachaient par un lien suffisant aux prétentions originaires du salarié fondées sur la contestation de son licenciement, la cour d'appel a violé les textes susvisés. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 567 et 70 du code de procédure civile :
6. Selon le premier de ces textes, les demandes reconventionnelles sont recevables en appel.
7. Selon le second, les demandes reconventionnelles ou additionnelles ne sont recevables que si elles se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant.
8. Pour déclarer irrecevables les demandes en cause d'appel de l'employeur, l'arrêt relève que celui-ci, n'ayant pas licencié le salarié pour faute lourde, sollicite le paiement de dommages-intérêts en réparation du préjudice financier qu'il indique avoir subi suite aux agissements fautifs et déloyaux du salarié, ayant notamment consisté à s'emparer de toutes les données de l'employeur (fichiers clients, bons de commande, factures, plans de montage, secrets de fabrication, savoir-faire propre à l'entreprise, etc.) et à les remettre à son nouvel employeur exerçant la même activité ou une activité similaire dans le secteur de l'événementiel et une somme de 10 000 euros en réparation de son préjudice moral résultant notamment de l'atteinte portée à son image.
9. Il retient qu'au regard de l'action initiée par le salarié visant tout à la fois diverses réclamations formées au titre de l'exécution du contrat de travail et du licenciement, lequel a été prononcé pour faute grave en lien avec la seule altercation du 11 janvier 2019, il y a lieu de considérer que ces demandes ne se rattachent pas aux prétentions formées par le salarié par un lien suffisant au sens de l'article 70 du code de procédure civile.
10. En statuant ainsi, alors que les demandes, qui revêtaient un caractère reconventionnel comme émanant du défendeur en première instance, se rattachaient par un lien suffisant aux prétentions originaires du salarié qui contestait son licenciement pour faute grave en lien avec son refus de laisser temporairement son ordinateur à la disposition de son employeur afin de lui permettre de transférer les données de l'entreprise qu'il contenait et à l'altercation qui s'en est suivie, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare irrecevables les demandes nouvelles formées par la société Nightjet en cause d'appel, l'arrêt rendu le 20 décembre 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes ;
Condamne M. [K] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé publiquement le onze juin deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.